Si les pays d’Afrique de l’Est tels que le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda sont en pointe dans l’usage du mobile money depuis son apparition il y a une dizaine d’années, en Afrique de l’Ouest, le Ghana se distingue par le nombre de transactions mobiles enregistrées, dont la valeur représente désormais 75 % du PNB. Explications.
Avec un taux de pénétration estimé à 45 %, selon l’étude GSMA Mobile Economy 2018, le succès de la téléphonie mobile n’est plus à démontrer en Afrique subsaharienne. Mais a-t-on bien mesuré l’impact de l’essor fulgurant des transactions mobiles ? Prenons l’exemple emblématique du Ghana : le pays figure aujourd’hui parmi les marchés d’argent mobile les plus prospères et à la croissance la plus rapide en Afrique subsaharienne. Deux chiffres résument à eux seuls cette envolée : le nombre de comptes enregistrés, qui a bondi de 3,8 millions en 2012 à quasi 24 millions en 2017, et le nombre de transactions, qui a frôlé le milliard l’an dernier, contre 18 millions cinq ans plus tôt, selon le FMI. Essentiellement des transferts d’argent à des proches et des recharges de crédit téléphonique, mais aussi, de plus en plus, des règlements de factures, des achats de biens et services, des souscriptions d’assurances etc.
Un cadre réglementaire favorable
L’évolution du cadre réglementaire est pour beaucoup dans cette dynamique. Le véritable tournant remonte à juillet 2015, lorsque la Banque du Ghana a publié de nouvelles directives pour les services de mobile money, remplaçant celles de 2008. Ce nouveau cadre réglementaire a radicalement changé la donne en permettant aux opérateurs de posséder et d’exploiter des réseaux de monnaie mobile sous la supervision de la Banque centrale, par le biais de filiales propres. En moins d’un an, les opérateurs ont ainsi fortement investi dans le recrutement d’agents (dont le nombre avoisine désormais les 150 000 au Ghana) et la publicité pour ces nouveaux services. Résultat : plus de 40 % de la population y a désormais recours, et la valeur moyenne de chaque transaction a été multipliée par cinq entre 2012 et 2017.
Inclusion financière
En mai 2018, le pays a pris le tournant de l’interopérabilité, ouvrant la voie aux opérations de transfert d’argent entre tous les opérateurs et les banques. De nouveaux services sont aussi apparus tels que les transferts depuis un compte bancaire vers un mobile, les règlements commerciaux, le paiement des impôts ou le versement des pensions de retraite. De quoi faciliter davantage la vie des Ghanéens et donner un nouveau coup de fouet à l’inclusion financière dans un pays où le taux de bancarisation avoisine les 40 %. Cette étape décisive pour la modernisation du système financier ghanéen préfigure d’autres usages tels que le règlement des frais de scolarité et d’études, comme cela se pratique déjà en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda, et qui s’avère particulièrement pertinent en zones rurales.
Levier de recettes fiscales
Pour l’Etat, cette dynamique d’inclusion financière représente un levier de mobilisation des recettes fiscales, l’argent mobile constituant une source majeure de revenus traçable pour l’économie informelle. Le recouvrement de la TVA peut ainsi être mieux contrôlé, dès lors que l’opérateur transmet automatiquement à l’Etat la valeur des paiements destinés à chaque entreprise.
Rendre visibles les flux financiers issus d’activités informelles, réduire le manque à gagner de l’Etat – qui avoisine 15 % du PIB du fait de l’économie informelle – et lui assurer des ressources complémentaires pour financer son développement dans le cadre de la vision présidentielle « Ghana Beyond Aid » justifient le recours au monitoring des transactions mobiles tel que mis en place le 22 octobre dernier.