« C’est un grand jour pour nous car il représente notre expansion en Afrique subsaharienne » a déclaré Olivier Harnisch, Directeur exécutif d’Emaar Hospitality Group, le 27 juin dernier à l’Address Hôtel Boulevard de Dubaï. Déjà présent en Egypte et à Maurice, le groupe Emaar a choisi cet hôtel comme « porte d’entrée » en Afrique de l’Ouest, s’est félicité Yaovi Attigbé Ihou, le Ministre de l’Industrie et du Tourisme du Togo, dépêché à Dubaï pour l’officialisation de ce partenariat signé entre les groupes Emaar Hospitality et Kalyan, respectivement en charge de la gestion et de l’exploitation des lieux.
Cette signature renvoie au dynamisme des échanges entre l’Afrique et Dubaï qui s’est, en quelques années, imposé comme un « hub » logistique incontournable vers le continent. Aux côtés des businessmen issus des traditionnelles communautés indo-pakistanaises du Kenya ou d’Ethiopie, de plus en plus de cadres égyptiens, sud-africains, maghrébins ou subsahariens s’établissent dans la capitale émiratie qui comptait plus de 17.000 entreprises africaines et près de 500.000 résidents africains en 2017. L’Afrique représente d’ores-et-déjà 8% du commerce extérieur de l’émirat de Dubaï tandis que le volume des échanges commerciaux entre le continent et les Emirats Arabes Unis (EAU) ne cesse de croître et s’élève actuellement à plus de 30 milliards d’euros par an.
Doté d’une compagnie aérienne particulièrement prisée par les hommes d’affaires, Emirates Airlines, de Chambres de commerce basées au Nigeria, au Kenya, au Ghana, en Ouganda et au Mozambique, d’une fiscalité attractive et d’un environnement multiculturel, Dubaï se lance aujourd’hui dans l’hôtellerie de luxe en Afrique francophone : signe que les temps changent et accompagnent « l’émergence » de l’Ouest africain…
Emaar Hospitality Group au secours de l’Hôtel 2 Février
Construit en 1980, nationalisé en 2014 avant d’être confié à Kalyan Group sur la base d’une concession de trente ans, le palace togolais laissé à l’abandon depuis 2002 avait été entièrement rénové en 2016 en un temps record de 15 mois, pour un coût global de plus de 100 millions de dollars d’après Ashok Gupta, le PDG de Kalyan Hospitality Development Togo SAU (KHDT). Pourtant, quelques mois après l’arrivée de la marque Radisson Blu, la gestion du palace s’était soldée par un divorce avec le groupe Kalyan en août 2017, sur fond de scandale financier…
« Ça n’a pas marché entre Kalyan Group et Radisson, c’est un désaccord entre 2 acteurs privés » a déclaré Yaovi Attigbé Ihou, Ministre togolais de l’Industrie et du Tourisme, soulignant que l’Etat ne se « mêle pas » de cette affaire. Il y a néanmoins« des poursuites judiciaires en cours…» a-t-il précisé. « Il faut toujours positiver, même les choses malheureuses (…) Nous perdons Radisson mais avec Emaar, nous gagnons le ciel !» s’est-il réjoui.
Le palace togolais devrait bientôt ouvrir ses portes sous le nom d’Address Hotel 2 Février Lomé Togo avec l’arrivée d’Emaar. Le groupe fondé en 1997 par Mohammed Alabbar dont le gouvernement dubaïote représente l’actionnaire majoritaire, est notamment à l’origine du célèbre building Burj Khalifa, dominant la capitale de l’émirat à 828 mètres de haut et du Dubaï Mall, le plus grand centre commercial créé à ce jour, qui dispose d’une surface de 1,1 million de m². Pas surprenant que le groupe symbolisant la démesure de Dubaï s’intéresse à l’hôtel le plus élevé du Togo, situé à 7 km de l’aéroport international Lomé-Tokoin, pourvu de 30 étages sur 102 mètres de haut et doté de quelques 256 chambres et suites mais aussi de 64 appartements.
« Il n’y a pas eu de rupture dans les services proposés au niveau de l’Hôtel 2 Février »assure Philippe Mahieu, le Directeur Pays de Kalyan, bien qu’une réorganisation s’annonce, faisant craindre des licenciements aux observateurs togolais. « Nous allons créer de l’emploi » a rassuré le PDG de KHDT à l’occasion de la signature de cet accord.
Lomé : nouvelle place touristique africaine ?
« Cet hôtel est aujourd’hui l’un des joyaux de l’Afrique. Il a accueilli tous les Chefs d’Etat africains » a précisé le PDG de KHDT qui considère que l’arrivée de ce nouveau partenaire permettra de « renforcer la position du Togo sur la carte du monde touristique ». Au-delà des frontières togolaises, Emaar serait « actuellement en négociations avec plusieurs groupes dans différents pays d’Afrique » a déclaré énigmatique Olivier Harnisch…
Le groupe dubaïote devrait d’ailleurs être rejoint par « Azalaï – qui – va bientôt construire un nouvel hôtel 4 étoiles au Togo – grâce à – un Partenariat Public Privé (PPP). Les négociations ont déjà commencé » nous a confié le ministre de l’Industrie et du Tourisme du Togo, qui accueille avec enthousiasme l’arrivée des géants de l’hôtellerie mondiale. En effet, le gouvernement togolais veut faire de sa capitale, un véritable hub du business régional, porté par le développement de son industrie touristique.
Le secteur représente aujourd’hui 2% du PIB et l’Etat ambitionne d’atteindre « 7% d’ici 2020 » selon Bernadette Legzim Balouki, ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur Privé, également présente dans la salle de Bal de l’Address Boulevard Hôtel de Dubaï, qui mise en particulier sur « un code des investissements attractif »pour financer les infrastructures nécessaires.
« Le Togo a toujours été une porte d’entrée en Afrique (…) c’est un hub tant au niveau maritime avec son port en eau profonde qu’au niveau financier » a rappelé Yaovi Attigbé Ihou, soulignant par ailleurs la « stabilité du pays » qui devrait favoriser l’arrivée de nouveaux investisseurs…
Kalyan Group renforce ses positions au Togo
« Le groupe Kalyan participe à une vraie création de richesse dans le pays, c’est clair » a déclaré le ministre de l’Industrie togolais qui a souligné « l’immensité de la contribution du groupe au Togo ». Le groupe Kalyan « a des intérêts dans l’industrie, les mines, l’agriculture, les transports et les ressources naturelles » a lui-même rappelé Ashok Gupta lors de la conférence de presse.
Créé à la fin des années 90, Kalyan group ouvre sa première entreprise en Australie et se lance dans le commerce de phosphate. En 2001, il déménage à Singapour et développe son expertise dans le commerce et l’expédition avant d’établir son siège social à Dubaï en 2012 et de devenir l’un des plus importants négociants privés de phosphate naturel en Asie. Kalyan Group est particulièrement actif au Togo où le phosphate représente justement l’une des principales richesses du pays. Le groupe cherche à s’imposer comme un acteur majeur du secteur agricole en Afrique de l’Ouest. Membre de la Roundtable of Substainable palm Oil (RSPO), sa filiale Kalyan Agrovet Investments s’est engagée dans la construction d’une usine de transformation d’huile de palme au Togo. Parallèlement, Kalyan travaille actuellement avec la Banque mondiale sur la création d’agropoles togolais, pour un coût estimé à plusieurs milliards de francs CFA.
A travers l’exploitation du prestigieux hôtel, le groupe poursuit sa stratégie de diversification avec l’ambition d’impulser la création de « plusieurs hôtels similaires en Afrique de l’Ouest » selon Ashok Gupta. Ce partenariat stratégique introduit le groupe dubaïote en Afrique subsaharienne et offre à Kalyan Group une opportunité de sortie de crise dans la gestion du palace togolais…
Le PDG de Kalyan Hospitality parie sur l’arrivée d’Emaar Hospitality Group pour« rehausser les prestations » de l’Hôtel 2 Février, qui tire son nom originel de la nationalisation des mines de phosphate togolaises…
Avec latribuneafrique