Prévu ce 6 octobre à travers le pays, l’appel à la journée de «deuil national» a eu un écho à la limite du favorable auprès de la population. Un succès mitigé certes, mais à des années-lumière de l’échec annoncé par les autorités. Initiée par Jean Ping et largement relayée par des activistes contre le régime d’Ali Bongo, la journée de recueillement en guise de «deuil national» a été observée par une frange importante de la population. A Libreville, notamment, l’appel a été bien suivi. La plupart des administrations ont tourné au ralenti. A l’hôtel de ville, «nous avons enregistré plus de 50% d’agents d’absents», a signalé un hiérarque de la municipalité de Libreville, tandis que les reporters de Gabonreview ont constaté au ministère du Budget, à celui des Mines ou encore au ministère de l’Economie, que plus de la moitié des bureaux étaient vides. Mieux, la ville était engourdie jusqu’en milieu de matinée et elle est restée peu animée pour un jour ouvrable avec, en prime, des magasins fermés par endroit dans les quartiers populaires. Même constat dans le trafic routier urbain, relativement fluide pour un jour de milieu de semaine. «La circulation était trop fluide aujourd’hui. Nous avons un embouteillage tous les jours entre Avorbam et la base aérienne n°1. J’ai rarement eu autant de facilité à sortir de mon quartier un jour ouvrable», a déclaré un riverain d’Angondjé, un quartier de la banlieue nord de Libreville. Pour les transports en commun, par contre, notamment chez les conducteurs de taxis, c’était un jour sans. «Il n’y a pas de clients : la recette est très mauvaise», a déploré un taximan. «Depuis le matin je n’ai vraiment rien eu. Il est 14h et je dois rendre la voiture, j’ai fait le plein et il ne me reste que six mille francs. La journée est bad», confirme un autre. Les exemples ne manquent pas pour montrer qu’en dépit des «ont dit», l’appel à cette journée de recueillement a eu un écho assez favorable. Le résultat est peut-être en deçà des attentes, mais beaucoup des gabonais sont restés chez eux, malgré les mises en garde des autorités. La veille de cette journée, en effet, le ministre du Travail a martelé dans un communiqué aux relents forts dissuasifs, que la journée du 6 octobre était bel et bien ouvrable. «Sans déroger au respect dû aux morts, le ministre du Travail précise que la journée du jeudi 6 octobre 2016 reste ouvrable», peut-on lire dans le texte. Eloi Nzondo s’est également offusqué du relai, par les médias, de cet appel à la ville morte. «Depuis quelques jours, une certaine presse diffuse des informations sur l’organisation d’une journée de deuil national, jeudi 6 octobre 2016, et appelle de ce fait les Gabonais et notamment les travailleurs à ne pas aller au travail», a déploré le ministre. «Cette attitude vise à semer le trouble dans les esprits des travailleurs et à mettre en danger la sécurité de leurs emplois», a fustigé le ministre du Travail. Invoquant les dispositions des décrets réglementant le régime des jours fériés en République gabonaise, Eloi Nzondo rappelé qu’«aucun individu n’a le droit de décréter une journée chômée». «Je demande à tous les employeurs et les responsables des administrations publiques et privées de prendre les dispositions nécessaires afin que chaque travailleur puisse vaquer librement à ses occupations professionnelles», a-t-il conclu. Au-delà de cette mise en garde, certaines indiscrétions rapportent qu’en coulisse, aussi bien dans les administrations que dans les structures privées, des menaces de représailles ont été proférées aux employés et agents qui répondraient favorablement à cet appel. C’est le cas du maire de Port-Gentil, qui s’est montré moins condescendant que le ministre du Travail. Dans une circulaire adressée aux secrétaires généraux d’arrondissement et aux chefs de services de l’administration municipale, l’édile de la capitale économique a donné des instructions pour l’instauration d’un système de fiche de présence. «Sur instructions de monsieur le maire, il vous est demandé de dresser une liste de présence au poste des agents municipaux pour la journée du 6 septembre 2016. Les agents absents à leurs postes ne percevront pas leurs émoluments à la fin du mois», peut-on lire sur le document. Tout ceci a très certainement participé à limiter l’impact de la journée de «deuil national». Libreville s’est véritablement animé après 15 heures et, sur les réseaux sociaux, de nombreux pourfendeurs de Jean Ping en ont publié des photos pour prouver l’échec de l’opération. Commentaire d’un pro-Ping lu sur Facebook : «On n’avait pas dit qu’on mettrait le Gabon en mode ‘pause’ ou en mode ‘stop’. Nous avons invité les Gabonais à rester chez eux et à observer une journée de recueillement, de méditation et de réflexion. La méditation ne dure pas des heures et des heures». En lançant l’appel à une journée de « deuil national » le 29 septembre dernier, Jean Ping et les siens visaient clairement, au-delà du recueillement, une paralysie de l’économie sur 24 heures. La paralysie n’a pas eu lieu mais l’activité économique n’a pas tourné non plus à plein régime.
avec Camer.be