Le 31 aout, le ministre gabonais de l’intérieur proclamait le président sortant, Ali Bongo, vainqueur de l’élection présidentielle organisée 4 jours plus tôt. Selon les résultats provisoires, le Président sortant aurait obtenu 49.80% des suffrages (soit 177 722 voix) devant son principal adversaire Jean Ping, qui n’aurait obtenu que 48.23% (soit 172 128 voix). Principal fait marquant, alors qu’à l’issue du décompte des voix dans 8 des 9 provinces du pays et dans les commissions électorales consulaires Jean Ping disposait d’une avance de plus de 60 000 voix, Ali Bongo est parvenu à rattraper son retard et à remporter finalement le scrutin grâce aux seuls résultats de la province du Haut-Ogooué sur lesquels pèsent de forts soupçons de fraude. Dans cette province, le taux de participation aurait été de 99.9% (soit à peine 47 abstentions sur 71 714 inscrits) et le candidat Ali Bongo aurait obtenu 95.46% des suffrages exprimés (soit 68 064 voix), un double record pour le moins étonnant au regard du taux de participation moyen dans les 8 autre provinces du pays qui fut inférieur à 60%. Le candidat Jean Ping ayant introduit un recours contentieux à la Cour Constitutionnelle afin d’obtenir le recomptage des résultats de la province du Haut-Ogooué et leur publication bureau de vote par bureau de vote, nous avons sollicité son état-major afin d’obtenir consultation des procès-verbaux (PV) de ladite province en sa possession et ainsi vérifier par nous-même la crédibilité des résultats publiés par le ministère de l’intérieur. 156 PV ont généreusement été mis à notre disposition par les équipes de Jean Ping, lesquelles se sont montrées totalement transparentes.
La consolidation des données de ces PV que nous vous proposons permet de constater des contradictions flagrantes entre les résultats proclamés dans le Haut-Ogooué et ceux consignés dans 156 PV de bureaux de vote de cette province. Mieux, cette consolidation permet de constater que les éléments qui ont permis à Ali Bongo de l’emporter, à savoir un taux de participation de 99.9% et 95.46% des suffrages obtenus ne reposent sur aucune réalité. Au contraire, l’analyse mathématique des résultats de ces PV conclut qu’Ali Bongo a perdu cette élection et n’a jamais pu rattraper l’avance de plus de 60 000 voix dont disposait Jean Ping avant que ne soient intégrés les résultats contestés de la province du Haut-Ogooué.
156 PV, 10 601 abstentions et 1 281 bulletins blancs
Au terme du décompte dans 8 provinces du pays et dans les commissions électorales consulaires, lequel donnait au candidat Jean Ping plus de 60 000 voix d’avance, pour qu’Ali Bongo inverse la tendance, il fallait que 2 conditions soient réunies :
– Que le taux de participation dans la province du Haut-Ogooué avoisine les 100% ;
– Que plus de 90% des suffrages exprimés dans le Haut-Ogooué se reportent sur le seul candidat Ali Bongo.
C’est ce qui fut fait puisqu’au final Ali Bongo remporta le scrutin avec 5 594 voix d’avance sur Jean Ping. Au regard de ce qui précède, tout l’enjeu du contentieux électoral en cours repose sur la confirmation ou non du taux de participation de 99.9% que le ministère de l’intérieur et la CENAP auraient comptabilisés dans la province du Haut-Ogooué. En effet, le Président sortant ayant obtenu la quasi-totalité des suffrages exprimés dans le Haut-Ogooué dont le taux de participation approche les 100%, s’il était démontré que le nombre d’électeurs s’étant abstenus est supérieur à 6 000, cela prouverait sans équivoque qu’Ali Bongo a été battu comme l’ont affirmé ses adversaires Jean Ping, Pierre-Claver Maganga Moussavou, Paul Mba Abessole et Augustin Moussavou King.
Ainsi, en analysant les 156 procès-verbaux sur les 297 que compte le Haut-Ogooué, nous avons d’abord voulu nous assurer que le nombre d’électeurs s’étant abstenus dans cette province est bien de 47 comme l’a prétendu le ministère gabonais de l’intérieur. Seulement, à peine avions-nous analysé 10 PV de cette province, que le nombre d’électeurs s’étant abstenus avoisinait déjà les 200. Bien loin des 47 abstentions rapportées par le ministère de l’intérieur et la CENAP qui manifestement ne répondent à aucune réalité.
Sur les 156 PV analysées, nous avons dénombrés par moins de 10 601 abstentions et 1 281 bulletins blancs soit presqu’autant de voix qui manquent au candidat Ali Bongo. Notre analyse pouvait s’arrêter à ce stade puisque rien qu’avec le niveau réel des abstentions constatés dans ces 156 PV, il devient mathématiquement impossible à Ali Bongo de remporter l’élection présidentielle du 27 aout dernier. Au contraire, l’abstention que nous avons constatée permet au candidat Jean Ping de maintenir une avance irrattrapable sur son adversaire qui ne peut plus être réélu même si il parvenait à obtenir 100% des suffrages dans 141 autres bureaux de cette province dont nous n’avons pu consulter les PV … Et cela même si le taux de participation dans l’ensemble de ces bureaux était de 100%. Ali Bongo a donc perdu l’élection présidentielle.
Un score de 85%, insuffisant pour remporter le scrutin au niveau national
Ayant eu à notre disposition 156 PV de la province du Haut-Ogooué, nous en avons profité pour les consolider et déterminer le nombre de voix et les scores obtenus par les différents candidats dans les 156 bureaux de vote concernés.
Il en ressort qu’Ali Bongo est bien arrivé en tête dans cette province et de façon assez large. Il remporte la très grande majorité des bureaux et recueille 24 910 voix soit 85.56% des suffrages exprimés : 10 points en dessous des 95.46% que le ministère de l’intérieur et la CENAP lui ont attribué au niveau provincial lors de la publication des résultats provisoire.
A l’inverse, Jean Ping à qui il n’avait été attribué que 3 071 voix et 4.31% des suffrages lors de la proclamation des résultats provisoires, affiche de bien meilleurs résultats dans les PV que nous avons consultés. Rien que sur les 156 PV consultés, Jean Ping obtenait près de 4 000 voix (soit 900 voix de plus que celles communiquées par le ministère de l’intérieur). A ce stade, on peut valablement se demander comment la CENAP et le ministère de l’intérieur sont parvenus à ces chiffres et on comprend mieux pourquoi l’Union européenne, l’Union africaine, la France et les Etats-Unis demandent depuis plusieurs semaines que l’ensemble des résultats du scrutin fasse l’objet d’un recomptage et soit rendu public bureau de vote par bureau de vote.
En tous les cas, les 24 910 voix et 85.56% obtenus par le candidat Ali Bongo dans les 156 bureaux dont nous avons consultés et analysés les PV viennent confirmer l’impossibilité pour ce candidat d’être réélu à la magistrature suprême. La Cour Constitutionnelle en charge d’analyser le contentieux électorale pourra difficilement valider une victoire d’Ali Bongo au niveau national, tant il est démontré que les résultats proclamés dans la province du Haut-Ogooué qui l’ont prétendument donné vainqueur sont manifestement frauduleux tant dans le niveau de la participation que dans les scores et suffrages attribués à chaque candidat.