A l’initiative de l’Allemagne, une dizaine de chefs d’Etats du continent assistent, les 12 et 13 juin à Berlin, à une conférence internationale sur la mobilisation des investissements en Afrique auprès des pays industrialisés. L’occasion pour les dirigeants africains de plaider pour un nouveau partenariat destiné à accompagner le développement des différents pays, seule alternative pour faire face à certains défis communs, notamment la migration et le terrorisme.
Ils sont neufs chefs d’Etat africains dont une majorité d’Afrique de l’Ouest et sept (7) pays francophones à répondre présent à la conférence intitulée «Partenariat G20 Afrique, investir dans un avenir en commun» qui se tient les 12 et 13 juin à Berlin. A l’invitation d’Angela Merkel, se donc donné rendez-vous pour deux jours de travaux en compagnie d’Angela Merkel, les chefs d’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, tunisien, Béji Caid Essebsi, nigérien, Mahamadou Issoufou, rwandais, Paul Kagamé, sénégalais, Macky Sall, ghanéen Nana Akufo-Addo, égyptien, Abdel Fattah al-Sissi et malien, Ibrahim Boubacar Keïta ainsi que le guinéen, Alpha Condé. Plusieurs autres pays du continent se sont fait représenter par d’importantes délégations ministériels et d’hommes d’affaires.
L’évènement organisé par l’Allemagne dans le cadre de sa présidence du groupe des 20 pays les plus industrialisés du monde (G20) s’inscrit dans le cadre de l’engagement du pays à mobiliser la communauté internationale en faveur du développement de l’Afrique à travers le programme «Compact with africa», le plan Marshall qu’initie l’Allemagne en faveur d’une dizaine de pays du continent.
La Conférence qui intervient un mois presque avant le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernements du G20, prévu les 7 et 8 juillet prochain à Hambourg, vise à mobiliser les investisseurs internationaux en faveur de l’Afrique que l’Allemagne a décidé d’ériger en priorité de sa présidence du G20. Elle intervient à la suite de la rencontre des ministres des Finances des pays ayant déjà marqué leurs accords pour intégrer le programme qui s’est tenu en mars dernier à Baden-Baden, toujours sous l’égide de l’Allemagne.
A la fin de décembre dernier, la chancelière allemande s’est également rendu dans plusieurs pays africains dans le cadre de sa nouvelle politique africaine qui vise avant tout à financer le développement des pays africains pour stopper la migration, mais aussi lutter contre le terrorisme. «S’il existe trop de désespoir en Afrique, il y a des gens qui se disent, “nous devons aller chercher l’espoir ailleurs”», avait d’ailleurs annoncé, pour planter le décor, la chancelière allemande à l’ouverture de la conférence. «L’accord avec l’Afrique est le synonyme d’une approche complètement nouvelle dans le développement économique», a de son coté estimé le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, pour qui les autres pays industrialisés ont également intérêt à en faire de même.
L’occasion donc pour les chefs d’Etat africains présents à Berlin de faire de nouveau leur plaidoyer auprès des représentants d’institutions internationales qui ont également répondus massivement présents à la Conférence à l’image de la directrice du FMI Christine Lagarde, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, ainsi que celui de la BAD, Akenwumi Adesina.
Des investissements pour stimuler le développement
Rompus à la tâche, les chefs d’Etat africains représentants l’Afrique à Berlin se sont tour à tour relayer à la tribune de la conférence pour non seulement marquer leur adhésion à l’initiative allemande, mais aussi pour faire la promotion des atouts et potentiels de croissance que recèlent leurs pays et expliquer qu’ils ont besoin de plus de soutien financier pour atteindre leurs objectifs de développement.
Cette conférence est une opportunité pour «mieux identifier les mesures adéquates et surmonter ainsi les obstacles à une croissance économique durable et de créer des flux d’investissements plus importants et plus stables», s’est ainsi réjoui le chef d’Etat guinéen Alpha Condé, également président en exercice de l’Union africaine (UA).
De son côté, le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara qui a également intervenu à la table ronde consacré au financement des infrastructures en Afrique. Ouattara, qui s’est réjoui de l’engagement allemand qui vise à «développer davantage les relations économiques et financières du G20 avec ses partenaires africains et de promouvoir les investissements privés, les infrastructures et l’inclusion économique dans les pays africains», a aussi insisté sur le fait qu’en plus de l’objectif visant à mieux coordonner les initiatives du G20 avec celles des organisations internationales et des pays africains, le «Compact Africa» devrait principalement couvrir les projets d’infrastructures, de transport et d’énergie, dont l’Afrique a tant besoin.
«Dans la mise en œuvre de cette initiative, il serait utile de veiller à ce que «les conditionnalités croisées» ne constituent pas un frein. Le «Compact Africa» devrait principalement couvrir les projets d’infrastructure, de transport et d’énergie, dont l’Afrique a tant besoin». Alassane Dramane Ouattara
Le président rwandais Paul Kagamé a, lui, mis l’accent sur la convergence des intérêts et des objectifs ente l’Afrique et les pays industrialisés, estimant que la responsabilité qui incombe à tous les dirigeants est de permettre l’instauration de «sociétés sûres, équitables et inclusives, dans lesquelles les citoyens et les migrants peuvent atteindre leur plein potentiel en tant qu’êtres humains».
«Nous sommes certains que si l’aide traditionnelle est utile, elle ne va jamais être suffisante pour un développement durable (…) Notre défi, c’est de parvenir à faire les choses différemment et plus rapidement cette fois. Des tables rondes et des discussions sans fin ne résoudront pas nos problèmes ou le vôtre». Paul Kagamé
Le président du Niger Mahamadou Issoufou qui n’a pas manqué de rappeler que « ‘Afrique a une vision, celle qui est définie dans l’agenda 2063 de l’UA», a également reconnu que «le plan Merkel en faveur de l’Afrique nécessitera plus de temps et certainement beaucoup de ressources». Il a également mis en avant les potentialités du continent, notamment une structure démographique favorable avec «un actif démographique qui peut être transformé en dividende économique».
«L’Afrique a besoin de l’Europe qui, à son tour, a besoin de l’Afrique. Il est donc normal que les deux continents investissent dans un avenir commun. Cela nécessitera, des efforts de part et d’autre dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant». Mahamadou Issoufou
Convergence d’objectifs avec les investisseurs internationaux
Le président de la Banque africaine de développement (BAD), partie prenante dans la mise en œuvre du programme, s’est lui-réjoui du changement de mentalité qui est en train de s’opérer au niveau du regard que portent les investisseurs sur l’Afrique. Il a de ce fait mis en avant les véritables enjeux pour le continent, ainsi que les réponses déjà identifiés pour prendre en charge les défis socioéconomiques auxquels sont confrontés les pays africains. En se sens, il a insisté sur la nécessité d’accompagner la transformation économique du continent, notamment à travers celle de son secteur agricole qui recèle d’importants facteurs de croissance durable et inclusive.
«Le Compact avec l’Afrique est très important en raison du changement du prisme avec lequel on regarde désormais le continent. On ne regarde plus l’Afrique juste à travers ses perspectives de développement, mais désormais comme une destination d’investissement qui est en train de débloquer son énorme potentiel. C’est un excellent changement de mentalité, car l’Afrique est la frontière de croissance». Akinwumi Adesina
La directrice générale du FMI a également salué l’initiative allemande qui «pourrait contribuer à redessiner l’avenir économique de l’Afrique». Pour Christine Lagarde, en lançant le Pacte, la présidence allemande du G20 a amorcé un moteur de création d’emplois et de réduction de la pauvreté. Toutefois, «pour tourner à plein régime, ce moteur devra toutefois compter sur la contribution de toutes les parties prenantes». Au FMI, la recette est simple, particulièrement pour les gouvernements africains : accélérer les réformes afin d’améliorer l’environnement économique et financier, le climat des affaires et la gouvernance. «Leurs partenaires, dont les pays du G20 et les organisations internationales, devront quant à eux les accompagner dans l’élaboration de solides pactes d’investissement, adaptés aux particularités de chaque pays», a plaidé la directrice générale du FMI qui a conclu son intervention sur un appel à une action collective et concertée. «En agissant ensemble, nous aurons la possibilité de réaliser les promesses du Pacte avec l’Afrique et des autres grandes initiatives de développement. D’ici-là, nul d’entre nous ne pourra véritablement s’accorder de répit», a prévenu Lagarde.
Le «Pacte avec l’Afrique» pourrait avoir un effet économique tangible sur la vie de millions d’Africains. Il vise à doper l’investissement privé en mobilisant le savoir-faire et les ressources des États, des investisseurs et des organisations internationales. Christine Lagarde
La Conférence de Berlin devrait également servir de cadre pour plusieurs activités notamment des rencontres bilatérales et l’annonce de plusieurs conventions d’investissements dont 300 millions de dollars déjà dégagés par l’Allemagne en faveur des premiers pays bénéficiaires du programme. Dans l’ensemble pourtant et si la prestation des chefs d’Etat africains a des airs de déjà vu et déjà entendu, le changement de paradigme pour une Afrique qui entend désormais réduire sa dépendance, à défaut de pouvoir s’en passer, de l’aide publique au développement, a été un des faits marquants de cette nouvelle initiative qui se met en place au chevet du continent.
Avec latribuneafrique