Finalisation difficile du budget 2018, derniers arbitrages sur le contenu des ordonnances réformant le droit du travail… L’Exécutif joue dans les semaines qui viennent la réussite du quinquennat.
Cette fois l’euphorie post-électorale du printemps est bel et bien terminée pour le président de la République, son gouvernement et la majorité. Avec la rentrée et la finalisation du budget 2018, l’Exécutif doit maintenant faire face à l’inexorable principe de réalité. Et les annonces estivales sur la baisse du nombre des emplois aidés, la réduction des aides au logement ou des dotations des collectivités territoriales ont commencé à inquiéter les Français. Résultat, Emmanuel Macron voit sa cote de popularité chuter de façon drastique, avec 40% de personnes satisfaites dans le sondage Ifop publié par le Journal du Dimanche, soit 22 points de baisse depuis son élection.
Pis, seulement 37% le jugent en mesure de “réformer efficacement” le Code du travail, l’autre gros dossier de cette rentrée 2017, selon un sondage Odoxa pour RTL. Conscient de la zone de turbulence qu’il traverse actuellement et des critiques qui montent, Emmanuel Macron a appelé à ne “pas céder au Cassandre” lors du séminaire gouvernemental de rentrée de ce lundi 28 août. Il n’en reste pas moins que sur les deux dossiers les plus chauds, le budget 2018 et la réforme du droit du travail, l’heure des choix a sonné. Et, surtout, un “plantage” sévère sonnerait sans doute le glas de la volonté et/ou de la possibilité de mener des réformes structurelles durant le reste du quinquennat
Budget 2018 ou comment gérer des injonctions contradictoires…
C’est peu dire qu’au ministère des Finances, on s’arrache les cheveux et on fait tourner les calculettes pour tenter de rendre possible… l’impossible. C’est-à-dire, tenir les promesses présidentielles de baisser les impôts et les cotisations sociales tout en ramenant le déficit public sous la barre des 3% pour, de nouveau, être dans les clous européens.
Le gouvernement a ainsi annoncé vouloir réaliser 20 milliards d’euros d’économies l’année prochaine, soit un point de PIB, ce qui est énorme. D’autant plus qu’il doit également trouver au moins dix milliards supplémentaires pour financer les baisses d’impôts, notamment la réforme de l’ISF et l’instauration de la “flat tax” à 30% sur les revenus du capital. Sans parler de l’assurance chômage qu’Emmanuel Macron a promis d’étendre aux indépendants et, dans certaines conditions à définir, aux salariés démissionnaires. Selon certaines estimations, cette extension pourrait représenter un coût d’au moins 4 milliards d’euros. Où les trouver, sans rogner sur le montant des droits à l’allocation chômage dont disposent actuellement les salariés privés involontairement d’un emploi ?
S’agissant de la baisse des cotisations salariales, qui constituait LA grande promesse d’Emmanuel Macron en faveur du pouvoir d’achat, le gouvernement a déjà amorcé un repli stratégique tout en assurant qu’il tiendrait parole…
Initialement, la suppression des cotisations salariales chômage (2,4% du salaire brut) et maladie (0,75%) et la hausse de 1,7 point de la CSG (de 7,5 à 9,2%) devaient intervenir en même temps, soit le 1er janvier 2018. Selon Bercy, cela devait se traduire par un gain de salaire de près de 20 euros par mois pour un salarié au Smic et de plus de 40 euros pour un salarié célibataire percevant 3.000 euros mensuels. Mais, finalement, petite astuce pour soulager les dépenses publiques, le gouvernement a annoncé que la baisse des cotisations salariales s’effectuerait en deux temps : une première baisse le 1er janvier de 2,2 points et une seconde à l’automne de 0,95 point. Étant entendu que la hausse de la CSG, elle, interviendra bien le 1er janvier. En revanche, rien ne change pour les retraités percevant une pension supérieure à 1.200 euros, ils connaîtront dès le 1er janvier une hausse de la CSG… tout comme les fonctionnaires auxquels le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin a promis une mesure de compensation… qu’il va falloir, là aussi, financer.
D’ailleurs les relations entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires pourraient bien se tendre avec le souhait de l’Exécutif de commencer à mettre en œuvre son objectif de supprimer 120.00 postes dans la fonction publique en cinq ans ainsi que de différencier l’augmentation du point d’indice selon les trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière).
Le portefeuille des collectivités territoriales ne sera pas épargné
Les collectivités territoriales ne seront non plus pas oubliées dans le budget 2018… au grand dam des élus locaux. De fait, en juillet, lors de la première conférence nationale des territoires, Emmanuel Macron a annoncé aux collectivités locales qu’elles devront économiser 13 milliards d’euros dans leur dépenses sur la durée du quinquennat et, en même temps, il a confirmé que la taxe d’habitation – principale ressource propre des communes – serait bien supprimée pour 80% des Français sur trois ans, tout en promettant que ce manque à gagner d’environ 10 milliards d’euros serait intégralement compensé aux collectivités… Là aussi, il va falloir trouver des ressources nouvelles….
On aura des éléments de réponses les 27 et 28 septembre, le Premier ministre Édouard Philippe ayant confirmé à l’issue du séminaire gouvernemental que les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018 seront présentés ces deux jours-là.
Réforme du droit du travail: ça passe ou ça casse
Le contenu exact des cinq ordonnances visant à réformer le Code du travail constitue bien entendu l’autre “bombe” potentielle de cette rentrée. Edouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Penicaud présenteront officiellement les textes le 31 août qui seront ensuite examinés en Conseil des ministres le 22 septembre avant d’être rapidement publiés au Journal officiel.
Jusqu’où va oser aller le gouvernement, c’est toute la question. On connaît sa volonté de plafonner les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, son intention de “fusionner” les instances représentatives du personnel, de simplifier les licenciements économiques, de faciliter le référendum en entreprise à l’initiative de l’employeur, d’accorder davantage de place à l’accord d’entreprise, etc.
Mais, quelles lignes rouges seront finalement franchies ? Par exemple, crainte du syndicat FO, l’actuel plancher de six mois de salaire d’indemnisation prud’homale (pour les salariés de plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de dix salariés) en cas de licenciement abusif va-t-il être abaissé ? Les délégués syndicaux vont-ils être également concernés par la fusion des instances du personnel ? Des accords d’entreprise pourront-ils être conclus directement avec des salariés, même sans mandatement syndical… grande inquiétude de la CFDT ? Les contrats de chantier pourront-ils étendus à d’autres branches ?
L’ampleur de la mobilisation syndicale et politique va dépendre des réponses à ces questions. Pour l’instant, si FO, CFE-CGC et la CFDT disent “attendre de connaître le contenu des textes”, la CGT a d’ores et déjà décidé d’y aller avec une journée d’action prévue le 12 septembre.
Le syndicat Solidaires (SUD), lui, prévoit une manifestation le 30 août à Jouy-en-Josas, afin de perturber l’université d’été du Medef.
De son côté, Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France Insoumise, a appelé à un “déferlement” contre les ordonnances le 23 septembre à Paris.
Allumer des contre-feux
L’automne va donc bien être une zone orageuse pour Emmanuel Macron et son gouvernement. Le président sait que si “ça craque” dans les semaines à venir, alors son quinquennat sera planté.
Aussi, le gouvernement s’est empressé d’allumer des contre-feux afin de présenter du “positif” aux Français pour contrebalancer la sueur et les larmes. Edouard Philippe a ainsi annoncé ce 28 août, pour courant septembre, un “grand plan étudiant”, qui doit “améliorer nettement la réussite universitaire”et “les conditions de la vie étudiante”.
Côté logement, il a aussi promis des mesures pour “construire plus et plus vite” afin de “mieux loger les plus fragiles”. Au programme également, une modernisation des aides au logement pour “obtenir de meilleurs résultats à un moindre coût”.
Enfin, il a annoncé une revalorisation du minimum vieillesse et une modernisation de l’accueil des personnes handicapées…
Avec latribuneafrique