Manifestement, il faudra s’y faire. Le machin qu’est la Françafrique résistera et triomphera de toutes les promesses. Il y a un peu plus de 10 ans déjà que Nicolas Sarkozy nous promettait la fameuse rupture avec les relations incestueuses que la France ne cesse d’entretenir avec l’Afrique depuis plus d’un demi-siècle. Mais il n’y avait point réussi. François Hollande, lui non plus, n’avait pas résisté à la tentation décidément trop forte de faire copain-à-copain avec certains des crocodiles du cnotinent. Et Emmanuel Macron qui n’est pourtant pas de la génération des rapports particulièrement sulfureux entre la France et l’Afrique, n’est pas lui non plus, parti pour réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Ce, en dépit des engagements à la fois fermes et précis qu’il avait pris le 28 novembre 2017 à l’université d’Ouagadougou. En effet, voilà que lui aussi s’est senti obligé de voler au secours du dictateur Idriss Deby Itno. Quant à son ministre des Affaires étrangères, après la bourde sur la crise congolaise, voilà qu’il en rajoute une couche en justifiant son rétropédalage par « l’espace de compromis à l’Africaine ». Après, ça vous dit que ça respecte l’Afrique.
A ce rythme, on devrait cesser de prêter attention à ce qu’un dirigeant français dirait quant à la réforme des relations franco-africaines. A chaque fois et pour chacun, il s’agit essentiellement d’un catalogue de bonnes intentions balancé à l’opinion pendant la période de campagne électorale et tout au début du mandat. Parce qu’autrement, à mesure qu’on s’habitude à la demeure de l’Elysée, on réalise que certaines pratiques diplomatiques ont la peau plus dure qu’on l’imaginait au départ. Et quelques actions d’éclat, véritable arbre qui cache la forêt, n’y changent rien. Ainsi, en ce qui concerne Emmanuel Macron, on aurait pu se laisser impressionner par la restitution à l’Afrique de quelques œuvres dérobées durant la colonisation. De même qu’on se serait empressé d’applaudir la reconnaissance par le président français de la responsabilité de l’Etat français dans la mort de Maurice Audin. Mais en réalité, ces gestes, aussi symboliques soient-ils, demeurent superficiels. Le véritable changement de paradigme suppose un plus grand courage et un désir de changement plus manifeste.
On pourrait même dire que le véritable test grandeur nature, Macron ne s’y est frotté qu’avec l’appel à l’aide qu’il a reçu le week-end dernier de la part du président tchadien, Idriss Deby Itno. Et la rapidité avec laquelle il a volé au secours de son homologue tchadien est un indice quant à son incapacité de rompre avec la tradition diplomatique depuis longtemps établie entre la France et l’Afrique. Tradition en vertu de laquelle les troupes françaises viennent systématiquement au secours aux dirigeants amis. Y compris si ces derniers ne sont ni le prototype de la démocratie, ni l’incarnation de la gestion vertueuse. D’ailleurs, on se rappelle qu’en 2008, la capitale tchadienne avait été sauvée de justesse d’une invasion à la fois imminente et certaine. Ironie du sort, comme il y a 11 ans, « la progression hostile » qui a été stoppée par les frappes des Mirages français, est celle que dirige Timane Erdimi, le neveu du président tchadien. Quant à lui, François Hollande s’était débrouillé pour sortir Blaise Compaoré du pétrin dans lequel il s’était pourtant mis tout seul. Il est vrai qu’avec un peu de chance, Emmanuel Macron pourra aisément arguer qu’il s’agissait de terroristes. Mais force est de reconnaître que le rapprochement n’est pas très évident.
Mais la tentative a le mérite révéler que Macron, pas plus que ses prédécesseurs, n’a pas plus de respect et de considération pour l’Afrique, elle-même. C’est pourquoi, hier, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian (encore lui), n’a pas sourcillé quand, évoquant le dénouement dans la crise postélectorale en République démocratique du Congo (RDC), il s’est abrité derrière « l’espèce de compromis à l’Africaine ». Une expression qui sent le mépris à plein nez. Parce qu’en gros, pour le ministre français, l’Afrique est un continent dont le niveau d’exigence de qualité est un cran en dessous de celui du reste du monde. Autrement, ce dont on peut exiger d’une élection au Venezuela est nécessairement au-dessus de ce dont on peut attendre d’un scrutin en Afrique. A vrai dire, on n’est pas très loin de la fameuse phrase selon laquelle « l’Afrique n’est pas assez bien rentrée dans l’Histoire ». Et c’est loin d’être une simple coïncidence. Hélas !
Avec ledjely