Quatre ans après la création du Fonds africain de garantie (AGF), un millier d’entreprises ont obtenu des financements. Un résultat satisfaisant pour le patron ivoirien, qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Qu’on le croise à Genève ou à Abidjan, Felix Adahi Bikpo affiche toujours la même attitude détendue. Celle d’un vétéran de la finance africaine au cuir tanné par vingt-cinq années consacrées aux établissements les plus emblématiques du continent. Passé par Access Bank – dont il a été l’un des architectes de l’expansion panafricaine -, Citibank, Ecobank et Atlantic Financial Group, le quinquagénaire ivoirien vivant à Nairobi, marié et père de quatre enfants, n’a plus rien à prouver ou presque.
Sous la bonhomie du directeur général du Fonds africain de garantie (AGF)transparaît aussi la fierté goguenarde de celui qui a déjoué les pronostics. Lorsque, en août 2011, Felix Bikpo est nommé à la tête de l’institution panafricaine destinée à garantir les emprunts des PME, sa mission semble impossible à accomplir. Il doit ni plus ni moins remédier à la question épineuse et mille fois débattue de l’inadéquation entre l’offre et la demande de financement des PME, avec des moyens très limités.
Réussite timide
La BAD a apporté 10 millions de dollars (près de 7 millions d’euros) au capital de l’AGF. Les coopérations espagnole et danoise, 20 millions chacune. Or si la mise de départ est modeste, le fonds doit tout de même atteindre dans trois à cinq ans un capital de 500 millions de dollars, générer environ 2 milliards de dollars de nouveaux prêts et soutenir quelque 10 000 PME africaines.
Quatre ans et demi après sa création, l’objectif n’est pas atteint – sans surprise. Mais Felix Bikpo se réjouit des résultats accomplis depuis le démarrage effectif du fonds : « En deux ans d’exercice opérationnel, nous avons émis environ 100 milliards de F CFA [152,45 millions d’euros] de garanties pour 40 établissements financiers à travers 35 pays en Afrique subsaharienne. » Un millier de PME de la région environ ont pu bénéficier de financements grâce aux garanties d’AGF, pour plus de 11 700 « nouveaux jobs » créés, selon le fonds panafricain.
À l’actif de l’AGF, l’ancien élève de l’Essec Paris ajoute les accords de contre-garantie (qui permettent au fonds de partager le risque avec ses partenaires) signés avec l’agence de développement suédoise Sida (50 millions de dollars), sa consœur américaine DCA (2,4 millions de dollars) et l’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique (8,5 millions de dollars), qui lui permettent de démultiplier son propre portefeuille. Mais la prise dont Felix Bikpo est le plus fier, c’est le Fonds de garantie des investissements en Afrique de l’Ouest (Gari).
Notre force dans cette acquisition, c’est d’avoir pratiquement la même vision que les fondateurs du fonds Gari.
L’AGF a repris en décembre 2015 les 80,56 % du capital de ce fonds détenu par l’AFD, son équivalent allemand DEG, le secrétariat d’État à l’économie de la Suisse (Seco) et la Banque européenne d’investissement (BEI). Une victoire à l’arraché face à la BOAD, bien plus solide financièrement que l’AGF (ses revenus n’atteignaient que 5,4 millions de dollars en 2014, contre 55 millions pour la Banque).
« Notre force dans cette acquisition, c’est d’avoir pratiquement la même vision que les fondateurs du fonds Gari. Ils voulaient le céder à une institution africaine qui poursuivrait dans la direction qu’ils avaient définie et mènerait ce projet à un niveau supérieur », avance le banquier ivoirien, qui a été directeur général du fonds Gari entre 1999 et 2002.
Vers de nouveaux horizons
« L’influence de la BAD a énormément pesé », tempère un analyste financier ivoirien. L’opération, réalisée en partie en numéraire et en partie par échange d’actions de l’AGF, a coûté assez cher : 35 millions de dollars. Elle a permis à AGF de se renforcer en Afrique de l’Ouest, région qui concentre plus de la moitié de son portefeuille de garanties. « L’objectif est de consolider le fonds Gari en six à huit mois, de renforcer son mandat et de le recentrer sur les PME », explique Felix Bikpo, qui a nommé directeur général de cette nouvelle filiale l’un de ses protégés, le Béninois Franck Adjagba, ancien responsable de la Cedeao à l’AGF.
Le financier ivoirien n’exclut pas d’autres acquisitions « en Afrique de l’Est, en Afrique centrale et pourquoi pas en Afrique du Nord », au cours des prochaines années. Afin de financer ces ambitions, l’AGF devra attirer de nouveaux investisseurs dans son capital, établi à 66,5 millions de dollars fin 2014. Tâche à laquelle s’attelle son directeur général – avec un peu plus de succès depuis quelques mois : outre l’AFD, entrée à son capital fin 2015 via l’échange de ses actions dans le fonds Gari, l’AGF a accueilli mi-avril l’agence multilatérale nord-européenne, le Nordic Development Fund, qui a investi 6 millions de dollars en actions et apporté une subvention de 1,6 million de dollars.
avec .jeuneafrique