Alors que les Suisses sont consultés sur l’instauration d’un revenu de base dimanche, l’économiste Marc de Basquiat, notamment co-fondateur du Mouvement français pour un Revenu de base, explique comment un tel système pourrait être appliqué en France.
Les Suisses se prononcent ce dimanche pour ou contre l’instauration d’un revenu de base. Si le référendum est une première à l’échelle de tout un pays, l’idée de fournir un revenu distribué de manière inconditionnelle à l’ensemble des citoyens est ancienne et connaît un nouvel engouement politique et médiatique en Europe.
La Finlande et les Pays-Bas envisagent de lancer des systèmes expérimentaux en 2017. En France, des groupes de réflexion et des hommes politiques, de droite comme de gauche, s’engagent pour la mise en place d’un tel système. Si l’idée commence à faire son chemin, toute la difficulté est de mettre en place un mode de financement de cette mesure. En France, parmi les différents travaux sur cette question, ceux de l’économiste Marc de Basquiat, que ce dernier a exposés devant le public de L’Echappée volée le 28 mai dernier, semblent parmi les plus avancés. Le président de l’AIRE (Association pour l’instauration d’un revenu d’existence) et co-fondateur du Mouvement français pour un Revenu de base (MFRB) explique son point de vue.
LE FIGARO./ Pourquoi défendez-vous la mise en place d’un revenu de base?
MARC DE BASQUIAT./ Le fait de recevoir un minimum vital est un acquis social, un pays doit garantir à chacun ce niveau de survie. D’ailleurs, en France, nous disposons d’un ensemble de mesures où finalement il existe peu de cas où les citoyens n’ont droit à aucun revenu. Mais le système tel qu’il est conçu aujourd’hui est très compliqué. Il me semble indispensable d’avoir un système plus simple pour des questions d’efficacité mais également de transparence.
Comment concevez-vous ce système?
Je préconise le versement d’un revenu de base à tous les Français sous la forme d’un crédit d’impôt. Le montant pourrait être de 470 euros par mois et par adulte, de 200 euros pour les enfants de moins de 14 ans et de 270 euros pour les enfants de 14 à 18 ans.
En contrepartie, les impôts seraient simplifiés, tout le monde contribuerait à hauteur de 25% de ses revenus. Ainsi, le prélèvement et le crédit d’impôt se compenseraient.
Les impôts ne seraient donc plus progressifs?
Oui, mais en France, les impôts qui rapportent le plus, comme la TVA, ne le sont pas. Après, j’envisage la mise en place d’un impôt sur le patrimoine et une refonte de la CSG. De fait, la CSG qui est aujourd’hui de 7,5% des revenus d’activité salariée passerait à 13% de tous les revenus, ce qui permettrait de financer toute la santé.
Les taxes telles que la TVA et la TIPP pourraient également être maintenues.
D’autres études préconisent un revenu de base plus élevé. Pourquoi l’avez-vous fixé à 470 euros?
Il faut clairement que les gens aient envie d’aller travailler. Et avec 470 euros, on sait que ça n’a pas d’effet désincitatif sur le travail. Au contraire, l’un des objectifs du revenu de base est de sortir de la trappe à inactivité car ce revenu s’ajoute à celui procuré par la moindre activité. Les plus démunis ne sont donc pas découragés.
Parallèlement, si on augmente le montant du revenu de base, il faut augmenter celui des prélèvements. Avec un revenu d’existence de 700 euros par exemple, il faudrait passer à un prélèvement de 40% des revenus…
Comment envisagez-vous la mise en place de ce système?
Pour avaler un éléphant, il faut le couper en petits morceaux! Il faudrait donc procéder par étapes.
Premièrement, je propose de redéfinir la politique familiale. Aujourd’hui nous disposons de 8 outils entre les allocations familiales, les allocations de rentrée… Certaines familles ont très peu et d’autres ont beaucoup. De fait, l’Etat privilégie un modèle familial mais il n’a pas de légitimité à le faire. Notre modèle est hérité des années 1950! Or la société a évolué. Ainsi, il parait plus juste d’avoir la même aide par enfant que vous en ayez un ou douze (je tiens à préciser que j’ai moi-même 6 enfants!). Je préconise une allocation jeune de 200 euros en-dessous de 14 ans puis, plus élevée, entre 14 et 18 ans. Cette mesure pourrait être financée par une sorte de CSG enfant de 3% sur tous les revenus, même les retraités financeraient la jeunesse. Cette cotisation pourrait remplacer le taux de la cotisation d’allocations familiales de 5,25% et les 8 aides aujourd’hui disponibles.
Ensuite, on étendrait ce système de revenu universel et inconditionnel à tout le monde, en réformant le système de l’impôt sur le revenu et des minimas sociaux. Mais c’est un chemin qu’il faut inventer.
Dans les années 1970, un système comparable avait été mis en place au Canada et aux États-Unis. Les gens n’avaient pas arrêté de travailler pour autant! Bien au contraire, ils avaient été plus entreprenants. Plus récemment dans certaines parties de l’Inde ou de la Namibie, des systèmes ont vu le jour. On a constaté que les enfants allaient plus à l’école, que les violences avaient diminué…Bref que les sociétés étaient meilleures.
avec lefigaro