Cela fait plusieurs décennies que l’Afrique compte sur ses bailleurs de fonds internationaux pour mobiliser les financements nécessaires à son développement économique et social. Aujourd’hui, plusieurs chercheurs et économistes s’accordent à dire que le continent est capable de soutenir, lui-même, sa dynamique d’investissement. Le point.
Pour financer son développement, l’Afrique a besoin chaque année de près de 200 milliards de dollars. Un montant mirobolant que le continent doit chercher, continuellement, auprès des grandes institutions financières de type Banque mondiale, l’IFC, nouvelle banque de développement, Banque chinoise de développement… etc. Et ce ne sont pas seulement les institutions internationales qui se tournent vers l’Afrique comme « le » terreau d’investissement par excellence. Les États-Unis, l’Europe ou encore la Chine tout aussi bien que les entreprises et les gouvernements sont de plus en plus friands du continent comme destination d’investissements. Il faut dire que l’Afrique s’est inscrite depuis plusieurs années dans une logique où l’aide extérieur est primordial.
Cependant, « Les peuples africains, leurs gouvernements et leurs partenaires de développement sont toutefois de plus en plus sensibles aux limites posées par les sources traditionnelles du financement du développement, notamment pour les sources externes », avancent Abdalla Hamdok, secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et Francis Ikome chef de la section de la gouvernance et de la gestion du secteur public dans le rapport « Financements novateurs et transformation économique en Afrique ». Pour ces deux experts, les gouvernements africains reconnaissent que l’aide publique au développement n’a pas été en mesure d’assurer une croissance durable même s’il a aidé dans les efforts de développement de l’Afrique. En plus, cette aide devient de plus en plus imprévisible à cause de la situation des finances publiques des pays donateurs depuis la crise internationale de 2007.
Où sont les richesses de l’Afrique ?
Plaider pour un développement basé sur les ressources financières intérieures est devenu donc un combat pour plusieurs décideurs africains qui appellent à un changement radical de logique de financement. C’est la voie que privilégie également la CEA : « le continent doit rompre avec le passé et rechercher les ressources intérieures. Il doit compter sur ses ressources financières intérieures pour trouver des solutions durables à ses besoins de financement en vue du développement ». Et pour cause, plusieurs responsables sont persuadés que l’Afrique est capable de financer elle-même son propre développement. Les pays africains prélèvent chaque année plus de 527,3 milliards de dollars d’impôts par rapport aux 73,7 milliards de dollars que la région reçoit d’apports privés et aux 51,4 milliards de dollars de l’aide publique au développement. Mieux encore, le manque à gagner fiscal est estimé à plus de 520 milliards de dollars, soit 4 fois les financements extérieurs.
Autres sources de financement intérieurs : « les avoirs des caisses de retraite africaines qui augmentent à un rythme impressionnant », à en croire la Commission économique pour l’Afrique aux Nations Unies. Il faut ajouter à cela, les recettes des ressources minières et pétrolières, les réserves internationales. Selon le Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement, les transferts de fonds de la diaspora africaine sont également une ressource intérieure non négligeable. Pour preuve, les envois de fonds de la diaspora africaine sont ressortis à environ 40 milliards dollars en 2012 et devraient atteindre 200 milliards dollars lors de la prochaine décennie, d’après les dernières données de la Banque mondiale.
Manque à gagner
Alors que l’Afrique cherche des financements à l’étranger, des centaines de milliards de dollars ont quitté le continent de façon illégale. Les flux illicites laminent, en effet, une grande partie des ressources financières sur laquelle le continent pourrait compter pour financier son développement socio-économique. Selon la CEA, sur la période allant de 1970 à 2008, le continent a perdu 854 milliards de dollars ce qui représente en moyenne une perte annuelle de ressources financières de 22 milliards de dollars. Une étude de la BAD estime, quant à elle, à 30,5 milliards de dollars les sommes transférées illégalement hors du continent entre 2000 et 2009. Et c’est le manque de transparence qui donne lieu à ce phénomène qui prend des dimensions ahurissantes.
Pour le Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), les flux financiers illicites ont pour principales sources la corruption, la fraude fiscale ou encore les activités criminelles. Pour les experts de la commission économique pour l’Afrique, « si le continent doit se lancer dans des réformes pour tirer profit des ressources actuellement inexplorées ou mal gérées, cela suppose de réduire les flux financiers illicites et de transformer ces fonds en un outil puissant permettant d’améliorer la mobilisation des ressources, comme moyen de favoriser le développement du continent ». Mais en parallèle à ces efforts nécessaires dont les bénéfices dépasseront la seule récupération des mannes financières, mais aussi la réduction de la corruption et l’amélioration de la bonne gouvernance, les pays africains doivent également moderniser et diversifier les produits sur leurs marchés financiers et renforcer le capital investissement, car l’Afrique est plus que jamais une destination phare pour les capitaux privés.
Avec latribuneafrique