L’accès des plus pauvres à l’énergie est un enjeu majeur sur le continent Africain notamment. Cette entreprise équipe les populations en lampes solaires et réchauds moins polluants. Une victoire de l’économie solidaire. Entretien.
Nafa Naana s’est vu remettre, lundi à Paris (1), le prix de la finance solidaire 2016 dans la catégorie « Entrepreneuriat dans les pays en développement » pour son action en faveur de l’accès des plus pauvres à l’énergie. Une fierté ?
Nafa Naana remet à sa façon l’homme au cœur de l’économie. L’entreprise sociale existe depuis 2010. Elle a été initiée par l’association Entrepreneurs du monde pour promouvoir et diffuser des équipements économes en énergie dans le pays.
Au Burkina Faso, 90 % des ménages cuisinent encore sur des réchauds à bois ou à charbon rudimentaires…
Oui. c’est pourquoi, nous voulons changer de façon positive ces habitudes de cuisson. Nous intervenons en priorité auprès des femmes en milieu rural et en zone péri urbaine. On propose des foyers améliorés (de 5 € à 60 € suivant les modèles) et des lampes électriques solaires (de 10 € à plus de 200 €). Jusqu’à ce jour, nous avons déjà diffusé plus de 40 000 de ces équipements dans 25 000 foyers. L’objectif est de multiplier ce chiffre par quatre dans les cinq prochaines années.
La précarité énergétique est un enjeu important ?
Les Burkinabés sont défavorisés par le contexte et en dehors des villes ce genre de problématiques n’est pas une priorité. Il faut toutefois savoir que le taux d’accès à l’électricité est de 17 % dans le pays et de 1 % en milieu rural. Avoir ne serait-ce que de l’énergie propre et efficace pour s’éclairer et permettre aussi aux enfants de pouvoir lire et s’instruire le soir est très important.
Votre mission vise aussi à préserver la santé des habitants ?
Oui et à contribuer à la préservation de l’environnement. Au Burkina Faso, nous sommes confrontés à la déforestation massive. Pire, plus de 16 500 personnes meurent chaque année du fait de la pollution de l’air intérieur. Trop de personnes sont victimes de maladies en lien direct avec l’inhalation des fumées émises par les modes de cuisson traditionnels.
Comment fonctionne Nafa Naana ?
L’entreprise compte aujourd’hui 25 salariés permanents. Elle est soutenue financièrement et techniquement par Entrepreneurs du monde. Grâce à l’eco-finance solidaire, nous obtenons une partie de nos fonds de roulement qui nous permettent d’acquérir les produits auprès d’artisans locaux ou d’intermédiaires, chinois parfois. Cette aide nous permet aussi d’étoffer nos capacités techniques et opérationnelles. Sans ce financement, nous n’existerions pas. Mais nous restons ambitieux. Nous sommes actuellement présents seulement dans trois régions sur treize. Nous disposons de trois boutiques dont une à Ouagadougou, la capitale. Mais notre objectif est de couvrir encore plus de localités en ouvrant des relais et des boutiques dans des coins plus reculés. Et en relevant les défis d’accessibilité. Les moyens de communication sont difficiles, il nous faut investir dans du matériel de livraison. On aimerait bien acheter des camionnettes…
Quel est votre chiffre d’affaires ?
Il a atteint 200 000 € en 2015. Il augmente chaque année. Mais dans un pays où 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, s’équiper avec nos produits représente une somme importante. C’est pourquoi, on propose un système de facilités de paiement en trois mensualités. Nous voulons installer Nafa Naana dans la durée. Et faire en sorte qu’elle devienne une entreprise financièrement autonome et viable, ce qui passe, bien sûr, par une diffusion maximum de nos produits.
(1) Finansol organise jusqu’au 10 novembre 2016 la neuvième édition de la Semaine de la finance solidaire. C’est dans le cadre de cet événement qu’ont été remis hier à Paris, les Grands Prix de la finance solidaire. Ils récompensent les entreprises ou les associations qui ont pu, grâce à ce soutien, développer des projets à forte plus-value sociale et environnementale.
Les lauréats des Grands Prix de la finance solidaire:
– Prix « Coup de cœur du public » : Jean Bouteille
– Prix « Activités écologiques » : Lutherie Urbaine
– Prix « Lutte contre l’exclusion » : Solidarité Environnement Insertion
– Prix « Innovation sociétale » : Atelier Paysan
– Prix « Entrepreneuriat dans les pays en développement » : Nafa Naana
Avec echodufaso