Le cacao est un produit stratégique pour le développement économique et social de notre pays ; il contribue à hauteur de 40% des recettes d’exportation, nourrit plus de 800 000 producteurs et crée des millions d’emplois directs et indirects. Pourtant, sous les multiples effets des changements climatiques et des mauvaises pratiques agricoles, le verger cacaoyer est confronté, depuis quelques années à la recrudescence des maladies et des ravageurs. Ces ravageurs et maladies peuvent provoquer des pertes de production considérables, pouvant se situer entre 25 et 100%.
Bien qu’il existe des moyens agronomiques et biologiques pour le contrôle des ravageurs et maladies, l’utilisation de produits agro pharmaceutiques, encore appelés pesticides, s’avère actuellement le moyen le plus efficace en raison de son effet immédiat. Mais, le recours aux pesticides n’est pas sans danger pour les utilisateurs et les consommateurs, surtout lorsque les prescriptions d’usage ne sont pas respectées. En effet, les mauvaises conditions de production, de récolte, d’écabossage, de fermentation, de sé- chage, d’emballage, de stockage ou d’entreposage et de transport déprécient la qualité du cacao. Une telle situation compromet fortement l’accès des fèves de cacao et des produits dérivés au marché international. Face à cette situation, des actions sont engagées sur toute la chaîne de production et de commercialisation pour assurer une production durable du cacao. Ainsi, l’Organisation Internationale du Cacao (ICCO) a initié, en collaboration avec le Cameroun, le Ghana, le Nigeria, le Togo et la Côte d’Ivoire, le « projet de renforcement des capacités SPS en Afrique pour atténuer les effets nocifs des résidus de pesticides dans le cacao et maintenir l’accès au marché », en abrégé « Projet SPS Cacao Africain ». Le projet consiste à renforcer les capacités techniques et institutionnelles en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) afin de permettre aux pays producteurs de cacao de répondre au mieux aux exigences réglementaires des pays consommateurs. Comme objectif, le projet vise à préserver l’accès au marché international des fèves de cacao produites en Afrique, donc en Côte d’Ivoire, à travers le renforcement de la capacité SPS, afin de produire du cacao de bonne qualité, conforme aux réglementations et législations internationales en vigueur sur les résidus de pesticides et autres substances nuisibles dans le cacao.
En Côte d’Ivoire, le Conseil du Café-Cacao assure le financement du Projet SPS Cacao Africain, conformément à la volonté du Gouvernement de développer une économie cacaoyère durable basée sur la réorganisation de la production et l’amélioration de la productivité. La mise en œuvre du projet, confiée au FIRCA en qualité d’organisme national d’exécution, se fait, entre autre, à travers des contrats signés avec des partenaires. Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre de la Composante 2 intitulée « Accroissement de la capacité des parties prenantes à appliquer les Bonnes Pratiques Agricoles (BPA) et les Bonnes Pratiques d’Entreposage (BPE) pour un emploi rationnel des pesticides », l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER), est chargée d’assurer « la formation des producteurs et des dirigeants de coopératives sur les normes SPS dans le processus de production et de traitement du cacao en Côte d’Ivoire». A ce titre, cinq (05) zones pilotes ANADER ont été identifiées en 2013 : Adzopé, Divo, Guiglo, Lakota et Vavoua ; et les activités ont démarré depuis lors. Au niveau de la Composante 3 qui porte sur l’« Accroissement de la capacité institutionnelle nationale à suivre et faire appliquer les normes SPS dans le secteur cacaoyer», la fédération régionale de l’industrie de la science des plantes (CropLife Afrique et Moyen Orient), la Direction de la Protection des Végétaux, du Contrôle et de la Qualité (DPVCQ) du Ministère de l’Agriculture et le FIRCA se sont accordés pour assurer la formation des responsables clés de l’Administration sur les problèmes liés aux pesticides.
Formation et transfert de technologies
La formation des producteurs et des dirigeants de coopératives sur les normes SPS dans le processus de production et de traitement du cacao en Côte d’Ivoire, qui est une forme de transfert de technologies aux producteurs, constitue un axe stratégique de la mise en œuvre du Projet SPS Cacao Africain dans notre pays. Pour leur permettre de s’impliquer entièrement dans ce projet dont ils sont les premiers bénéficiaires, le renforcement de leurs capacités s’est avéré nécessaire. Ainsi, l’ANADER a mis en place des outils d’information et de sensibilisation au village ainsi que dans les coopératives, qui ont permis de toucher directement et indirectement plus d’un millier de personnes. De même, des outils de formation des producteurs au champ tels que les Champs Ecole Paysan (CEP) et les Parcelles de Démonstration (PD), sont mis à contribution pour la formation sur la bonne application de produits agropharmaceutiques. Ces formations s’étendent aux opérations de traitement postrécolte : fermentation, séchage, ensachage et stockage bord champ. Ainsi, les producteurs disposent de connaissance technique pour produire du cacao de bonne qualité.
Gestion des Produits phytosanitaires
Les risques élevés de contamination du cacao sur la chaine de production dus à la faible proportion de producteurs ayant reçu une formation formelle sur l’utilisation responsable et sécurisante des pesticides représentent une menace réelle pour la filière. Toutefois, une bonne utilisation des produits agro pharmaceutiques homologués, aux doses et périodes indiquées, comme l’exigent les bonnes pratiques agricoles, permettra non seulement d’accroitre les rendements, mais aussi de réduire les niveaux de résidus de pesticides dans les fèves de cacao à des seuils acceptables. De même que le respect des bonnes pratiques d’entreposage assure déjà aux fèves de cacao une meilleure qualité. La formation constitue le meilleur investissement pour l’acquisition des compétences techniques. Les « Champs Ecole Paysan » mis en œuvre par l’ANADER, ont permis de dispenser aux cacaoculteurs, des connaissances sur la gestion intégrée des maladies du cacaoyer, les bonnes pratiques de récolte et de postrécolte du cacao, ainsi que sur l’utilisation raisonnée des produits agropharmaceutiques, dont ils se sont entièrement appropriés. Concernant les responsables de l’administration dont l’activité a un lien avec les pesticides, la Coordination Nationale du projet a organisé deux ateliers de formation sur les problèmes liés aux pesticides. Le premier atelier s’est tenu le 04 décembre 2013, et a vu la participation de 62 fonctionnaires responsables issus du Ministère de l’Agriculture,
du Ministère de l’Economie et des Finances (Douane), du Ministère du Commerce, du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité et du Ministère de la Défense. La deuxième formation a eu lieu le 27 février 2014 au bénéfice des 77 Directeurs Départementaux de l’Agriculture. Ces formations ont permis aux responsables de l’administration de prendre conscience de l’indispensable nécessité de lutter ensemble et efficacement contre les pesticides non homologués en Côte d’Ivoire. Satisfait de l’état d’avancement de la mise en œuvre du projet sur le terrain, M. SILUE Gnénéyéri, Directeur de la Protection des Végétaux, du Contrôle et de la Qualité (DPVCQ) au Ministère de l’Agriculture (MINAGRI), et Président du Comité Pesticides de Côte d’Ivoire, a rappelé la place importante qu’occupe la production cacaoyère dans l’économie nationale et dans la vie des populations agricoles, avant de mettre l’accent sur les graves conséquences d’une mauvaise utilisation des pesticides. Au total, les activités réalisées dans le cadre du Projet SPS Cacao Africain ont déjà une incidence positive en termes de compétences des producteurs et des coopératives pour produire et commercialiser du cacao de bonne qualité, répondant aux normes SPS internationales. Ces activités ont également permis une prise de conscience des producteurs sur la nécessité d’améliorer et de maintenir la qualité du cacao respectant les exigences des pays consommateurs. Par ailleurs, les responsables clés de l’administration ont été équipés en termes de connaissance pour assurer des contrôles efficaces sur le terrain dans le cadre de la lutte contre la fraude sur les pesticides. Mais la véritable réussite de ce projet repose sur le réel engagement du Gouvernement ivoirien à faire appliquer les normes sanitaires et phytosanitaires internationales en vigueur dans le secteur du cacao sur toute l’étendue du territoire, en dégageant les moyens idoines. De même les pays engagés dans ce projet gagneraient à entretenir une franche collaboration avec leurs voisins en vue de résoudre durablement les problèmes transfrontaliers sur les pesticides, notamment la fraude et les contrefaçons.