Canal Plus diffuse depuis 24 ans la montée des marches, les cérémonies d’ouverture et de clôture… Mais la confusion règne autour de l’avenir de cet accord.
Depuis 24 ans, la chaîne partenaire du Festival de Cannes est Canal Plus, qui diffuse en exclusivité la montée des marches, les cérémonies d’ouverture et de clôture… Ce partenariat va-t-il être poursuivi l’an prochain? Difficile à dire, tant la confusion règne sur le sujet, chacun multipliant les déclarations contradictoires.
Un communiqué démenti
Premier mystère: quand est-ce que le contrat entre Canal Plus et le Festival arrive à expiration? Il y a un an, la chaîne cryptée avait fièrement annoncé, dans un communiqué officiel, “le renouvellement du partenariat pour les cinq prochaines années”, soit jusqu’en 2020.
Mais ce communiqué officiel a été démenti il y a un mois par le président du Festival, Pierre Lescure, lors d’une conférence de presse, le 13 avril. “Le contrat de l’année dernière avait été signé sur deux ans. Nous viendrons au terme du contrat en juin 2017”. Pareillement, le délégué général Thierry Frémaux, dans son livre Sélection officielle, affirme lui aussi que le contrat dure deux ans et expire après l’édition 2017.
Second mystère: le contrat avec Canal sera-t-il reconduit? Le 13 avril, Pierre Lescure affirmait: “Il y aura donc une renégociation, et sans doute une négociation ouverte [à d’autres chaînes]. Il peut y avoir de la tacite reconduction, ou une remise en compétition, ou un regard porté sur les candidats aux côtés de Canal”.
Mais, une semaine plus tard, le 20 avril, Thierry Frémaux s’est dit prêt à re-toper avec Canal: “Il n’y a aucune raison a priori pour que nos chemins se séparent”.
Promettre monts et merveilles
Ces déclarations contradictoires s’expliquent par le fait que la chaîne cryptée alterne le chaud et le froid. Avant l’édition 2016, la filiale de Vivendi avait promis monts et merveilles: “Nous avons l’ambition d’aller beaucoup plus loin que dans le passé |…] avec un dispositif exceptionnel pour montrer toutes les facettes du Festival”, jurait le directeur général, Maxime Saada, dans le Parisien. La chaîne avait notamment assuré dans un communiqué:“Le Grand journal sera présent à Cannes cette année”.
Finalement, Le Grand journal est resté à Paris; la couverture a été réduite au minimum syndical, avec seulement 20 minutes par jour; la soirée destinée aux festivaliers supprimée; de même que le stand, connu sous le nom de patio. La chaîne n’a envoyé que 50 personnes sur la Croisette au lieu de 469. Le budget, qui s’élevait à plus de 6 millions d’euros pour l’édition 2015, a été réduit de 90%, selon les Jours.
“Nous nous sommes fait avoir”
Ce service minimum n’avait pas été du goût du Festival, notamment de Thierry Fremaux, qui raconte dans son livre: “Le maire de Cannes s’émeut des retombées négatives pour la ville, [le délégué général du marché du film] Jérôme Paillard est furieux d’avoir à relouer si tardivement leurs espaces non occupés, et Pierre [Lescure] et moi avons le sentiment de nous être fait avoir: on nous promettait la nouveauté d’un effet de groupe, un gros environnement DailyMotion, des relais abondants sur iTélé, un concert sur la plage. Nous ne sommes pas contents: ce sont des problèmes qu’on ne devrait pas avoir”.
Plus loin, il ajoute: “Les dommages collatéraux sont réels, pas tant pour le Festival (le contractuel est respecté), mais pour l’antenne, pour les films, pour l’ambiance, pour les hôteliers aussi, car Canal Plus, c’était 500 personnes pendant deux semaines sur la Croisette. Pierre [Lescure] a écrit à Vincent Bolloré pour s’étonner de tout cela, et du silence dans lequel le Festival est tenu”.
Le 13 avril, Thierry Frémaux en a remis une couche: “Au bout de la Croisette, là où on avait l’habitude d’avoir une certaine ambiance, l’an dernier il n’y avait rien. Mais Canal était parfaitement libre de ne pas reconduire la grande tradition du Grand journal, et a parfaitement respecté les termes du contrat”.
Le 20 avril, Maxime Saada a fait son mea culpa: “Pierre Lescure et Thierry Frémaux étaient à juste titre insatisfaits de ce qui s’est passé l’an dernier. Nous avions réduit la voilure du dispositif pour des raisons économiques. Cela ne nous satisfaisait pas. Ce n’est pas des choses que l’on fait par plaisir”.
Se faire pardonner
Pour cette édition 2017, la chaîne cryptée essaie donc de se faire pardonner pour ne pas perdre son contrat de diffusion. Maxime Saada a promis “un dispositif exceptionnel, le plus gros dispositif que nous ayons jamais eu à Cannes”. Deux heures d’émissions par jour seront diffusées en clair, notamment un Journal du Festival présenté par Michel Denisot, revenu sur la chaîne pour l’occasion. Symboliquement, la petite sœur Canal + Cinéma est rebaptisée pour l’occasion Canal + Cannes.
Et Maxime Saada a promis de faire au moins aussi bien pour l’édition 2018: “Cela a vocation à être reconduit, on est dans une logique crescendo“.
“Des lots comme en foot”
Reste à savoir ce que décidera le Festival. Pour Pierre Lescure, plusieurs paramètres présideront au choix de la chaîne partenaire: “L’audience, l’implication de la chaîne dans le cinéma, les projets communs qu’on peut développer, et l’intérêt économique et financier du festival”. En effet, le contrat avec Canal rapporte au Festival environ 1,5 million d’euros par an, une somme significative par rapport à son budget total (20 millions d’euros).
Les deux candidats possibles sont Canal Plus et France Télévisions. “Canal est partenaire du festival depuis 24 ans et espère continuer de nombreuses années”, a expliqué Maxime Saada. Pour sa part, le service public lorgne sur le Festival depuis des années, et avait notamment élaboré une proposition rivale pour l’édition 2016.
En pratique, il y a deux possibilités: soit continuer à tout confier à une chaîne, soit découper le partenariat en plusieurs lots. Cette dernière piste avait été envisagée pour l’édition 2016, comme le raconte Thierry Frémaux dans son livre: “Idée de Pierre [Lescure], on pourrait proposer des lots comme en foot. Faisons ça. Partenaire officiel ne veut pas dire partenaire exclusif. À Canal plus et France Télévisions, nous ajouterions Arte”.
Chez Canal, Maxime Saada “n’exclut pas a priori de s’associer à d’autres, mais aime bien l’exclusivité…”