Après la guerre des chiffres entre le Comité exécutif et le groupe dit G42, composé de dirigeants de clubs, place désormais à la bataille juridique, sans toutefois occulter le principal point de discorde : le Comité exécutif, avec à sa tête Augustin Sidy Diallo. La non qualification de l’équipe nationale au Mondial 2018 et ses mauvaises prestations à la dernière CAN et au CHAN ont été l’alibi idéal pour des dirigeants de clubs des trois ligues (D 1, D2 et D3). Ils demandent le départ de celui qui préside aux destinées du football ivoirien depuis novembre 2011. La grogne se résume en 19 points, allant de la gestion administrative et financière de la fédération au manque d’une politique claire et à long terme du football ivoirien, après le départ de la génération dorée.
L’ambiance n’a jamais été conviviale au sein de la Maison de verre de Treichville, mais la bonne santé de l’équipe nationale et la victoire à la CAN 2015 étaient parvenues à contenir tant bien que mal les différents mécontentements. Pour les spécialistes du football ivoirien, les murmures se sont transformés en grogne à partir du 11 novembre 2017, date à laquelle la FIF a mis fin au contrat de l’entraineur belge Marc Willmots. Des voix s’élevèrent dès cet instant pour demander des comptes au Comité exécutif de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Sans énumérer les 19 points de revendications des clubs du G42, qui, selon l’expression de son porte-parole Armand Gohourou, est désormais « le G évolutif », d’autres clubs les rejoignant au fur et à mesure, il est reproché essentiellement à Augustin Sidy Diallo « sa gestion opaque, tant au niveau administratif que financier, de la fédération ». Les membres de ce groupe, qui estiment que Sidy les a toujours tenus à l’écart de la gestion du football, sans organiser d’Assemblées générales extraordinaires (AGE) pour des bilans périodiques, dénoncent également le fait que la représentativité de la Côte d’Ivoire au niveau des
instances internationales du football ne fasse que faiblir. Ne digérant pas la non qualification des Éléphants pour le Mondial russe, synonyme d’une énorme perte financière, les clubs profitent de cette brèche pour égrener d’autres problèmes, comme l’opacité dans la gestion des fonds alloués par la FIFA et la CAF, les ruptures unilatérales de contrat avec certains sponsors de l’équipe nationale, le non fonctionnement du championnat des jeunes et de celui des filles etc. Murés dans le silence pendant longtemps, Augustin Sidy Diallo et le Comité exécutif, sans balayer du revers de la main tous ces griefs, jouent plutôt sur leur bilan, qu’ils considèrent comme reluisant car ayant « largement tenu » leurs promesses de campagne.
Prolongations Pour certains observateurs du monde du football ivoirien, à y regarder de plus près, il s’agit plus d’une revanche que veulent prendre les clubs sur ces dirigeants. « Il faut noter que ce qui se passe ressemble à des prolongations que les deux parties
seraient en train de jouer. Les prolongations du match du 11 septembre 2011 » soutient Fernand Dédeh, journaliste et consultant sportif, en faisant référence à l’élection du Président de la FIF. Pour rappel, indiquent des hommes avertis du football ivoirien, alors que la Côte d’Ivoire sort de sa crise politico-militaire, les conséquences de la crise
touchent le monde du football ivoirien. Jacques Anouma écarté pour ses accointances avec l’ancien pouvoir, le choix se porte sur Sidy Diallo, qui est dans le sérail du football ivoirien depuis 1992, mais qui « n’était pas candidat », confient certaines sources. Les clubs, qui reprochaient déjà beaucoup de choses à la gestion de Jacques Anouma, flairent le bon coup et décident d’essayer de contrôler la FIF en poussant le « candidat des clubs », Salif Bictogo. Au soir du scrutin, Sidy Diallo les devance de
cinq voix. Les dirigeants des clubs, qui y voient les mains « d’hommes politiques », digèrent mal leur défaite et ruminent depuis leur vengeance. « Depuis cette date, il est cyclique de constater que les clubs veulent reprendre la direction du comité exécutif », croit savoir Fernand Dédeh. Mais il ne faut pas se borner à cette prolongation, sou
ligne de son côté Adam Khalil, consultant. « Le fait d’avoir plus de la moitié des clubs de football contre Sidy, auxquels s’ajoutent des personnalités du football ivoirien, et non des moindres, tels Didier Drogba, Yaya Touré, Bonaventure Kalou ou encore des anciens membres du comité exécutif, est un signal fort du malaise dans lequel baigne notre football », pense-t-il.
Les regards vers Zurich Face au refus du Comité exécutif de la FIF d’organiser une AGE, depuis qu’il a été saisi, le 29 décembre, et vu que le délai de 30 jours prévu à cet effet a expiré le 29 janvier, le « G évolutif » compte organiser « son » Assemblée générale selon son porte-parole, Armand Gohourou. « Nous allons poursuivre la procédure et organiser l’AGE comme prévu », lance-t-il, convaincu. Mais, interrogé sur la date probable de cette assemblée, il est dubitatif. « Nous sommes aussi convoqués à Zurich et nous ne voulons pas donner une date qui pourrait coïncider avec cette rencontre » concède-t-il, en rejetant systématiquement l’approche d’Augustin Sidy Diallo, qui propose des Etats généraux du football ivoirien. Au niveau du Comité exécutif de la FIF également, on hésite à donner une date précise pour la tenue de ces assises, auxquelles seront invités « tous les membres actifs et tous les acteurs de la grande famille du football en Côte d’Ivoire, afin qu’ensemble nous puissions débattre de tous les problèmes qui minent notre football et y apporter les solutions idoines ». Les date et lieu de ces Etats généraux seront arrêtés en accord avec tous les membres actifs, précise le communiqué signé de Sidy Diallo. Pendant ce temps, au niveau de la FIFA, chaque camp active ses relations afin d’obtenir gain de cause. Si certains observateurs pensent que Sidy Diallo part défavorisé par rapport à ses bonnes relations avec Issa Hayatou et de ses relations exécrables avec la nouvelle direction de la CAF, d’autres préfèrent temporiser, car d’énormes intérêts sont en jeu. « Mais Sidy gagnerait à réviser sa position, car quand nous avons des figures comme Didier Drogba, Yaya Touré et Bonaventure Kalou qui critiquent et prennent position dans un débat d’un tel niveau, les choses prennent une autre tournure », prévient l’un des conseillers de Sidy Diallo.
Dialogue de sourds ? En attendant ce rendez-vous à l’issue incertaine, les deux camps continuent de s’attaquer par presse interposée, chacun campant sur sa position et rejetant toute proposition contraire à sa ligne. Alors que le Comité exécutif soutient que la FIFA a « débouté le G2 », ce dernier pense plutôt que la FIFA lui a plutôt donné raison et « ouvert la porte » à la tenue de l’AGE. Allant jusqu’à rendre publique la liste des membres du comité d’organisation de l’AGE, il compte ainsi maintenir la pression sur le Comité exécutif. Parallèlement, celui-ci déroule le programme de la saison, en procédant le 30 janvier au tirage au sort de la cinquième édition de la Ligue Professionnelle de Football, avec 30 clubs engagés, 12 en Ligue 1 et 18 en Ligue 2. Dans la foulée, le Comité exécutif compte lancer la reprise du championnat national le 15 février, ayant dans son programme la suspension ou la relégation en deuxième division des clubs qui refuseraient de participer au championnat. Interrogé sur la question de savoir si les clubs boycotteront cette reprise, Armand Gohourou indique que cela n’est pas à l’ordre du jour. « Nous n’allons pas tuer notre club et nous n’espérons pas en arriver là ».
Avec JDA