De la croissance vertigineuse de l’économie numérique, l’on retiendra les ambitions parfois démesurées des géants de l’internet. Transformant déjà en profondeur nos modes de vie et les structures traditionnelles de l’économie de marché, Google, Facebook, Amazon et bien d’autres affichent des ambitions autrement plus radicales, destinées à changer le monde avec cet idéal : le rendre meilleur. Mais faut-il pour autant attribuer le succès de tout entrepreneur innovant à ce désir d’amélioration et de transformation de la réalité sociale et économique ?
Entreprendre n’est pas qu’une affaire d’idéalistes…
La mise en valeur médiatique d’entreprises visant une sorte de révolution futuriste de nos sociétés cache souvent le fait que le but de tout entrepreneur n’est pas nécessairement la contribution au changement social. De nombreux secteurs d’activités dynamiques se contentent très bien de l’état du monde actuel.
Non sans un certain cynisme, certain noteront même que des industries verraient leurs bénéfices chuter si le monde changeait en profondeur et en mieux. Le secteur classique de l’armement (le groupe Dassault faisant souvent les frais de cette critique) ou les diverses agences de sécurité doivent par exemple leur marché à l’insécurité ambiante et aux conflits armés, obtenant ainsi des milliards d’euros de chiffre d’affaire. La guerre en Irak a ainsi généré après 2003 la création de nombreuses start-up américaines proposant la sécurisation de sites publics et privés dans ce pays, capitalisant sur le désordre dans lequel il avait été plongé : une aubaine pour de nombreux entrepreneurs qui se sont jetés sur ce nouveau marché.
Blackwater, Dyncorp, Academi… Voici également des sociétés à très forte croissance qui ont fait fortune dans les années 2000 grâce aux contrats signés avec le département américain de la défense et le secteur privé. A la limite de la légalité, il ne s’agit pas ici de changer le monde mais de tirer de son état de désordre du profit. Ces dirigeants d’entreprise ont identifié un marché porteur, sans forcément se soucier de la moralité de leur entreprise. A l’inverse, certains entrepreneurs mettent leur business au cœur d’un changement sociétal.
L’entrepreneur et l’innovation technologique, acteurs clés du changement social
C’est lorsque que la démarche de l’entrepreneur rejoint celle de l’inventeur que la perspective peut alors changer. Les innovations les plus ambitieuses portent souvent un idéal de changement social. En la matière, on retrouvera bien sûr les géants de l’Internet, où l’idéal est même devenu une idéologie qui possède un nom : le transhumanisme.
L’ancien PDG de Google Eric Schmidt (aujourd’hui président du conseil d’administration de l’entreprise) se distingue ainsi par ses propos controversés sur sa vision de l’avenir qui semble émerger directement d’un récit de science-fiction. De l’immortalité à l’intelligence artificielle, Google mais aussi Facebook et Amazon, investissent des centaines de millions de dollars de recherche dans ces domaines, avec pour but l’avènement d’un monde nouveau, qui transcendera l’être humain naturel par la technologie.
Moins idéologique mais tout aussi ambitieuse est la démarche de l’entrepreneur américain Elon Musk (PDF de Tesla Motors), qui souhaite contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique par le développement de la voiture électrique et la mise au point d’une batterie révolutionnaire pour stocker l’électricité dans les foyers.
Les biotechnologies aussi allient innovation et idéal d’amélioration social. En France, la société Carmat s’est rendu célèbre par la mise au point du premier cœur artificiel viable, une première qui annonce une révolution médicale sans précédents.
N’oublions pas que loin des extrêmes présentés ici, la majorité des entrepreneurs n’affichera ni ambitions révolutionnaires ni cupidité moralement douteuse. Ce qui les réunit tous par contre, c’est la capacité à prendre des risques au service d’une vision, qu’elle s’applique à son entreprise, à un marché, voire au monde dans son ensemble. Et c’est aussi comme cela, que l’on change les choses…
Avec dynamiquemag