Les tarifs des documents biométriques sont au cœur d’une polémique en Algérie. Certains prix dépassent le salaire minimum. Mais le gouvernement affirme qu’ils restent moins chers que chez les pays voisins. Jeune Afrique a voulu vérifier : c’est faux.
C’est l’une des stars des réseaux sociaux avec 1,5 millions d’abonnés sur Facebook. Et chacune des publications d’Amir DZ engendre des centaines de commentaires, amenant parfois le gouvernement à réagir pour éteindre les polémiques. Cette fois, c’est contre le prix des papiers d’identité que l’internaute est parti en guerre.
« Dans quelques jours, nous serons des sans-papiers dans notre propre pays », publiait-il sur Facebook le 27 mai. Les raisons de la colère ? Les nouvelles mesures contenues dans le projet de loi de finances complémentaire 2018, qui prévoit d’augmenter les droits de timbre sur les différents documents biométriques. La hausse atteint même les 200 % pour la délivrance du passeport…
Voyager, un privilège
Désormais, comptez 2 500 dinars algérien (da) – environ 18 euros – pour une carte d’identité (CNIBE), 10 000 da pour un permis de conduire (73 euros), 20 000 da pour la carte grise (146 euros), et entre 10 000 et 50 000 dinars pour un passeport (entre 73 et 183 euros), selon qu’il compte 28 ou 48 pages.
Quant au passeport délivré en procédure d’urgence, son prix peut aller jusqu’à 60 000 dinars. L’équivalent de 442 euros. À titre de comparaison, le salaire minimum algérien s’élève à 18 000 dinars, soit 163 euros environ. Le prix du passeport « entrée de gamme » équivaut à lui seul à 55 % du salaire minimum… Voyager, qui était déjà un luxe, s’apparente désormais à un privilège.
Le gouvernement tente pourtant de justifier le bien-fondé de ces hausses en faisant valoir que le passage au biométrique pèse sur les comptes publics. « Les nouveaux tarifs appliqués aux documents électroniques reflètent leur coût, explique dans un communiqué Ahmed Ouyahia, le Premier ministre. L’établissement relevant du ministère de l’Intérieur qui les a produit a fourni les prix de revient de chacun de ces documents, et c’est à partir de cela que les nouveaux tarifs de délivrance ont été fixés ».
Face à la polémique, le ministre de l’Intérieur lui-même est revenu à la charge samedi 26 mai en conférence de presse, indiquant que les tarifs imposés pour la délivrance des documents d’identité biométriques restent très bas par rapport à d’autres pays : « Si nous voulons de la numérisation, de la modernité et le développement, tout cela a un prix. En France, la carte d’identité biométrique coûte 33 euros. Tous ces documents ont un coût », a ainsi déclaré Noureddine Bedoui. Faut-il le croire sur parole ? Nous avons voulu vérifier.
Des documents plus chers en Algérie
Au Maroc, une carte d’identité coûte 75 dirhams (environ 7 euros), un passeport biométrique 300 dirhams (26 euros) et le renouvellement du permis de conduire peut se faire pour 400 dirhams (35 euros).
Idem en Tunisie, où les tarifs restent abordables : le timbre fiscal pour la carte d’identité est de 25 dinars tunisien (dt), soit environ 8 euros. Le passeport est à 80 dt (26 euros) et le permis de conduire coûte 18 dt (6 euros).
La France, citée comme exemple par Noureddine Bedoui, propose gratuitement la carte d’identité biométrique depuis le 1er septembre 1998. Pour son renouvellement, seuls ceux ne présentant pas leur ancienne carte sont soumis à un droit de timbre de 25 euros.
Conclusion : les prix des documents biométriques sont bien plus chers en Algérie que chez les voisins.
Pour rappel, l’avant-projet de la loi de finances complémentaire qui prévoit ces augmentations doit encore être examiné en Conseil des ministres.
Avec jeuneafrique