On peut dire que la valeur touristique du gorille des montagnes l’a sauvé de l’extinction. Pourtant, le contact répété avec les humains fait peser une menace, mais elle est encore mal évaluée.
Lorsque le gouvernement rwandais a annoncé il y a un an que les touristes devraient désormais débourser 1 500 dollars chacun pour aller à la rencontre des gorilles de montagne du parc des Volcans, les ONG de conservation ont applaudi des deux mains. En un jour, le prix des permis délivrés pour cet extraordinaire et bref – le contact est limité à une heure – voyage était multiplié par deux. « C’est une décision bonne et courageuse, a déclaré Mark Rose, le directeur exécutif de Fauna & Flora International. Elle montre la volonté du gouvernement de gérer au mieux son actif naturel le plus précieux. »
Parmi les défenseurs de cette espèce, dont il subsiste moins d’un millier d’individus, le sujet ne fait plus débat : « La valeur touristique du gorille des montagnes l’a sauvé de l’extinction », affirme le docteur Kirsten Gilardi, la directrice américaine de Gorilla Doctors, un réseau de vétérinaires qui travaille en Afrique centrale.
Mais jusqu’où est-il possible d’exploiter cet « actif » sans le mettre en danger ? Stress, maladies, transformations du comportement qui conduiraient, par exemple, les gorilles à ne plus fuir devant les braconniers… L’incidence des contacts répétés avec les humains soulève de multiples questions.
Marché en pleine croissance
Le Rwanda, qui est de loin le pays où ce tourisme d’observation est le plus développé, a choisi de réguler ce marché en pleine croissance par les prix. En 2016, les onze familles de gorilles du parc des Volcans ont été visitées chaque jour, rapportant la somme record de 16 millions de dollars.
De l’autre côté de la frontière, dans le parc des Virunga, l’insécurité entretenue par la présence de groupes armés limite jusqu’à présent l’afflux de voyageurs étrangers. Mais les Congolais se préparent à profiter de la décision rwandaise en familiarisant deux nouveaux groupes au contact des hommes. Ici, il n’en coûte « que » 400 dollars.
De façon surprenante, alors que ces animaux sont sous le regard des scientifiques depuis cinq décennies et que l’habituation de gorilles pour le tourisme a commencé en 1979 au Rwanda, aucune étude approfondie n’a jamais été publiée sur l’impact de cette activité.
Les recommandations faites aux gestionnaires des parcs sont pour la plupart issues d’un recueil des « Meilleures pratiques en matière de tourisme de vision des grands singes » publié en 2010 par l’Union internationale de conservation de la nature et complété, cinq ans plus tard, par des conseils pour la prévention des maladies.
C’est sur la base de ces documents qu’ont été fixés, par exemple, la distance minimale de 7 mètres entre les gorilles et leurs visiteurs, la durée maximale d’une heure d’observation par jour, le port d’un masque facial et de vêtements propres. Nombre de ces règles, faute de données solides, relèvent surtout du principe de précaution. Elles sont pourtant loin d’être toujours respectées. Dans le parc des Volcans, par exemple, où de nombreuses infections respiratoires ont été observées, le port du masque n’est toujours pas obligatoire.
Danger critique d’extinction
Les deux espèces de gorilles suivies par l’Union internationale de conservation de la nature sont classées en danger critique d’extinction, le stade ultime avant que soit constatée leur disparition. Les gorilles de l’Ouest (Gorilla gorilla) sont les plus nombreux. La dernière estimation, publiée en avril, établit leur nombre à 361 900 pour la sous-espèce communément appelée « gorilles des plaines de l’Ouest » (Gorilla gorilla gorilla) dont l’habitat se répartit sur sept pays (Angola, Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Nigeria). Le Cameroun héberge aussi le gorille de la rivière Cross (Gorilla gorilla diehli) dont il restait moins de 300 individus au milieu des années 2000.
L’autre espèce dite des gorilles de l’Est (Gorilla beringei) est présente en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda. Il en resterait environ 4 000 dits des plaines de l’Est (Gorilla beringei graueri), et 880 pour la sous-espèce des gorilles des montagnes (Gorilla beringei beringei), qui est la seule dont le nombre augmente. Ces populations de l’Est africain ont particulièrement souffert des guerres répétées qui ont déchiré la région.