Le président sud-africain Jacob Zuma a été contraint de démissionner en février, une sortie humiliante après neuf années au pouvoir, mais l’ancien homme fort du pays, empêtré dans des scandales, et ses nombreux fidèles semblent bien déterminés à ne pas avoir dit leur dernier mot.
Sous la pression de son parti, le Congrès national africain (ANC), soucieux d’éviter une débâcle électorale en 2019, Jacob Zuma a dû écourter son second mandat et quitter la fonction suprême le 14 février.
Sa présidence a été marquée par de nombreuses affaires de corruption, un taux de chômage record, une croissance en berne, des éruptions de violences dans les quartiers noirs pauvres du pays, toujours en mal de services publics et de logements des années après la fin officielle du régime d’apartheid en 1994.
Son successeur, Cyril Ramaphosa, qui avait décroché deux mois plus tôt la direction de l’ANC, a promis “un nouveau départ”, mais l’ombre de Jacob Zuma pèse sur sa présidence, alors que l’ancien chef de l’Etat et ses alliés ont lancé une contre-attaque au sein du parti.
“Il y a de la rancune. Zuma se sent trahi, ce n’est un secret pour personne”, explique l’analyste politique Somadoda Fikeni de l’université Unisa de Pretoria.
Même détrôné, Jacob Zuma, originaire de la province clé du KwaZulu-Natal (KZN), continue de tirer profit du soutien dont il bénéficie toujours dans sa région natale.
“Il s’est retiré dans sa base traditionnelle du KZN, c’est là qu’il peut causer le plus de dégâts”, estime M. Fikeni. “Certains de ses associés craignent que sa disgrâce puisse conduire à leur propre chute. En s’assurant qu’il reste influent, ils cherchent à conserver leurs positions”, explique-t-il.
Depuis sa démission, Jacob Zuma est apparu en avril sur le banc des accusés à la Haute Cour de Durban (nord-est), la capitale du KwaZulu-Natal, dans une affaire de corruption pour une affaire de contrat d’armement remontant à une vingtaine d’années.
Ces accusations sont “politiques”, a affirmé devant le tribunal Jacob Zuma, galvanisé par la foule venue le soutenir.
Des centaines de ses partisans avaient fait le déplacement. “Dites nous ce qu’il a fait de mal”, “Enlevez vos mains de Zuma”, ont-ils scandé devant le tribunal.
Pendant ses neuf années à la présidence, Jacob Zuma a patiemment tissé, dans les branches locales de l’ANC, un réseau qui lui reste loyal.
“Ce réseau de soutien est encore bien vivant et prêt à tout pour survivre”, a estimé le commentateur politique Justice Malala.
“Cette faction se regroupe. Elle a l’intention de construire un fief anti-Ramaphosa au KwaZulu-Natal”, a-t-il ajouté cette semaine.
Eviter la prison à tout prix
Mais à l’approche des élections législatives de 2019 qui pourraient menacer la mainmise de l’ANC sur le pouvoir, pour la première fois depuis l’avènement de la démocratie en 1994, Cyril Ramaphosa doit absolument maintenir l’unité du parti et redorer l’image de l’ANC.
Sa marge de manoeuvre est faible. Il s’est imposé de justesse à la tête du parti en décembre, devant l’ancienne épouse de Jacob Zuma, Nkosazana Dlamini-Zuma, qui avait reçu le soutien du président de l’époque.
La direction de l’ANC est très divisée entre pro Ramaphosa et pro Zuma. Un proche de l’ex-président, Ace Magashule, a décroché le poste de numéro 2, celui de secrétaire général.
Un haut responsable du parti au KwaZulu-Natal, Mhlabunzima Memela, proche de Jacob Zuma, nie les rumeurs de tensions au sein de l’ANC. “L’ancien président ne remet rien en cause”, a-t-il affirmé.
Mais depuis des mois, la province est le théâtre de sanglants règlements de compte entre différentes factions du parti. Plusieurs responsables politiques locaux ont même été assassinés.
Le but ultime de Jacob Zuma pourrait être de conserver suffisamment d’influence politique pour éviter une peine de prison dans les affaires de corruption dans lesquelles il est empêtré.
“Le parquet pourrait être influencé pour ne pas le poursuivre énergiquement”, estime un expert en droit constitutionnel à l’université du Cap, Pierre de Vos.
Dans l’immédiat, Jacob Zuma passe sa retraite forcée dans sa résidence de Nkandla au KwaZulu-Natal, une immense propriété rénovée aux frais du contribuable. Un scandale qui lui a valu d’être contraint, au final, de reverser à l’Etat l’équivalent de 480.000 euros.
Le mois dernier, sa nouvelle compagne, de 52 ans sa cadette, a donné naissance à un enfant. Elle devrait prochainement, selon la presse, convoler en justes noces avec l’ancien président, âgé de 76 ans et qui a déjà quatre épouses.
Avec AFP