Le président de la République rend visite ce jeudi à la chancelière allemande à Berlin sur fond de discussions tendues sur l’avenir de la zone euro.
Tout un symbole. En plein débat sur la future architecture de la zone euro, Angela Merkel reçoit ce jeudi Emmanuel Macron sur le chantier du Forum Humboldt, au Château de Berlin. Si elle ne partage pas le lyrisme de son invité, la chancelière allemande maîtrise tout autant le registre des symboles.L’explorateur allemand Alexander von Humboldt, dont la mère était d’origine française et huguenote, appelait la France sa « seconde patrie ».
Une exposition sur l’épargne à Berlin
Son frère Wilhelm, qui a vécu à Paris de 1797 à 1799, pourrait le plus inspirer le président et la chancelière. Philosophe et linguiste, il a notamment écrit sur « les limites de l’action de l’Etat » et planché sur l’influence du langage sur la pensée humaine.
Un mot allemand s’y prête particulièrement : « Schuld », qui veut dire à la fois dette et faute. Si les linguistes distinguent les deux significations, certains veulent au contraire voir un lien entre ce mot et l’aversion viscérale des Allemands pour la dette. Ceux-ci adorent en revanche épargner, comme en témoigne l’exposition actuelle sur « l’épargne, histoire d’une vertu allemande », du Musée d’histoire allemand, situé en face du Forum Humboldt…
Débat tendu
Or c’est bien de dette et d’épargne dont il s’agit dans le débat tendu entre Paris et Berlin. Décidé à mieux armer la zone euro face à une prochaine crise, Emmanuel Macron voudrait la doter d’une capacité budgétaire et d’un ministre des Finances. L’Allemagne, à commencer par la CDU d’Angela Merkel, le soupçonne d’un stratagème visant à soutirer les excédents budgétaires allemands.
Imposant en France des réformes contestées, le président est déterminé à mettre sa crédibilité et son poids politique dans la négociation sur l’Union économique et monétaire (UEM). « Si elle n’intègre pas ses politiques sociales et économiques, la zone euro se désintègrera », a-t-il insisté mardi lors de ses réponses aux Vosgiens, à l’occasion de la première consultation citoyenne à Epinal , appelant à des résultats concrets avant les élections européennes.
Après l’absence de gouvernement en Allemagne pendant six mois, la chancelière sait qu’elle doit maintenant répondre aux propositions d’Emmanuel Macron. « Je pense que l’Allemagne peut apporter sa propre contribution et que nous trouverons d’ici juin des solutions conjointes, avec la France », a-t-elle déclaré mercredi alors que l’inquiétude grandit dans son camp .
Opel et Trump
Pour amadouer ses troupes, qui la soupçonnent de vouloir céder au charme du jeune président français, « Mutti » veut proposer de créer un « conseil Jumbo », associant les ministres de l’Economie à « l’Eurogroupe » composé des ministres des Finances de la zone euro. En filigrane : l’idée qui lui est chère d’accorder des aides aux pays en échange de réformes structurelles.
Alors que le président et la chancelière se rendent chacun la semaine prochaine à Washington, ils devraient également coordonner leur discours face à Donald Trump concernant les taxes américaines d’importation sur l’acier, dont les Européens sont exemptés jusqu’au 1er mai, les nouvelles sanctions contre la Russie, qui frappent indirectement les entreprises européennes ou la crise syrienne.
Angela Merkel pourrait aussi évoquer le dossier Opel. « Nous attendons des entreprises qu’elles honorent les engagements pris lors de la reprise » d’Opel par PSA, a-t-elle affirmé mercredi, alors que les salariés de la marque allemande s’inquiètent pour leur avenir.