Au pays merveilleux du foot business, on n’aime pas trop l’impôt. On se souvient par exemple comment la taxe à 75 % avait fait trembler — pauvres chéris — les clubs de Ligue 1 (en réalité seulement 14 des 20 clubs étaient concernés, principalement le PSG, allez savoir pourquoi). Maintenant, ce sont Les Échos qui viennent nous apporter une nouvelle preuve de la « fiscalophobie » ambiante dans le milieu : « Les sociétés organisatrices (de l’Euro 2016) seront exonérées de tout impôt, hors TVA ».
On savait déjà que la TVA serait réduite pour la vente de billets, mais là, ça va beaucoup plus loin.L’UEFA et ses filiales françaises ne verseront donc pas un euro d’impôt à l’Etat grâce à la création d’une « structure juridique ad hoc, baptisée “Euro 2016 SAS” et détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la Fédération française de football », nous dit le quotidien de l’économie. Ou comment cette instance du foot européen a réussi à mettre la main sur tout : le beurre, l’argent du beurre, la crémerie, la crémière et ses descendants sur trois générations !
Gabegie financière
Car, à la limite, si cette fameuse SAS s’occupait de tout, peut-être y aurait-il moins à redire, mais elle ne fait qu’organiser l’événement. La construction des stades (Bordeaux, Lyon, Nice, Lille), c’est pour qui ? Bibi ! Et la remise aux normes des « vieilles » enceintes sportives (Marseille, Saint-Etienne, Toulouse, Lens, Paris) ? Bibi, toujours lui ! Sans compter le développement d’infrastructures permettant le transport des supporteurs jusque sur les sites sportifs. Au total, ce sont 2 milliards d’euros que la République va investir. Et l’UEFA ? 20 millions seulement…
Pour le site Hexagones.fr, cette « gabegie financière » sous couvert de PPP pourrait d’ailleurs coûter bien plus cher que prévu au contribuable. On peut par exemple se pencher sur le cas de Bordeaux. Déjà, dans le contrat de base, la municipalité dirigée par Alain Juppé s’est engagée à verser 4 millions d’euros annuels à la société SBA pour l’exploitation et la maintenance du stade, et ce pour trente années… Alors bien sûr, la mairie va louer au Girondins de Bordeaux l’accès au stade pour 3,85 millions par an. Reste tout de même 150 000 euros annuels à sortir du porte-monnaie du contribuable. Et l’air de rien, ce cher Juppé vient d’annoncer des hausses d’impôts, sans faire mention aucune du nouveau stade. Et ce n’est là que l’exemple bordelais…
Quoi qu’il en soit, partout en France, après l’Euro 2016, on bénéficiera de 100 000 places de plus pour aller voir la Ligue 1 en famille le dimanche. Etaient-elles vraiment nécessaires ? La saison dernière, le taux moyen de remplissage des stades étaient de 72,2 %, la honte de l’Europe… Quant aux retombées économiques (évaluées à 900 millions d’euros), comme elles ne concernent quasiment que la vente de billets et les droits de retransmission (faut-il rappeler à qui appartient BeIn Sport ?), le pays peut s’assoir dessus !
Mais pourquoi tant de soumission envers l’UEFA ? En 2010, en présentant sa candidature, la France a juré qu’elle serait fiscalement clémente en cas d’élection. Et, à l’inverse des élections démocratiques, là, les promesses sont tenues ! On pouvait toujours sourire gentiment aux revendications populaires des Brésiliens, lors de la Coupe du monde, l’été dernier… Car maintenant, c’est notre tour de casser la tirelire pour que l’Allemagne vienne nous apprendre à jouer au foot. A domicile, en plus…
Avec Marianne