Alors qu’une nouvelle fraude alimentaire en Europe touche cette fois les œufs, des spécialistes de l’élevage et de ce marché expliquent comment continuer d’en consommer en toute sécurité.
Nouvelle fraude dans l’agroalimentaire, qui concerne cette fois les œufs. En Europe, des poules pondeuses auraient été traitées avec un antiparasite toxique, et donc interdit pour les animaux d’élevage. Selon les déclarations des autorités, des éleveurs européens ont utilisé ce produit frauduleux et des lots d’œufs contaminés ont été retrouvés en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Suède, en Belgique, au Royaume-Uni et en France.
La toxicité des œufs en question serait minime. Un humain n’en ressentirait des effets néfastes sur son foie, ses reins, sa thyroïde, que s’il en mange au minimum sept par jour. Or en France, la consommation moyenne se limite à un demi oeuf par jour. Quant à la molécule incriminée, le fipronil, qu’on retrouve aussi sur les colliers anti-puces pour chiens et chats, elle serait “modérément toxique”, selon l’Organisation mondiale de la santé. Rien à voir avec la dangerosité de la salmonelle par exemple.
Reste qu’après les scandales du cheval dans les lasagnes au bœuf ou les matières fécales dans les boulettes Ikea, et vu que les analyses pour détecter la contamination au fipronil prennent du temps, le consommateur a des raisons d’être méfiant. Voici donc quelques bonnes pratiques à adopter pour s’assurer de la qualité des œufs qu’on veut consommer en coquille.
> Les oeufs bio pas épargnés
En France, le premier producteur européen d’œufs destinés à la consommation, sur le cheptel total de poules pondeuses, 13% sont élevées en plein air, voire 26% si on y ajoute celles dont les éleveurs ont le Label rouge ou bio. Or “les poules élevées en plein air se traitent elle-même contre les puces et autres parasites en se roulant dans la terre. Elles n’ont donc pas besoin d’antipuces, et n’ont donc aucune chance d’avoir été contaminées au fipronil”, explique Pierre Ristic, militant EELV spécialiste de l’agriculture”. Alors qu’en batterie, “elles ne peuvent pas se rouler dans la terre, et quand bien même elles auraient de la place, elles se transmettent leurs parasites” souligne-t-il.
Attention tout de même, le label bio n’offre pas une garantie totale. “Les antiparasitaires frauduleux, le Dega 16 et le Cooper Boost, étaient présentés par ses fabricants comme un produit à base de plantes uniquement. Il a donc été utilisé par des éleveurs bio, qui ne se doutaient pas qu’il y avait du fipronil dedans”, révèle Loïc Coulombel et président du Snipo, le syndicat des industriels et professionnels de l’œuf.
> Ne pas acheter le prix le plus bas
Cet éleveur de poules francilien s’agace quand on lui demande comment consommer des produits sûrs. “Les gens sont prêts à mettre 700 euros dans un téléphone, mais arbitrent au centime près sur ce qu’ils mangent”! Or pour lui, il n’y a pas de mystère: “tant que la grande distribution continuera à pressurer ses fournisseurs sur les prix, ces derniers seront obligés de produire pour moins cher, donc des aliments de moins bonne qualité, et les scandales se multiplieront”, tonne-t-il.
Pour autant, un prix plus élevé n’est pas une garantie en soi de qualité. Les œufs de cet éleveur ne sont ainsi pas vendus plus chers que ceux des supermarchés. En commerçant directement, soit avec le consommateur final, soit avec des revendeurs type épiceries bio ou crèmerie, il parvient à supprimer les intermédiaires et donc à contenir les coûts.
> Se fournir directement auprès du producteur
En France, d’après l’enquête menée par le syndicat des industriels et professionnels de l’œuf, aucun éleveur français n’a utilisé le produit incriminé. Or la production française nous permet d’être quasiment autosuffisant. “Seuls quelques discounters et transformateurs se fournissent à l’étranger”, affirme Louis Colombel. Donc en achetant directement ses œufs à l’éleveur on peut être sûr qu’ils n’ont pas été contaminés.
Si l’on vit dans une grande ville, il sera difficile de trouver de quoi faire une omelette à bon prix via une Amap. Notre éleveur explique que ses marges sont trop faibles sur l’œuf pour rentrer dans ses frais en livrant lui-même l’association en pleine ville. Mais en tapant sur son moteur de recherche “acheter des œufs directement au producteur”, on trouvera des dizaines de fermes avoisinantes partout sur le territoire. C’est certes moins pratique que d’aller au supermarché du coin, mais on n’a pas besoin d’y passer souvent car les œufs se conservent au moins 28 jours. Et même “jusqu’à six mois si sa membrane est de bonne qualité”, rapporte le président du Snipo. Pour s’en assurer, il suffit de cogner deux œufs l’un contre l’autre: si ne ça sonne pas creux, vous pouvez encore les consommer.
Avec bfmbusiness