Rares sont les personnes capables d’être à la fois n°1 et n°2 car les qualités nécessaires pour tenir l’une et l’autre de ces fonctions sont bien différentes. Et pourtant, les deux acteurs majeurs de l’entreprise doivent fonctionner en binôme, ce qui impose une logique claire de complémentarité et de synergie. Le schéma qui régit les parcours des dirigeants a fortement changé ces 50 dernières années : comment s’y inscrivent aujourd’hui les qualités et les compétences des n°1 et des n°2 ?
Trois grands types de parcours mènent aux fonctions de direction :
– Le parcours « chance ». De moins en moins fréquent dans les grands groupes, ce parcours est une transmission où le facteur décisif est essentiellement… le hasard. Dans les entreprises familiales ou patrimoniales, le lien de parenté ou le lien personnel très fort avec un « héritier » garantissait la succession. Dans ce schéma, le n°2 apprend du n°1 en attendant son tour.
– Le parcours de « construction ». Traditionnellement, dans nos entreprises occidentales, l’organisation est structurée par une gradation précise d’échelons, qu’il faut gravir les uns après les autres. Ce type de parcours peut provoquer des insatisfactions parce que c’est souvent par l’expérience de l’échec qu’un individu découvre les limites de son évolution possible.
– Le parcours « naturel ». C’est celui qui repose à la fois sur la connaissance de soi, la résilience et suffisamment d’humilité pour être dans une démarche d’amélioration permanente.
Les qualités nécessaires pour suivre un parcours naturel jusqu’à devenir n°1 sont l’intelligence relationnelle, la vision stratégique ainsi que la capacité à fédérer, animer et représenter l’organisation. En somme, le n°1 doit être capable de prendre la parole de manière structurante et décisive au sein de l’entreprise.
Pour que la synergie soit la meilleure possible, la fonction de n°2 nécessite essentiellement d’être une ressource : gestion et contrôle de l’ensemble des dossiers, capacité à établir unecartographie des risques et des opportunités, à gérer le pilotage des activités, à détecter les potentiels humains, techniques et technologiques indispensables à l’évolution positive de l’entreprise.
N’ayant pas le même rôle, les fonctions de n°1 et de n°2 correspondent souvent aussi à des profils psychologiques différents, à des aptitudes et à des choix personnels eux-mêmes distincts.
L’entreprise est aujourd’hui un média, son dirigeant un porte-parole et son n°2 le support de cette parole. Pour un n°1, les qualités relationnelles sont nécessaires pour embrasser tous les environnements de l’entreprise. A l’externe, il doit pouvoir parler aux actionnaires, aux financiers, aux banquiers, aux leaders d’opinion, aux journalistes mais également aux clients et aux prospects. En interne, il doit savoir s’exprimer auprès de l’ensemble des collaborateurs, des partenaires sociaux et des administrateurs. Entre 40 et 50 % de sa mission consiste à porter, par sa parole, le projet de l’entreprise pour que celui-ci soit connu, compris et accepté de tous.
En tant que conseiller privilégié, le n°2 doit, lui, consacrer 30 à 40% de son temps… au n°1. Il est son « homme ressource », celui qui sait anticiper ses besoins, trouver des idées ou des solutions aux problèmes qui se posent… Quoique essentiel, il ne doit pas s’attendre à obtenir de la reconnaissance, et cela ne doit pas faire naître chez lui le moindre ressentiment, ce qui implique une grande connaissance et maîtrise de soi. Le n°2 a le pouvoir mais il ne l’exerce pas. Il est celui qui reste dans l’ombre alors que le n°1, lui, est constamment dans la lumière.
Il est indispensable pour toute organisation d’identifier parmi ses hauts potentiels un futur n°1 et un futur n°2, et de leur offrir le parcours adapté. Car ces profils se construisent dans le temps. Ce n’est pas parce que l’on est un bon n°2 que l’on fera un bon n°1. Bien entendu, certains n°2 deviennent d’excellents n°1 parce qu’ils possèdent dès le départ l’éventail de compétences d’un n°1, en plus des qualités d’un n°2.
Pour construire ces parcours, l’entreprise doit disposer d’un référentiel de compétences précis, appliqué à chacune des strates de l’organisation. L’ensemble des cadres doivent être répertoriés et pouvoir se situer par rapport à ce référencement dynamique, ce qui permettra de détecter puis d’accompagner les plus hauts potentiels. Ce référentiel est propre à chaque entreprise, à chaque organisation ; sa mise au point et son évolution sont des éléments essentiels de la stratégie interne.
Avec hbrfrance