Un grand patron du privé, un acteur public, un responsable associatif. Trois profils différents pour faire progresser l’esprit d’initiative au Mali.
Ibrahim Diawara
46 ans – PDG du groupe IBI
Le groupe qu’il a créé rassemble des sociétés actives dans des secteurs porteurs tels que l’énergie, le transport aérien, les matériaux de construction, le BTP, l’adduction d’eau et l’assainissement, la recherche de matières minérales… Ibrahim Diawara est l’incarnation même de l’autodidacte à qui tout a réussi, et qui n’a jamais ménagé sa peine pour y parvenir. « Je me suis toujours débrouillé. Je suis soninké, j’ai le commerce dans le sang ! » résume-t-il.
À 12 ans, il cire les chaussures des passants pour gagner un peu d’argent de poche. Adolescent, il travaille sur les chantiers pour s’offrir des verres en discothèque, et à 18 ans, bac en poche, Ibrahim Diawara part rejoindre son frère commerçant en Thaïlande, où il se fait embaucher dans une usine d’emballage. Trois ans plus tard, il part pour l’Indonésie, puis s’installe en Australie, où il découvre le potentiel de l’énergie solaire.
Lors d’un séjour à Bamako, en 1997, il crée Diawara Solar, la première entreprise de panneaux solaires au Mali (devenue Builders Diawara Solar en 2011, elle regroupe les activités d’IBI dans les secteurs de l’adduction d’eau et de l’énergie).
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En 2000, le voyageur polyglotte (il parle sept langues) rentre définitivement au pays. « C’était très dur, j’ai failli jeter l’éponge, je n’avais pas les codes », se souvient l’entrepreneur. Mais il tient bon. Il achète un avion abandonné sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, le remet à neuf et crée la Malian Aero Company, à laquelle l’État confie une opération pilote d’ensemencement des nuages.
« Grâce à cette technique, nous avons pu augmenter les pluies de 10 % à 45 % par an et il n’y a presque plus de problèmes de “soudure” au Mali [désigne une période de pénurie qui se situe entre mai et juillet où les stocks sont quasi épuisés] ». En 2003, le « serial entrepreneur » fonde Stones, une société spécialisée dans la fabrication de pavés, de tuiles, de carrelages et de revêtements de sol, qui compte deux usines (à Sélinkegny, à 100 km de Kayes, et à Sala, près de Koulikoro).
Depuis, le groupe IBI a diversifié ses activités dans les domaines de l’eau et de la construction, avec la création, en 2011, de Builders. Implanté en Côte d’Ivoire, en Guinée et en Mauritanie, le groupe emploie plus de 1 000 personnes et réalise la moitié de son chiffre d’affaires à l’étranger.
Moussa Ismaïla Touré
48 ans – Directeur général de l’Agence pour la promotion des investissements au Mali (API-Mali)
Depuis la fenêtre de son bureau à l’API, située dans le quartier du fleuve, à la croisée des grands centres d’affaires de la capitale, Moussa Ismaïla Touré peut contempler le Niger et la grande tour ocre au style néosoudanais du siège bamakois de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest.
Titulaire d’un DESS en gestion obtenu à l’université de Paris-Dauphine, l’économiste a pris la tête de l’institution en mars 2015. « Cela n’a pas été une décision facile, explique-t-il. Je travaillais dans le privé, je dirigeais la branche de Coca-Cola pour l’Afrique centrale, au Cameroun, et je gagnais très bien ma vie [il est père de quatre enfants]. Mais j’ai eu envie de me rendre utile à mon pays. »
Au même moment, une commission mixte État-secteur privé lançait un appel à candidatures pour recruter un nouveau directeur général à l’API, qui traversait une période difficile. « J’ai envoyé mon CV, j’ai été pris, et j’ai accepté de voir mon salaire diminuer », résume Moussa Touré. Depuis, il déploie toute son énergie pour donner un nouveau souffle à l’agence et montrer aux investisseurs que le Mali a du potentiel dans de nombreux domaines.
« Notre travail est d’identifier des entrepreneurs locaux et étrangers qui pourraient développer leurs activités dans le pays, et de les inciter à investir, notamment dans les domaines des mines, de l’énergie, de l’agroalimentaire et du BTP, précise Moussa Touré. Près de 8 000 entreprises ont été créées au Mali en 2015, un niveau jamais atteint depuis la création de l’API, en 2005. Et notre rôle est aussi de les aider à pérenniser leurs activités. »
Jimmy Berthé
26 ans – Fondateur et directeur de l’association Incub’Mali
«Il fait un peu trop chaud ici, mais je ne serais certainement pas plus heureux à Paris ! » Cela fait neuf mois que le Franco-Malien Jimmy Berthé (de père martiniquais et de mère malienne) a quitté la capitale française pour s’installer à Bamako, à Djicoroni, au bord du fleuve. Juriste de profession, il reconnaît qu’il n’avait pas beaucoup de perspectives dans sa spécialité, alors, en 2008, il s’essaie au métier de développeur culturel, à temps partiel.
Il soutient des artistes maliens, comme le virtuose de la Kora, Ballaké Sissoko, et multiplie les séjours au pays. Mais c’est après la visite de François Hollande en février 2013, au début de l’opération Serval, qu’il prend conscience de l’absence de structures locales pour favoriser les initiatives de la diaspora.
C’est ainsi qu’il a eu l’idée de créer Incub’Mali, une association financée par l’Agence française de développement (AFD) et parrainée par le ministère des Maliens de l’extérieur, qui a démarré ses activités en janvier. Avec ses partenaires techniques, elle s’est donné pour mission de faciliter la création et l’installation d’entreprises au Mali : élaboration de business plans, simplification des procédures administratives, constitution de réseaux…
« Nous aidons les jeunes Français d’origine malienne à revenir au pays », explique Jimmy Berthé. Mais la plupart des candidats n’ont jamais vécu au Mali, alors il développe : « Nos parents ont émigré en France et n’ont pas pu “revenir au pays”, mais, en nous installant au Mali, nous sommes toute une génération à réaliser ce qu’ils n’ont pas pu faire. » La plupart des 70 projets déjà reçus sont liés à l’éducation et au tourisme. Une quinzaine d’entreprises sont déjà en activité.