S’il est toujours étonnant de voir un grand pétrolier investir en dehors des hydrocarbures, il en va différemment pour Total. Cela fait près de dix ans que le groupe cherche à se diversifier dans les renouvelables.
Dans le business, c’est bien connu, il vaut mieux acheter au son du canon. C’est notamment le cas dans le pétrole. La chute des prix de l’or noir a fragilisé nombre d’acteurs, ce qui a entraîné un mouvement de consolidation. Total a décidé d’y participer. Mais ce matin, le géant français n’a pas porté son dévolu sur un de ses pairs pétroliers ou gaziers mais sur Saft, un fabricant de batteries haute technologie. Pour cette ex-filiale d’Alcatel, il est prêt à mettre 950 millions d’euros sur la table. Une surprise ? Oui et non.
S’il est toujours étonnant de voir un grand pétrolier investir en dehors des hydrocarbures, il en va différemment pour Total. Cela fait maintenant près de dix ans que le groupe cherche à se diversifier dans les renouvelables. En 2011, l’ancien PDG Christophe de Margerie avait misé un milliard d’euros sur SunPower, un fabricant californien de panneaux photovoltaïques qui a la caractéristique d’adresser à la fois le marché résidentiel, les clients commerciaux et les industriels tout en étant présent sur l’amont et l’aval du cycle. Son successeur Patrick Pouyanné a poursuivi sur cette même voie (le groupe investit 500 millions de dollars par an dans les renouvelables). Il y a trois semaines, il annonçait que Total allait modifier son organisation. A compter du 1er septembre, la multinationale disposera aux côtés des divisions exploration-production et raffinage-pétrochimie, d’une nouvelle branche « gas renewables and power », dédiée à la production et à la vente d’électricité.
Neuf fois l’Ebitda de Saft
L’acquisition de Saft valorisée sur la base de neuf fois son Ebitda, répond à cette logique. Pour Total, cette opération constitue un joli coup. Le fabricant de batteries qui compte plus de 4.000 salariés dans dix-neuf pays dispose d’une bonne expertise dans des secteurs comme l’aéronautique, le ferroviaire et l’automobile. Depuis plusieurs mois, il traverse une passe difficile, car avec la crise, la transition énergétique tarde à se réaliser. L’an dernier, Saft a dû déprécier des actifs et son bénéfice net a été divisé par trois. A l’occasion de la publication des résultats annuels en février, son président du directoire Ghislain Lescuyer a reconnu que « l’adoption du lithium-ion par nos clients est un peu plus tardive que prévue.» L’adossement à Total va permettre à « Saft de devenir le fer de lance du groupe dans le secteur du stockage de l’électricité», a indiqué Patrick Pouyanné. Avec le boom de l’éolien et du photovoltaïque, énergies intermittentes, le marché du stockage explose. Il est estimé à plus de 110 milliards de dollars aujourd’hui, contre 40 milliards il y a cinq ans et se divise entre les applications mobiles et stationnaires. Selon Emmanuel Fages, consultant au cabinet Roland Berger, Total est bien placé pour adresser les deux segments. Sur la mobilité, le groupe va pouvoir accueillir les voitures électriques dans ses stations, ce qui lui permettra d’accroître la valeur de son réseau. Sur le stationnaire, il pourra proposer des solutions au secteur tertiaire et résidentiel en stockant sur ses batteries l’énergie solaire non utilisée.» La part des énergies nouvelles dans le business de Total est encore négligeable (autour de 2%). Mais le géant progresse vite. Déjà, grâce à SunPower, Total pèse davantage sur le marché mondial du photovoltaïque (3 %) que sur celui des hydrocarbures (2%).
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