La belle envolée prise ces derniers jours par l’Ethiopie est ralentie par des conflits intercommunautaires qui inquiètent les défenseurs des droits de l’homme et les investisseurs internationaux. Le Premier ministre du pays parviendra-t-il à y remédier ? C’est là, l’un des plus gros défis de sa gouvernance.
En Ethiopie, le Premier ministre Abiy a pris des allures d’homme providentiel. Depuis son arrivée au pouvoir en avril, en effet, le technocrate de 42 ans a entraîné son pays vers d’importants progrès politiques, économiques, diplomatiques et sur le plan des droits humains.
C’est notamment sous ses auspices que l’Ethiopie a effectué un rapprochement inattendu avec le voisin érythréen après un conflit vieux de deux décennies. On lui doit également l’ouverture du capital de certaines entreprises publiques à des fonds étrangers. Il a, par ailleurs, avalisé le retour de groupes et personnalités politiques jadis considérés par Addis-Abeba comme des “terroristes”.
Mais dans le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, Abiy Ahmed ne peut pas prétendre tout régler. La preuve lui a été donnée avec la résurgence ces dernières semaines des conflits communautaires qui agitent plusieurs régions de l’Ethiopie. Avec ses 80 groupes ethniques, l’Ethiopie est depuis bien longtemps sujette à des guerres de clan. Des conflits davantage entretenus par la pauvreté qui frappe une grande partie de la population, mais surtout, par la configuration même de la politique éthiopienne.
Clivages ethniques
En 1991, avec la chute de l’ancien président Mengistu Hailemariam, une coalition a été constituée à la hâte pour prendre rapidement le pouvoir avant que d’autres groupes ne s’en emparent. La coalition, connue sous le nom de Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien, était composée de quatre partis ethniques : l’Organisation démocratique du peuple Oromo, le Mouvement démocratique national Amhara, le Mouvement démocratique du peuple éthiopien du Sud et le Front de libération du peuple tigréen.
L’un de ses principes est depuis lors, la gouvernance fédérale afin de tenter de régler les griefs ethniques historiques en donnant aux différentes régions de l’Éthiopie la possibilité de s’administrer elles-mêmes. Néanmoins, ce mode de gouvernance a montré ses limites en nourrissant des sentiments ethno-nationalistes qui ont fini par affaiblir l’unité nationale du pays. Au fur et à mesure, certains groupes ethniques, des plus puissants du pays, ont commencé à revendiquer des territoires administrés par d’autres tribus.
Ce fut notamment le cas lorsque les Amharas ont revendiqué la propriété de certains territoires dans le nord-ouest de l’Éthiopie, ce qui a entraîné des tensions avec la région du Tigré (minoritaire en termes de population), qui administre actuellement ces zones.
Renforcer la démocratie
Abiy Ahmed est bien conscient de ces tensions ethniques qui menacent les acquis de son pays. Ce mercredi, à l’ouverture du congrès de son parti dans la capitale Addis-Abeba, l’ancien militaire a d’ailleurs tenu à dresser un parallèle étroit entre arrangements régionaux et suprématie ethnique.
S’il ne compte pas revenir sur la forme de l’Etat fédéral qui est une “option privilégiée en Ethiopie”, il appelle toutefois à ne pas confondre “les arrangements régionaux avec l’identité ethnique”, a rapporté sur Twitter son chef de cabinet. “Chaque unité administrative régionale devrait servir tous les citoyens avec respect et sans discrimination.”
Selon Awol Kassim Allo, maître de conférences en droit à l’Université Keele en Grande-Bretagne, la coalition au pouvoir pourrait même connaître à l’issue de ce congrès, d’importants changements. Il pense notamment à un changement de nom et de direction principale.
Cela sera-t-il suffisant, encore qu’au sein même de la coalition, on soupçonne une certaine opposition aux réformes initiées depuis par le Premier ministre ? Pour les observateurs, Abiy Ahmed devrait pousser les réformes politiques plus loin. En misant notamment sur des institutions démocratiques fortes qui permettront à toutes les couches de ce géant démographique de faire entendre leur voix.
Avec africanews