Pour Fati N’zi Hassane, l’Afrique, qui comptera 2,5 milliards d’habitants d’ici à 2050, doit dès maintenant trouver des débouchés pour ses nouvelles générations en promouvant une croissance agricole durable grâce aux financements innovants et au secteur privé.
L’Afrique est souvent cité comme le continent le plus jeune au monde : 220 millions d’Africains sont aujourd’hui âgés entre 15 et 25 ans tandis qu’ils seront 350 millions d’ici à 2030. Cette jeunesse représente à la fois une opportunité et un défi puisque certains facteurs, s’ils venaient à être mal gérés, comme le chômage des jeunes, pourraient devenir de véritables « bombes » à retardement pour nos sociétés. Il est donc primordial de trouver des débouchés durables pour ces nouvelles générations afin de tirer avantage de leur formidable énergie et éviter qu’elle ne s’érige en obstacle.
À l’instar des autres pays du monde – l’ONU estime que 66% de la population mondiale vivra en zone urbaine en 2050 – les jeunes africains des zones rurales sont virtuellement connectés au monde extérieur, rêvent de quitter leurs villages et aspirent aux avantages de la modernité. Pour autant, beaucoup de ces jeunes de l’exode rural sont rapidement rattrapés par une réalité bien précaire, notamment du fait d’un développement urbain mal maîtrisé.
L’importance de l’emploi rural
Si l’amélioration des politiques urbaines joue un rôle essentiel pour la croissance du continent, l’emploi et le développement rural occupent également une place prépondérante dont on oublie parfois l’importance. Rappelons qu’un nombre considérable de jeunes va entrer sur le marché du travail dans les prochaines années : 440 millions de jeunes africains de 15 à 35 ans d’ici 2030, dont deux tiers seront issus de zones rurales.
Comment absorber ces nouveaux travailleurs ? Comment assurer que le monde rural soit créateur de richesses et puisse jouer pleinement son rôle de pourvoyeur d’emplois ? Pour y répondre, il faudra transformer le secteur agricole qui emploie aujourd’hui 60 % de la main d’œuvre africaine et contribue à hauteur de 25 % au produit intérieur brut (PIB) du continent. La transformation du secteur agricole dépendra du développement des autres secteurs : commerce, énergie, routes, éducation, nouvelles technologies…
Problème d’accès au capital
Pour prospérer durablement et pour assurer sa souveraineté alimentaire, l’Afrique doit impérativement produire ce qu’elle consomme et réduire ses importations de produits transformés. Or les nombreuses opportunités du secteur agricole restent encore largement sous-exploitées du fait d’un problème d’accès limité au capital : le secteur attire moins de 5 % des prêts des institutions financières sur le continent tandis que moins de 10 % des producteurs ont accès au crédit. Un financement adapté aux besoins du secteur est donc le premier défi à relever pour parvenir à une croissance durable.
Les sources traditionnelles de financement et d’investissement dans le secteur agricole en Afrique ne suffisent plus et les expériences du passé ont confirmé la nécessité de recourir à des méthodes de financement alternatives et innovantes qui sont proposées par le secteur privé en complément de l’aide publique au développement. Du fait de leur caractère holistique, collaboratif et stratégique, associé à une gestion multilatérale, ces financements innovants contribuent à une productivité accrue et au développement agricole en catalysant l’investissement privé et en remédiant aux défaillances du marché.
Méthodes de financement alternatives
Il s’agit par exemple d’outils de gestion des risques comme l’assurance climatique indicielle qui aide les agriculteurs à atténuer les risques climatiques ; de produits de garantie tels que les programmes de récépissés d’entrepôt qui éliminent le besoin de garanties externes ; ou encore de partenariats privés comme les programmes d’assistance équitable aux petits exploitants qui lient les entreprises agroalimentaires et les agriculteurs, permettant ainsi le financement bancaire des intrants agricoles à même d’améliorer la productivité.
Bien entendu, la croissance explosive de la téléphonie mobile à travers l’Afriqueoffre également de multiples opportunités de réaliser des innovations transformatrices pour améliorer le financement du développement rural. Le Nigeria et le Kenya ont ainsi été les premiers pays à mettre au point des systèmes de distribution de subventions à l’achat d’engrais directement aux agriculteurs, grâce à des partenariats avec des sociétés de technologie mobile et des fournisseurs de réseaux. Au Nigeria, on estime à 4,3 millions le nombre d’agriculteurs ayant bénéficié du programme de portefeuilles mobiles pour l’octroi de subventions à l’achat d’engrais de Cellulant, tandis que le coût par agriculteur recevant des subventions à l’achat d’engrais aurait baissé de 225-300 dollars US en 2011 à 22 dollars US en 2013.
Le rôle du secteur privé
En conclusion, retenons que si les investissements du secteur public sont importants dans l’agriculture, le secteur privé constitue en fin de compte le moteur de l’activité et de la croissance dans le développement rural. Les États africains doivent mobiliser leurs efforts en vue de créer l’environnement favorable à un engagement accru du secteur privé local.
Aujourd’hui, l’Afrique reste le seul continent importateur net de produits agricoles tandis que plus de la moitié des Africains dépendent de l’agriculture pour tout ou partie de leurs moyens d’existence. Promouvoir la croissance agricole durable grâce aux financements innovants et au secteur privé permettra donc d’accroître les revenus et d’améliorer globalement les conditions de vie d’un Africain sur deux !
Avec jeuneafrique