Le SMIG a augmenté plus vite que l’inflation, est le plus élevé en Afrique et représente 95% du salaire médian dans le secteur privé. Le gouvernement propose de le porter à 2.800 DH, mais est-ce un niveau suffisant pour survivre dans une grande ville ? La bataille de la compétitivité des entreprises se gagne de nos jours sur d’autres terrains…
L’offre améliorée du gouvernement dans le cadre du dialogue social comprend une augmentation du SMIG dans le secteur privé de 10% en deux temps, en plus de la revalorisation pour les fonctionnaires.
La nouvelle offre a été acceptée par les syndicats, mais le protocole d’accord, en cours de finalisation par le ministère de l’Intérieur, n’est pas encore signé. Ce document inclura d’autres dispositions qui devront également être acceptées par les partenaires sociaux.
La signature de l’accord est espérée avant le 1er mai. Si elle a lieu, le SMIG sera revalorisé de 5% en juin ou juillet de cette année, puis de 5% une année plus tard. Il passera ainsi de 13,46 DH l’heure à 14,80 DH. Le SMIG mensualisé, lui, de 2.570 DH à 2.827 DH (pour un travailleur qui fait les 191 heures légales de travail par mois).
2.800 DH par mois constituent-ils un revenu décent pour un travailleur ?
Il faut rappeler que le SMIG au Maroc a connu 21 augmentations depuis 1980, sans compter celle qui pourrait aboutir les prochains jours. Et ce, sous la pression des syndicats mais aussi suite à la volonté des gouvernements qui se sont succédés d’améliorer les niveaux de salaires dans le secteur privé.
En 1981, le salaire minimum est passé à 490 DH. Il a franchi la barre des 1.000 DH en 1990 et celle des 2.000 DH en 2009. La dernière augmentation a été décidée en 2014 et appliquée en deux tranches. Elle était de 10%, faisant passer le SMIG de 2.337 DH aux 2.570 DH actuels.
En 38 ans donc, le salaire minimum a plus que quintuplé (+424%). Mais en face, le coût de la vie a également augmenté. Selon la Banque Mondiale, les prix à la consommation ont plus que triplé entre 1981 et aujourd’hui (+240%).
On peut dire que l’augmentation du SMIG a permis non seulement de compenser le renchérissement de la vie mais aussi d’améliorer les conditions des travailleurs percevant ce minimum.
Comment se situe le Maroc par rapport aux pays comparables ?
Selon l’Organisation internationale du travail, organisme onusien, le SMIG au Maroc est le plus élevé en Afrique. Il est supérieur à celui de certains pays arabes comme la Jordanie, l’Algérie, la Tunisie ou l’Egypte. Il était même égal jusqu’en 2016 à celui de pays membre de l’UE comme la Bulgarie et la Roumanie.
Y a-t-il un écart important par rapport à la moyenne des salaires dans le pays ?
Selon les données de la CNSS, le salaire moyen net déclaré dans le secteur privé était de 5.120 DH par mois en 2017. Le SMIG au Maroc représente donc 50% du salaire moyen, un niveau dans la moyenne des pays européens et des pays émergents, selon l’OIT.
Par rapport à la médiane, niveau qui divise la population des salariés en deux, le SMIG au Maroc représente 95% du salaire médian qui est de 2.712 DH. Un niveau très élevé par rapport à la plupart des pays européens et émergents (sauf l’Indonésie et les Philippines) qui indique que le salaire minimum au Maroc reflète quasi fidèlement les moyens (faibles ?) de l’économie nationale.
« L’indicateur statistique le plus fréquemment utilisé pour évaluer le niveau du salaire minimum au regard de la situation économique et sociale du pays est probablement le rapport entre le salaire minimum et le salaire médian, que l’on appelle quelquefois l’indice de Kaitz », indique l’OIT dans un récent rapport sur les salaires dans le monde.
Pourquoi pas un SMIG régionalisé ?
Même si le SMIG au Maroc a évolué plus rapidement que l’inflation, est le plus élevé en Afrique et reflète l niveau de économie nationale, on ne peut dire qu’il permet à tous ceux qui le perçoivent de vivre décemment.
Tout d’abord, beaucoup de travailleurs ne perçoivent même pas le SMIG mensualisé de 2.570 DH. En dehors du secteur informel où les salaires inférieurs au minimum légal sont légion, dans le secteur formel 39% des salariés déclarés ne touchent pas le SMIG mensualisé, selon la CNSS.
Le SMIG étant horaire, beaucoup ne cumulent pas les 191 heures de travail par mois. Sans parler de la sous-déclaration qui est monnaie courante ; les résultats des contrôles de la CNSS le prouvent bien.
Ensuite, le fait que l’Etat applique depuis 2014 un salaire minimum de 3.000 DH dans la fonction publique est un aveu que le SMIG de 2.500 DH dans le privé est trop bas.
Enfin, le pouvoir d’achat de 2.500 DH par mois à Casablanca n’est pas le même que dans une petite ville rurale. Pourquoi ne pas instaurer un SMIG régionalisé en fonction du niveau de vie ? Des SMIG bas dans les régions reculées constitueraient même un facteur de compétitivité pour attirer les investissements et créer des emplois.
Si le SMIG représente 95% du salaire médian dans le secteur privé formel, cela veut dire que tous les salaires dans le privé sont médiocres. Dans le public, la moyenne est de 7.550 DH.
Les entreprises sortent souvent l’argument de la compétitivité internationale pour justifier le niveau actuel des rémunérations. Mais de nos jours, la compétitivité se gagne aussi sur d’autres terrains de baille, comme l’optimisation des process et de l’organisation du travail, la recherche et l’innovation…
avec : medias24