Les sociétés de financement ont décidé d’abandonner le crédit automobile à 0% car ce produit menace leur rentabilité. Leur décision est “ferme” comme nous l’explique Aziz Cherkaoui, président de la section Crédit à la Consommation à l’Association professionnelle des sociétés de financement.
Le financement automobile connaîtra d’ici avril prochain un important chamboulement. Les sociétés de financement ont décidé de supprimer le produit LOA à 0% (location avec option d’achat).
« La décision est définitive. C’est peut-être brutal mais les modalités de fonctionnement de ce produit ne nous permettent plus de le proposer », nous assure Aziz Cherkaoui, président de la section Crédit à la Consommation et à l’Immobilier et Gestion des Moyens de paiement à l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF).
Comme nous l’annoncions dans un précédent article, les sociétés de financement ont informé leurs partenaires importateurs de véhicules de l’impossibilité de maintenir le produit de financement à 0% à cause d’un problème de rentabilité.
« Sans entrer dans les détails techniques, la LOA à 0% est un produit qui, initialement, devait accompagner des offres promotionnelles. Qui dit promotion, dit opération limitée dans le temps », nous explique Aziz Cherkaoui qui est, par ailleurs, président du directoire de Salafin.
« Sauf qu’avec le temps et par effet de concurrence, nous sommes sortis de ce cadre promotionnel et la LOA à 0% est devenue systématique. Ce qui n’est pas tenable sur le long terme», ajoute notre interlocuteur.
Selon les statistiques 2018 de l’Association Professionnelle des Sociétés de Financement (APSF), les financements en LOA représentent 47,22% des financements automobiles estimés à 10,8 MMDH.
Ils représentent 5,1 MMDH pour 44.391 dossiers contre 5,7 MMDH pour le crédit automobile classique correspondant à 44.690 dossiers.
Combien pèse la LOA gratuite dans l’ensemble des financements automobile ? « Nous n’avons pas de chiffres précis dans ce sens, mais il est indéniable que la LOA à 0% représente une bonne part du marché. Nous l’estimons à quelque 30% du financement LOA alors qu’elle ne devrait pas peser autant », explique Aziz Cherkaoui. Soit donc 1,5 MMDH.
L’article 102 en cause de la suppression ?
Le problème de rentabilité de ce produit n’est pas nouveau. Le timing de sa suppression coïncide avec un rappel à l’ordre de la part de Bank Al-Maghrib qui a sommé les concessionnaires de conformer le crédit gratuit proposé à la réglementation en matière de protection du consommateur.
En effet, en décembre dernier Bank Al-Maghrib a envoyé un courrier aux concessionnaires les sommant de respecter les dispositions des articles 100, 101 et 102 de la loi sur la protection du consommateur.
Pour notre interlocuteur, il ne faut pas faire l’amalgame entre le respect de la réglementation en termes de communication et le problème fondamental que vit la LOA gratuite.
« La communication pure et dure autour du crédit doit se faire dans le respect de la réglementation et c’est généralement le cas », confie le responsable de l’APSF.
Cela dit, l’article 102 ne concerne pas que des aspects de communication mais touche la méthode de calcul du crédit gratuit.
Pour rappel, l’article l’article 102 dispose que « lorsqu’une opération de financement comporte une prise en charge totale ou partielle des frais de crédit, le fournisseur ne peut demander à l’emprunteur ou locataire une somme d’argent supérieure au prix moyen effectivement pratiqué pour l’achat au comptant d’un article ou d’une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité ou de l’offre. Le fournisseur doit, en outre, proposer un prix pour paiement comptant inférieur à la somme proposée pour l’achat à crédit gratuit ou la location ».
En des termes plus simples, la société de financement ne doit pas exiger des frais rendant le coût global payé par le client supérieur à celui de l’achat du produit au comptant.
Si les sociétés de financement respectent à la lettre cet article, financeraient-elles les clients à perte ?
« Ce n’est pas aussi simple », répond notre interlocuteur. « La somme que débourse le client dans une LOA gratuite doit être égale au prix de la voiture, certes. Mais le crédit n’est pas vraiment gratuit. Il l’est pour le client mais les intérêts sont bien payés par quelqu’un. Ce sont les concessionnaires et les sociétés de financement qui font un effort chacun de son côté. Ce qui nous ramène au caractère promotionnel du produit », explique-t-il.
« Un caractère qui a été perdu au fil des années, générant un sérieux problème de profitabilité et donc de rentabilité pour les sociétés de financement. Ajoutez à cela, un contexte général de compression des taux qui nous amène à revoir nos produits », poursuit Aziz Cherkaoui.
« C’est la raison pour laquelle, nous avons décidé de contenir le mal avant qu’il ne soit trop tard en arrêtant la commercialisation de la LAO à 0% à partir d’avril prochain », nous confie-t-il.
Toujours en quête d’alternatives
La décision qu’ont prise les sociétés de financement peut avoir un impact sur le marché de l’automobile. La suppression de la LOA à 0% met les concessionnaires en difficulté car elle les privera d’un argument de taille pour attirer les clients.
« Les canaux de communication sont ouverts avec l’Aivam (association des importateurs de véhicules). La réflexion est en cours mais nous n’avons toujours pas de pistes claires pour le remplacement du crédit gratuit », confie notre source.
avec : medias24