Depuis le début des années 2000, l’attractivité de Berlin n’a cessé de grandir, et sa population avec elle. résultat : la capitale alternative devient une métropole toujours plus innovante.
Berlin bâtit. Restaure. Ravale. Rénove. Partout, sous un ciel d’automne encore tout bleu, les grues biffent l’horizon. Sur Unter den Linden, la célèbre avenue des musées, les façades se peaufinent et retrouvent leur prestance d’autrefois. Près de trente ans après la réunification, la capitale allemande continue de travailler à son embellissement. Elle se polit, se polisse et perd au passage un peu de ce caractère bien trempé, un rien dérangeant, qui en faisait l’originalité. “Berlin reste une ville à part en Allemagne, mais elle se normalise. Ce n’est plus tout à fait la ville alternative qu’elle était encore il y a une quinzaine d’années”, constate Étienne Oudot de Dainville, conseiller pour les affaires économiques auprès de l’ambassade de France.
La capitale allemande est de fait victime de son succès : en peu de temps, sous l’effet de son attractivité, et donc d’une très forte croissance démographique due notamment à l’afflux de jeunes diplômés venus d’Allemagne et du monde entier, elle s’est hissée à la première place des villes d’Europe dans le rapport “Emerging Trends in Real Estate Europe 2017” de PriceWater-House Cooper. Aussi, l’immobilier, autrefois très accessible, est en train de monter en flèche, les secteurs liés à la construction battant actuellement record sur record.
“Cela a pour conséquence d’importantes hausses de loyers, même si Berlin reste encore relativement abordable, bien loin de Paris, Londres, Zurich ou Moscou”, rassure Étienne Oudot de Dainville. Néanmoins, cette évolution commence à inquiéter les Berlinois : le prix d’un achat immobilier a augmenté de 17 % pour la seule année 2017, tandis que les loyers ont grimpé de 74 % entre 2010 et 2018. D’autant que le pouvoir de séduction de la ville n’est pas que d’ordre individuel. “Nombre d’entreprises installent leurs sièges sociaux à Berlin”, souligne le conseiller, citant également, pour expliquer le coup de boost au secteur du bâtiment, les nouveaux musées ou institutions qui fleurissent en ce moment.
Dynamisme incroyable
Le futur Humboldt Forum, par exemple, devrait ouvrir ses portes courant 2019. Nouveau musée dédié aux cultures non-européennes, il prendra place sur le site de l’ancien parlement de la RDA démoli en 2008, mais, surtout, de ce qui fut jusqu’aux bombardements alliés l’ancien château des rois de Prusse. D’où une reconstruction à l’identique, dans le style baroque de l’époque.
“Le paradoxe de Berlin, c’est que son passé lourd est toujours présent, mais il permute en quelque sorte, poursuit Étienne Oudot de Dainville. Le siège du ministère de l’Économie est désormais installé dans une ancienne école de médecine militaire. L’office des Affaires étrangères s’inscrit dans le cadre de l’ex banque centrale de la République de Weimar, puis du IIIe Reich…” Mais c’est aussi ce poids de l’histoire qui apporte un dynamisme incroyable à la ville.
“Berlin a tout en double ; les opéras, les théâtres, les musées, ceux de l’Est et ceux de l’Ouest. La vie culturelle y est extraordinaire”, présente-t-il. Pourtant, Berlin n’est pas, et de loin, la ville la plus riche d’Allemagne. En matière de revenus annuels moyens, elle ne se situe qu’en sixième position sur les seize Länder que compte la République Fédérale.
Justement, c’est peut-être cette marge de progrès qui a pour conséquence une croissance économique sensiblement au-dessus de la moyenne nationale. En 2017, l’Allemagne a enregistré une progression de 2,2 %, tandis que Berlin atteignait les 3,1 %. “Cela tient en partie à la présence du gouvernement, qui stimule les industries liées aux services, ainsi que le lobbying, comme à Bruxelles ou Washington”, conclut Étienne Oudot de Dainville, en soulignant que l’importance grandissante des sociétés high-tech, des start-up et de la communication joue également un rôle majeur dans cet envol berlinois.
Ce point de vue, Lukas Breitenbach, porte-parole de Berlin Partner, agence pour le soutien aux entreprises et aux investisseurs en matière de technologie, le partage entièrement : “L’économie berlinoise connaît actuellement un véritable boom. Elle se développe largement au-dessus de la moyenne nationale depuis plusieurs années, car c’est une ville tournée vers les solutions de demain et l’innovation, le tout s’ajoutant à une main-d’œuvre extrêmement qualifiée”, explique-t-il.
La forte concentration d’universités et la venue massive de jeunes gens diplômés du monde entier contribuent d’ailleurs à cette tendance. “Les Asiatiques et les Nord-Américains représentent 28 % des travailleurs qualifiés venus s’installer à Berlin”, poursuit Lukas Breitenbach, en précisant que “grand nombre d’entre eux occupent des emplois dans les secteurs high-tech et IT. Berlin est à la fois un symbole de liberté et d’un présent excitant, analyse le porte-parole. La ville a connu deux dictatures et un mur. Il est donc naturel qu’elle devienne, par renversement, un lieu d’ouverture et de tolérance, attirant d’autant plus alors que le monde actuel se fait chaque jour plus menaçant.”
Ces paramètres expliquent également que tous les domaines du digital sont désormais représentés à Berlin, en particulier la FinTech et le IOT, “The Internet of Things”, l’Internet appliqué au contrôle de la maison depuis un smartphone par exemple. En effet, Berlin est aujourd’hui la troisième région la plus innovante d’Allemagne après le Bade-Wurtemberg et la Bavière. Selon l’Innovation Index réalisé par l’office régional des statistiques du Bade-Wurtemberg, le Land de Berlin était, en 2016, la neuvième région européenne la plus performante en matière d’innovation.
Actuellement, près de 17 % des start-up allemandes sont implantées dans la capitale, qui compte aussi plus de 70 centres de recherche. “Avant la Deuxième Guerre mondiale, Berlin était l’une des plus grandes métropoles du monde et l’on y trouvait les plus importantes firmes allemandes comme Siemens qui y avait même créé une ville dans la ville, la Siemensstadt, où vivaient et travaillaient les employés. Puis l’industrie a dû migrer vers d’autres régions d’Allemagne, explique Lukas Breitenbach. Après la réunification, les usines qui se trouvaient à Berlin Est sont vite devenues obsolètes, mais les grands sites industriels d’autrefois sont désormais en train de se transformer en de grands campus dédiés à la recherche.”
Si l’on trouve encore aujourd’hui une industrie de pointe avec, par exemple, des ateliers de fabrication de motos BMW, de turbines Siemens ou encore d’ascenseurs Otis, ce sont les productions innovantes qui caractérisent surtout l’économie de la capitale. “Un campus dédié à l’impression en 3D est actuellement en construction avec le soutien de la Deutsche Bahn. Il permettra de résoudre de nombreux problèmes liés à l’industrie, notamment la production trop onéreuse de pièces détachées qui pourront désormais être fabriquées à moindre coût”, poursuit le porte-parole, en précisant que le projet est si récent qu’il n’a pas encore de nom. Affaire à suivre donc.
Parmi les autres grands centres de recherche berlinois, on peut également noter un site dédié à la santé et aux sciences de la vie dans le quartier de Buch, au nord de la ville, ou encore le parc technologique d’Adlersdorf qui accueille déjà plus de 1 000 entreprises, 18 000 employés et 6 700 étudiants. Mais c’est la fameuse Siemenstadt qui, en ce moment même, est en plein processus de transformation afin de devenir prochainement un “campus du futur” consacré à la fois à la production, à la recherche et à la science. Sa réhabilitation devrait coûter entre 500 à 600 millions d’euros.
Nouvelles règles d’urbanisme
Cette présence marquée de l’innovation entraîne un changement structurel important. Désormais, les deux tiers des grands groupes allemands classés au DAX (Deustsche Aktion Index) – dont Lufthansa, Mercedes et Volkswagen – ont installé, sinon leur siège social, du moins leur département digital à Berlin. En conséquence, l’accroissement, déjà sensible, de la population ne cesse de se poursuivre. Depuis bientôt cinq ans, ce sont 40 000 âmes supplémentaires qui viennent peupler chaque année la capitale allemande, soit l’équivalent d’une ville moyenne française comme Melun, Aubagne, Auxerre ou encore Bourg-en-Bresse. Ce qui oblige à repenser l’urbanisme de cette capitale huit fois plus étendue que Paris, mais deux fois moins peuplée. Le potentiel, notamment pour de nouveaux logements, reste important, Berlin possédant encore beaucoup d’espaces où construire. D’autant plus que, s’il est encore interdit de bâtir à plus de 22 mètres du sol, cette loi pourrait potentiellement être levée dans les années à venir.
Et c’est en cela qu’on voit encore que Berlin l’écolo, Berlin l’alternative, Berlin la rebelle n’a pas tout à fait disparu. C’est une ville aux nombreux poumons verts, avec des lacs, des parcs et même des forêts; et les Berlinois tiennent à leurs espaces verts, à leur nature. Des potagers fleurissent un peu partout en ville, comme le Prinzessinnengarten de Kreuzberg, tenu par une communauté dont les membres ont des airs de hippies des années 70. Au niveau institutionnel aussi, les efforts sont présents et les objectifs clairs : Berlin devrait réduire de 40 % ses émissions de CO2 d’ici 2020, et atteindre les – 85 % d’ici 2050. La dernière usine à charbon devrait fermer ses portes avant 2030, tandis que le photovoltaïque se fait de plus en plus présent. Et puis, innovation oblige, des projets d’intelligence artificielle en faveur de l’environnement pointent déjà leur nez à Berlin. Il y a donc tout un champ… d’actions et de possibles.
Belle énergie à vocation durable
Si Berlin est une ville de start-up – on en compte près de 500 nouvelles chaque année –, c’est aussi une ville tournée vers la création de technologies liées aux énergies renouvelables. En tout, la capitale et sa région, le Brandebourg, comptent 6 300 entreprises spécialisées dans ce domaine, comptabilisent au total plus de 53 000 employés pour un revenu annuel de 28 milliards d’euros. En quelques années, la région est devenue un des leaders mondiaux pour l’expansion des énergies renouvelables, ainsi que pour les systèmes d’intégration. Actuellement, neuf des dix plus grandes centrales solaires d’Allemagne se situent dans le Brandebourg, s’ajoutant à une forte concentration de fabricants de panneaux photovoltaïques, dont Aleo Solar et Astroenergy notamment. Ce qui a pour effet de stimuler la création de nouvelles jeunes pousses spécialisées dans les énergies renouvelables, proposant des produits innovants aux particuliers. La bioénergie et l’énergie éolienne constituent aussi un point fort de l’économie de la région, avec des centres de recherches de pointe tels que le Competence Centre Thin-Film and Nanotechnology for Photovoltaics Berlin ou l’Institut Leibniz pour l’Agriculture et l’Ingénierie, à Potsdam. Aujourd’hui, les énergies renouvelables couvrent environ 17 % de la consommation d’électricité en Allemagne, mais on parle de porter ce chiffre à 40 % d’ici 2020. Autant dire que la capitale allemande et ses alentours pourront encore faire de nouvelles étincelles.
Avec : voyages-d-affaires.com