Charles Ogingo, Robet Achoge et James Ogolla terminent cette année leurs études d’ingénieur à l’université de Nairobi. Avant de quitter les bancs de la fac, ils voulaient trouver une idée innovante pour monter leur entreprise. Ils ont d’abord essayé d’élaborer un système de verrouillage des téléphones portables, sans succès. Puis ils ont finalement réalisé le potentiel qu’il y aurait à trouver une solution pour rendre le transport en scooter moins cher.
Le Kenya connait une hausse impressionnante du nombre de deux-roues : de 2005 à 2011, 70 % des immatriculationsdes nouveaux véhicules concernaient des scooters ou des motos, prisés notamment des jeunes Kényans pour leur usage personnel, mais aussi pour proposer leurs services de “taxi-moto”. Or, cette frénésie a un coût : selon une étude de l’université de Nairobi, 39 % de la pollution de l’air dans le pays est causée par les pots d’échappements, particulièrement dans la capitale, qui compte plus 2,25 millions de véhicules immatriculés – pour quelque 3,2 millions d’habitants. Le terrain était donc propice pour proposer Ecotran, le premier scooter écolo du Kenya, explique Robert Ochoge, l’un des trois fondateurs de l’entreprise Pfoofy Power Ltd.
“Nous voulions montrer qu’on peut aider la société avec des solutions écologiques durables”
Robert Achoge
Mes amis et moi avions envie d’élaborer un projet innovant, utile aux gens et qui soit écologiquement durable. Nous avons regardé autour de nous et nous avons fait trois constats : de plus en plus de gens se déplacent à moto, l’essence leur coûte cher et ils polluent. Nous nous sommes dit que le scooter électrique serait une bonne alternative.
Mais inutile de compter sur le réseau local : tout le monde n’a pas accès à l’électricité et ceux qui l’ont connaissent des coupures fréquentes.
Avec nos économies, nous avons donc acheté quelques panneaux solaires et fait importer de Chine des batteries de scooter électrique. Après quelques essais, nous avons réussi notre pari : les batteries se chargeaient avec l’électricité produite par les panneaux solaire, qui captent la chaleur.
Nous avons ensuite fait un test concluant sur trois scooters. Nous les avons recharchés grâce à une station que nous avons bricolée en plaçant des panneaux solaires sur un toit.
La première station bricolée par les trois étudiants. Photo : Pfoofy Power Ltd.
Cela nous a incités à candidater à un concours organisé par le United States African Development Fund. Nous avons obtenu 100 000 dollars (90 500 euros), de quoi lancer notre entreprise, Pfoofy Power Ltd. En tout, nous avons acheté quarante scooters électriques chinois, de deux sortes : le premier est conçu surtout pour du transport de marchandises, l’autre plutôt pour le transport de passagers. Nous construisons actuellement deux stations de recharge. Celles-ci sont équipées de panneaux solaires produisant chacune 10 kilowatts d’énergie par jour et sont en mesure de recharger un parc d’une quarantaine de deux-roues.
Un des scooters achetés par Pfoofy, équipé de batterie électriques, destiné au transport de passagers et au service de mototaxi. Photo : Pfoofy Power Ltd.
Nous avons ensuite décidé de créer une vraie entreprise de mototaxi : trois chauffeurs ont été recrutés à plein temps, onze à temps partiel. Nous les formons à la sécurité routière et à la relation client, leur donnons un uniforme. Ensuite, ils se payeront eux-mêmes avec les courses qu’ils effectueront. Pour eux, le système est rentable. Beaucoup de chauffeurs ne sont pas propriétaires de leur véhicule. À la journée, la location coûte 1 000 shillings (environ 8,50 euros) et l’essence peut leur revenir à 800 shillings (environ 6,80 euros). Avec notre système, cela lui coûte facilement deux fois moins : nous leur louons 500 shillings et 250 shillings (environ 4,30 euros et 2,15 euros) pour la batterie, que nous remplaçons quand elle est vide. Du coup, ils rentrent plus vite dans leurs frais et gagnent mieux leur vie.
Au Kenya, l’écologie est un sujet encore relativement neuf. En 2008, le programme “Kenya vision 2030” a été lancé dans le but d’accélérer le développement et l’industrialisation du pays, tout en respectant l’environnement. Divisés en plans quinquennaux, ses premiers objectifs visent notamment les forêts (reforestation, meilleur protection des forêts existantes), le développement d’une agriculture plus durable, l’assainissement de systèmes d’égouts urbains et la mise en place d’un marché du carbone dans le cadre du Protocole de Kyoto.
On ne peut pas dire que tout le monde au Kenya se sente concerné par l’écologie et le changement climatique : les populations les plus aisées commencent à prendre conscience de la nécessité de changer nos comportements. Mais ceux qui n’ont pas assez pour vivre pensent d’abord à leur pouvoir d’achat. C’est justement par des solutions pratiques comme la notre qu’on peut contribuer à les convaincre.
Du coup, on ne compte pas s’arrêter là : on lance d’ici fin 2016 notre business de scooters en location mais on travaille sur la suite. Nous planchons sur un concept de voiture électrique que nous comptons construire nous-mêmes. Si notre entreprise fait des bénéfices, nous veillerons à utiliser des éléments dont la construction a été la plus respectueuse possible de l’environnement.
avec france24