Il est l’une des toutes premières fortunes de son pays, la Côte d’Ivoire. Il serait pourtant venu aux affaires par hasard. Belle fortune !
Dossongui Koné est-il le plus riche des Ivoiriens ? La réponse ne viendra jamais de lui. Il se contente, énigmatique, de répondre quand la question lui est posée par un journaliste un peu trop curieux à son goût, « je me contente de faire mon travail… »
La question ne manque pas de pertinence. A 58 ans, natif de Gbon, au nord de la Côte d’Ivoire, Koné multiplie les bonnes affaires. Banque, télécommunications, assurances. Des secteurs parmi les plus juteux en Afrique.
Dossongui Koné, c’est d’abord la banque Atlantique. Présente dans sept des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, UEMOA (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo). Il en est le PDG.
C’est aussi la téléphonie. Moov pour le mobile, implanté dans sept pays, et Data transmission dans onze pays.
Koné est également dans l’assurance, avec quatre compagnies. Il n’a pas pour autant oublié ses premières amours, puisqu’il a débuté les affaires dans l’agro-industrie. Le groupe Atlantique posséderait encore 70 boulangeries, trois usines d’extraction d’huiles essentielles d’agrumes et une usine de noix d’acajou à Korhogo.
La Française CIC, Crédit industriel et commercial, décide de quitter la Côte d’Ivoire. Koné fait partie des heureux à qui il est proposé de participer au tour de table.
Partenariat
Est-ce par prudence ? La caractéristique dans les affaires pour Koné est qu’il n’est jamais seul. Toujours adossé à de grands groupes à l’international : « Nous nous associons toujours à un partenaire, et cela nous permet, entre autres, de faire bénéficier nos responsables, et tout le personnel, d’assistance et de formation à la pointe », répond-t-il.
Ainsi pour la banque, est-il associé au réseau des Banques populaires de France. Pour les assurances, à Maghrebia, le 3e assureur de Tunisie, et pour les télécoms, à Etisalat, le principal opérateur de télécommunication du Golfe, et au cabinet français BYH.
Il possède lui-même une fondation qui construit des écoles, des dispensaires, des forages, des églises, des mosquées, etc. « De manière générale, nous venons en aide aux couches défavorisées de la société chaque fois que nous sommes sollicités », soutient-il.
Prête-nom
Une telle fortune, pour quelqu’un qui n’a pas hérité, suscite toujours les mêmes interrogations en Afrique. Qui se cache derrière lui ? Ne serait-il pas qu’un prête-nom ? « Personne ne se cache derrière nous. Je puis vous affirmer que nous n’avons aucun sponsor, ni politique, ni financier. Nous n’avons aucun homme politique de la scène nationale, encore moins internationale, qui soit actionnaire, ni en Côte d’Ivoire, ni dans aucun autre pays. Si le groupe Atlantique a une activité et des résultats qui valent une admiration, le mérite ne revient qu’aux responsables et à l’ensemble du personnel. Dans le cas contraire, je serai seul à devoir m’expliquer ».
S’il n’y a aucune personnalité derrière, n’a-t-il pas pour autant bénéficié des largesses de l’Etat providence africain ? Il faut lui reconnaître qu’il n’a pas attendu d’être ministre en 1999 pour se lancer dans les affaires. Il possédait déjà Palmindustrie.
Il assure même que la courte parenthèse gouvernementale, un an et demi, a affecté négativement ses affaires, et qu’il est parti avec soulagement du gouvernement.
Pourtant, il est resté dans le monde politique puisqu’il est député et membre du parlement de l’UEMOA, dont il préside la Commission des affaires économiques et financières depuis 1998.
Dossongui Koné ne fait pas mystère du début de ses affaires. « Je suis un paysan. Je suis un agriculteur arrivé aux affaires par un pur hasard. J’ai eu à assumer de hautes fonctions publiques. Quand j’ai quitté ces fonctions à la fin de la trentaine, j’ai alors opté résolument pour les affaires. »
Prêt SFI
« En 1989, grâce à un ami de la Banque mondiale, Serge Guetta, nous avons bénéficié d’un prêt de la SFI (Société financière internationale) de 1,4 milliard de francs CFA pour créer des plantations et trois usines d’extraction d’huile à essence d’agrumes (bergamote, bigarade et citrons) ». A le croire, grâce à ce prêt, il est devenu, avec vingt tonnes, le premier producteur mondial hors coopératives d’essence de bergamote. L’appétit venant en mangeant, il se développe dans l’agro-industrie. « Parallèlement, je suis entré dans le domaine de la boulangerie en montant une boulangerie. Puis, au bout d’un an, nous avons repris un parc de 4, grâce à un crédit bancaire en 1990. Ce parc s’est très rapidement développé pour atteindre 70 boulangeries actuellement gérées par des jeunes sous forme d’unités franchisées ».
Nouvelle chance. La banque. La Française CIC, Crédit industriel et commercial, décide de quitter la Côte d’Ivoire. Koné fait partie des heureux à qui il est proposé de participer au tour de table. « En groupe, nous avons repris chacun 1%. Les autres n’ont pas été patients. Nous qui sommes restés avons, en dix-neuf ans, réussi grâce aux efforts de tous, à créer le groupe bancaire Banque Atlantique ». Avec le succès que l’on sait. Le groupe revendique la première place en Côte d’Ivoire et ambitionne d’intégrer le top tendes banques de la région. Grand challenge.
Il assure même que la courte parenthèse gouvernementale, un an et demi, a affecté négativement ses affaires, et qu’il est parti avec soulagement du gouvernement.
Jeunesse
Autre trait commun à toutes ses entreprises, la jeunesse des employés. « La moyenne d’âge des directeurs généraux tourne autour de 35 ans… et le nombre de diplômés HEC, ESCP, ESSEC, ESCA, Warton, Stanford et d’agrégés d’université peut effectivement impressionner ! », se glorifie-t-il.
Dans le dur milieu des affaires, la vie n’est jamais un long fleuve tranquille. Koné a connu, et est encore confronté, à quelques soucis. L’une de ses premières affaires, Centradis, spécialisée dans la distribution, n’a pas été une grande réussite. Elle lui aurait valu quelques contentieux avec le fisc ivoirien.
Plus préoccupant, l’affaire Telecel Faso au Burkina. Depuis 2005, les deux principaux actionnaires, Atlantique Télécom
et Planor Afrique, se battent pour son contrôle. Bataille judiciaire à multiples rebondissements dont la dernière serait favorable au groupe de Koné. En attendant, depuis le départ de l’ancien directeur général Ahmed Mamadou Cissé pour MOOV Côte d’Ivoire, en 2005, la société a été mise sous administration judiciaire.
Autre contentieux, avec Séverin Adjovi, un homme politique béninois reconverti dans les affaires. Il était associé à hauteur de 49% dans Telecel Bénin, devenu Moov. Il réclamerait 114 milliards de FCFA au patron du groupe Atlantique.
Sérénité
Dossongui Koné n’en est pas moins serein. Apparemment sûr de son fait, il dit s’en remettre à la justice et ne penser qu’à l’avenir de son groupe. Pour ses enfants ? « Non, non. Les enfants prendront le chemin qu’ils se choisiront eux-mêmes. C’est une entreprise qui est animée par du personnel de grande qualité professionnelle et morale. L’objectif, c’est que ces cadres qui sont aux affaires parviennent, chacun par rapport à sa position, à assurer de plus importantes responsabilités. Mes enfants, comme tous les jeunes d’Afrique et d’ailleurs, peuvent travailler au sein du groupe ou en dehors, suivant leurs aptitudes. »
avec lesafriques