La ville d’Abidjan a inauguré, le 16 décembre 2014, son troisième pont traversant la lagune Ebrié, baptisé Pont Henri Konan Bédié, une infrastructure qui représente le nouveau visage d’une Côte d’Ivoire qui se (re)construit, depuis l’accession au pouvoir du président Alassane Ouattara en avril 2011. La construction et/ou le renforcement d’infrastructures socio-économiques telles que des ponts et des voies routières donnent au pays un nouveau visage et lui ouvrent le chemin de l’émergence d’ici à l’horizon 2020 qu’ambitionne le chef de l’Etat. Focus.
“La route précède le développement”. Célèbre dicton que ne cessait de répéter le père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny, premier président de la République de Côte d’Ivoire (1960-1993). Une vingtaine d’années après sa disparition, son unique Premier ministre, Dr Alassane Ouattara, devenu chef de l’Etat, embouche la même trompette.
Premier pas vers une vision
Si Houphouët-Boigny a doté la Côte d’Ivoire d’un réseau routier des plus denses en Afrique subsaharienne, Alassane Ouattara qui a hérité d’un pays durement fragilisé par une décennie de crise militaro-politique, ayant conduit à la dégradation ou à la destruction des principales infrastructures socio-économiques, a défini, dès le début de son mandat, ses priorités, à savoir réhabiliter l’existant et l’enrichir de nouveaux ouvrages.
Premier pas dans ce nouvel élan, le pont Henri Konan Bédié, dont les travaux, lancés le 7 septembre 2011, viennent de prendre fin. D’un coût total de 152 milliards de FCFA, ce pont, long de 1,5 kilomètre, relie la commune de Cocody (Abidjan-Est), à partir du carrefour Thérèse Houphouët-Boigny (Riviera Golf), à celle de Marcory (Abidjan-sud).
Il est assorti de deux échangeurs, l’un de forme circulaire, au carrefour de la Riviera II, et l’autre, de type ultramoderne à trois niveaux, sur le boulevard Valéry Giscard d’Estaing, à Marcory.
La construction du pont HKB constitue de “bons signaux qui montrent que la Côte d’Ivoire est désormais relancée et qu’elle a retrouvé une activité pleine et entière”, commentait Martin Bouygues, PDG du groupe français Bouygues, qui a financé la construction de cette infrastructure à péage et qui en assurera l’exploitation durant 30 ans avant qu’elle ne soit reversée dans le patrimoine public de l’Etat.
Au-delà de son rôle de résorber les embouteillages et autres bouchons constatés depuis quelques moments au niveau de ses aînés, les ponts Félix Houphouët-Boigny et Charles De Gaulle, en facilitant et raccourcissant le trajet entre le sud et le nord d’Abidjan, le troisième pont d’Abidjan constitue la face visible d’un ensemble d’ouvrages similaires qui se succèdent les uns après les autres à travers le pays.
Les ponts, au-delà d’Abidjan
Lorsque Alassane Ouattara lançait les travaux de construction d’un nouveau pont à deux voies à Bouaflé sur le fleuve Bandama, en remplacement du vieux, à une seule voie, construit depuis 1957, plusieurs habitants de cette ville du Centre-ouest de la Côte d’Ivoire étaient encore dubitatifs. Tant ils avaient attendu en vain cet ouvrage depuis des décennies. Mais depuis octobre 2014, ce pont, long de 123 mètres, qui a coûté six milliards de FCFA, est sorti de terre, et a été inauguré en janvier 2015.
“Je ne sais pas ce que je vais dire. Je vois bien le nouveau pont, mais je ne crois pas que c’est vrai”, exulte Doumbia Mory, chauffeur de car sur la ligne Daloa Abidjan, pour qui le passage sur l’ancien pont de Bouaflé relevait d’un véritable calvaire.
En effet, l’ancien pont ne permet pas le passage de deux engins en même temps. Trait d’union facilitant les transactions entre le Centre et l’Ouest, le nouveau pont, devenu depuis quelques mois la grande attraction des curiosités dans la capitale régionale de la Marahoué, constitue ainsi un levier essentiel pour l’essor économique de ces régions.
Au Sud du pays, le pont de Jacqueville a été inauguré en mars 2015. Bâti sur la lagune Ebrié, ce pont 608 mètres, d’un coût de 18 milliards de FCFA, va désenclaver ce département longtemps resté isolé de la partie continentale du pays. La traversée de la lagune par les bacs pour atteindre cette zone, sera bientôt un souvenir pour ses populations.
Pour le maire cette cité balnéaire, Joachim Beugré, le pont vient réparer une “grosse injustice” qu’est l’enclavement de sa commune. Désormais, “on pourra aller et venir à Jacqueville sans crainte de retard ou de panne du bac”, affirme M. Beugré qui se dit convaincu que cette infrastructure va “favoriser la relance économique de la région en facilitant la tâche aux opérateurs économiques”.
A l’Est, le pont de Bassawa sur le fleuve Comoé, dont les travaux ont été lancés en septembre 2013, se sont achevé depuis mars 2015. Long de 123 mètres, pour un coût de six milliards de FCFA, ce pont qui va relier les départements de Bondoukou (Nord-est, Région du Gontougo) et Prikro (Centre-est, région de l’Iffou), sera la boucle de la future “ceinture du centre”, une voie internationale en projet qui traversera la Côte d’Ivoire de l’Est à l’Ouest, en passant par le Centre, où un autre pont de 304 mètres de long et 10 mètres de large, est à cet effet en construction à Béoumi.
“Le pont de Béoumi sonne la renaissance de notre cité, après toutes ces années d’enclavement. Le désenclavement du département a sonné et rien au monde ne peut empêcher cela”, affirme le chef du canton de Béoumi, Ago Koffi Barthélémy, qui voit en ce pont dont les travaux avancent très bien, un facteur qui va “freiner l’exode” des jeunes de la région vers d’autres contrées. A cela, il faut ajouter la réfection du pont de Noé, à l’extrême Sud-est, à la frontière avec le Ghana.
Mais à côté de ces grands ouvrages, plusieurs petits ponts sortent de terre, en zones rurales, pour faciliter l’écoulement des produits agricoles et les déplacements des populations entre les localités. Dernier en date, un pont reliant les villages de Kombolokoura et de Litiengolo, dans la sous-préfecture de Kombolokoura (département de Korhogo), d’un coût de 48,44 millions de FCFA, a été inauguré, le 10 décembre 2014, par le président du Conseil régional du Poro, Coulibaly Tiémoko Yadé. A l’instar du gouvernement, ces collectivités décentralisées font également de la réhabilitation des routes et des pistes, une priorité.
Un boom de chantiers routiers
Depuis ces quatre dernières années, l’on assiste à une succession d’ouvertures de chantiers de construction de routes à travers le pays. Pour la seule année 2012, quelque 52 milliards de FCFA ont été investis pour l’entretien et la réhabilitation de 20.000 kilomètres de route, représentant environ le tiers du réseau routier ivoirien.
Parallèlement au prolongement de l’autoroute du Nord jusqu’à Yamoussoukro, longue désormais de 230 kilomètres et inaugurée le 11 décembre 2013, et la route 2×2 voies de 4,5 kilomètres entre Abobo et Anyama (8,1 milliards), plusieurs ouvrages d’envergure comme l’autoroute Abidjan-Grand Bassam, deux fois trois voies, d’un coût de 71 milliards de FCFA, sont bien avancés.
D’autres projets de réhabilitation ou de construction de voies sont également en cours : bitumage des routes Bouna-Doropo (91 km, 33,5 milliards), Boundiali-Tengrela-Frontière du Mali (124 km, 34,8 milliards), réhabilitation des axes Vavoua –Séguéla (189 km, 8 milliards), Aboisso-Noé (60,9 km, 22 milliards), Odienné-Boundiali (117 Km, 18 milliards), Agnibilékro-Abengourou-fleuve Comoé (130 km, 33,3 milliards), Abengourou-Adzopé (80 km, 22,6 milliards), Ferkessédougou-Ouangolodougou (46 km, 19,942 milliards).
Il faut aussi tenir compte des travaux de renforcement et d’élargissement du boulevard lagunaire, à Abidjan (12,865 km, 8,4 milliards), lancés le 27 septembre 2014, pour un délai d’exécution de 10 mois, ainsi que le redressement du boulevard de France à Cocody (4,6 km, 7,4 milliards) en cours depuis le 27 septembre 2014 et devra être livré également dans 10 mois. Autant que travaux qui mettent toute la Côte d’Ivoire en chantier. Toutefois, quelques notes d’insatisfaction dues à la qualité reprochable de certains ouvrages déjà livrés sont çà et là relevées par des usagers.
Des imperfections, mais surtout beaucoup d’attentes
C’est le cas de la côtière dont la réfection des points critiques qui a pris fin en mars 2014, en attendant sa réhabilitation complète par la pose d’une nouvelle couche de bitume, avait donné beaucoup d’espoir aux usagers. Mais, dès les premières pluies, en juin, cet axe stratégique, reliant les deux villes portuaires de Côte d’Ivoire, a été fortement endommagé.
Le bitume s’étant détaché du sol par endroits sous l’effet des eaux de ruissellement, l’on assiste à la création d’énormes bourbiers entre Fresco et Sassandra, barrant le passage aux véhicules.
“Il faut refaire la côtière avant la prochaine saison des pluies, sinon ce sera catastrophique”, implore Beugré M., un habitant de Fresco.
Du côté de l’autoroute du nord, des usagers qui ne cachent pourtant pas leur soulagement avec l’avènement de cet ouvrage, se plaignent régulièrement du nivellement de la chaussée. Selon eux, cette route contient plusieurs rebonds qui déstabilisent souvent des engins légers. Des imperfections qu’il faut corriger !
En dépit de ces efforts colossaux, les attentes restent encore grandes pour les populations qui en demandent encore plus. A Téhini, dans le Bounkani, on rêve de se voir connecter directement à Bouna, la capitale régionale, par le bitumage de l’axe reliant les deux localités, quand Tiapoum, dans le Sud-est, l’on exprime ses vœux de voir le bitumage des 22 kilomètres reliant cette ville à l’axe Aboisso-Noé. Minignan (Nord-Ouest), ville frontalière avec le Mali et capitale régionale du Folon, et les localités voisines de Samatiguila et Tienko, dans le Kabadougou, souhaitent ne plus être coupées du reste du pays à chaque saison de pluie.
En effet, ces localités espèrent voir construit un nouveau pont sur le marigot situé sur l’axe Minignan-Odienné, un premier pont sur ce cours d’eau ayant cédé, l’an dernier, sous la pression des eaux de pluie. Idem pour les axes Taï-Guiglo et Tiassalé-Divo-Lakota-Gagnoa qui ont besoin d’un “traitement particulier”. Autant de préoccupations et attentes qui retiennent d’ailleurs l’attention du gouvernement.
Signe de cette observation, la réhabilitation du tronçon Gagnoa-Lakota-Divo qui est pratiquement achevé. Parce qu’aujourd’hui, “tout le monde est conscient que l’infrastructure est un facteur clé qui va désormais favoriser la croissance”, dixit le ministre des Infrastructures économiques, Patrick Achi, véritable maître d’ouvrage de tous ces chantiers réalisés et en cours de réalisation. Mais aussi de ceux en projets, puisque les autorités ivoiriennes voient encore grand et projettent, dans un futur proche, plusieurs autres infrastructures routières, les unes aussi ambitieuses que les autres.
En vue, des projets encore plus ambitieux
A moyen et long termes, le gouvernement prévoit notamment le bitumage des routes Tiébissou-Sakassou, Kani-Boundiali, Boundiali-Odienné, Ferkesédougou-Nassian-Bouna, Bloléquin-Toulépleu, Danané-Frontière Guinée, ainsi que le renforcement du tronçon Agnibilékro-Frontière Ghana. On pense déjà au quatrième pont d’Abidjan qui sera construit entre Yopougon et l’île Bouley, où un projet d’extension du port d’Abidjan est prévu. Le financement de ce pont, 22 milliards de FCFA, a déjà été bouclé entre la Côte d’Ivoire et les partenaires au développement que sont la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC).
Le 5ème pont, devant relier les communes de Yopougon et d’Adjamé, passant par le quartier Boribana, à Attécoubé, est également en projet. Des études d’impact ont été récemment effectuées dans le cadre de ce projet qui vise à désengorger l’autoroute du nord, entre les communes de Yopougon et d’Adjamé. Pour trouver une réponse à l’épineuse question de l’inondation en saison pluvieuse au carrefour de l’Indénié, deux ponts sont prévus entre Cocody et ses communes voisines du Plateau et d’Adjamé. A ces futurs chantiers, il faut ajouter un autre échangeur sur le boulevard Giscard D’Estaing au niveau du carrefour Solibra.
A l’intérieur du pays, l’on prévoit, entre autres, les ponts de Bettié, de Kouibly et de Kani. Le 1er mars 2014, un mémorandum d’intention a été conclu à Abidjan entre l’Etat de Côte d’Ivoire, le Groupe Attijariwafabank et la Société nationale des autoroutes du Maroc, relatif au programme de construction de plus de 1.500 kilomètres de route qui comprend le prolongement de l’autoroute du Nord et la construction des autoroutes du Sud, de l’Est et celle de l’Ouest.
“Vous êtes dans une trajectoire très significative ; il y a une volonté très forte pour développer les programmes et projets”, a déclaré à cette occasion le ministre marocain de l’Equipement et du Transport, Aziz Rabbah.
Des propos qui ne font que conforter l’opposant Gbaï Tagro, lorsque ce dernier affirme : “le Président Alassane (Ouattara) a goudronné toutes les rues et ruelles de Cocody. Moi, en tant qu’opposant, je me dois de reconnaître qu’il a fait du bon travail et le féliciter pour cela”. Des voies qui pour la plupart convergent vers le pont Henri Konan Bédié, symbole matériel d’un chant qui précède l’émergence économique.
Avec LaDiplomatiquedAbidjan