Après sa percée remarquable dans la dernière édition du Doing Business, le Togo se lance de nouveaux défis. Actuellement 137e dans ce classement, le pays qui repose 65% de son plan de développement, le PND (2019-2022) sur le secteur privé, met le turbo pour conquérir les investisseurs étrangers.
Pour rééditer l’exploit de l’année dernière où il avait réussi à gagner 19 places dans le classement, une des meilleures performances dans le monde, Lomé s’est levé tôt : un vaste (nouveau) chantier de réformes a été lancé au lendemain de la publication du rapport de la Banque mondiale. Nouvel objectif : s’offrir une place à deux chiffres.
Conduites par la Cellule Climat des affaires, un organe dont les actions sont contrôlées directement par le Président Faure Gnassingbé, les réformes entreprises cette année qui touchent 6 indicateurs du DB, sont-elles à la mesure de ces ambitions ? Tour d’horizon.
Création d’entreprises
Le Togo compte parmi ces pays où le nombre d’entreprises créées annuellement a progressé sensiblement sur la dernière décennie. De 4581 en 2010, le nombre d’établissements formalisés est passé à 10 545 entités l’an dernier. Rapporté à l’année précédente où 8199 entreprises ont vu le jour, il s’agit d’une hausse de 27%, tirée par la série de réformes engagées dès 2018. Délai réduit à 24 heures, simplification des procédures, incitations fiscales, « les mesures en vue de faciliter la formalisation d’une entreprise naissante ont porté leurs fruits », confiait à l’Agence Ecofin, Sandra Johnson, Ministre-Conseillère de Faure Gnassingbé, mandatée pour coordonner la Cellule climat des affaires (CCA).
Alors que le pays avait déjà réduit à 24 heures en 2018 le délai nécessaire à la création d’une entreprise, des diligences supplémentaires ont été effectuées au Centre des formalités des entreprises (CFE) pour passer ce délai à 7 heures. Désormais, l’opérateur économique qui dépose son dossier dans la matinée, retire sa carte de création d’entreprise dans la soirée à partir de 14h30, ont confié les services de l’institution.
Par ailleurs, les mesures instaurant le Seing privé, qui ont porté le nombre de SARL créées sans recours à un notaire à 2200, soit 85% des entités de ce type formalisées, ont été reconduites cette année.
Transfert de propriété
En 2018, le nombre d’opérations de transferts de propriété effectués à plus que doublé, passant de 130 à 272. Résultat des réformes visant à simplifier les procédures et réduire les coûts d’une mutation totale.
Dans la continuité des efforts qui ont permis de faire descendre les délais sous les 10 jours, depuis décembre 2018, les formalités de mutation foncière (les phases d’étude de dossier, de liquidation et de paiement des droits d’enregistrement et de conservation en matière foncière, en matière de transfert de propriété (mutation totale)), sont regroupées.
Dans le même temps, les autorités ont procédé à un allègement fiscal de la procédure. Ainsi, il a été adopté un paiement forfaitaire sur les opérations de transfert de propriété (d’une valeur de 35 000 FCFA), contre 4% de la valeur vénale auparavant, cumulant les frais d’enregistrement des mutations et frais de la conservation foncière.
La réforme, a ainsi permis de doubler le nombre de mutations. Passant d’une moyenne de 35 dossiers enregistrés en janvier 2018, à 70 pour la même période en 2019. Dans la foulée, le délai moyen des procédures de transfert de propriété au niveau de l’Office togolais des recettes (OTR) serait descendu, à fin février, à 7 jours, revendique la conservation foncière.
Toujours dans la quête de faire payer moins de frais aux opérateurs économiques en amont et en aval, le gouvernement togolais a obtenu des notaires une légère réduction de leurs émoluments qui sont désormais forfaitaires.
Raccordement à l’électricité
Au nombre des mesures incitatives prises cette année, il est important de signaler une nouvelle réduction des frais de raccordement à l’électricité Moyenne Tension (MT). Déjà réduits de 30% en 2018, ils sont désormais rabaissés de 50%. A l’instar de l’année dernière, les opérateurs économiques auront également la possibilité de payer lesdits frais sur un échéancier pouvant aller jusqu’à 6 mois. L’objectif de Lomé est clair : inciter l’installation d’entreprises naissantes.
Paiement des impôts
Inciter l’installation des entreprises naissantes passe surtout par un dispositif fiscal attractif. Les autorités ont pris la mesure des défis : Une dizaine de taxes ont été supprimées dans le nouveau code des impôts en vigueur depuis le 1er janvier 2019 afin de « desserrer l’étau sur les PME/PMI ».
Bien que des voix s’élèvent pour fustiger certains dispositifs notamment liés à l’IMF (impôt minimum forfaitaire), l’OTR, l’institution chargée de la mobilisation des recettes fiscales et douanières, a confirmé en début d’année des exonérations en faveur des PME qui souhaiteraient effectuer des investissements de plus de 10 millions FCFA.
En outre, à l’OTR, la télé-déclaration et le télépaiement ont été élargis aux PME dont le chiffre d’affaires est compris entre 300 millions FCFA et 1 milliard. Plusieurs banques dont l’UTB et Ecobank, et bientôt la BTCI, ont rejoint l’initiative. Au moins 1700 entreprises bénéficient déjà de la réforme de la télé-déclaration à la CNSS.
Exécution des contrats
Si le règlement des litiges commerciaux par des institutions spécialisées était encore un terrain à conquérir au Togo, c’est désormais chose faite. Les chambres commerciales ont été mises en place. Une plateforme en ligne dédiée aux litiges commerciaux donne désormais la possibilité aux avocats de faire la saisine et de payer en ligne les frais d’enrôlement de leurs dossiers ainsi que de les suivre en temps réels. Le RCCM (registre du commerce et du crédit mobilier) est désormais disponible en ligne avec une base de données de plus de 96 600 dossiers.
Par ailleurs, au terme d’un récent Conseil des ministres, deux tribunaux spécialisés (à Lomé et à Kara) ont été créés pour connaître des affaires commerciales.
Le permis de construire
En renfort à cette série de réformes, les conditions d’obtention du permis de construire ont été mises en ligne et sont désormais libres d’accès ; le cadre réglementaire des dispositions portant sur les contrôles techniques, renforcé. Ainsi, le gouvernement a rendu possibles les contrôles de qualité et des inspections au cours de la construction. Ceci dans une logique de prévention des risques, indique-t-on à Lomé.
Seul indicateur clé qui manque à l’appel, l’accès au crédit. Le Togo ainsi que quelques-uns de ses voisins de l’Uemoa font partie des pays d’Afrique où tout reste à faire en matière d’accès au financement des PME. Le Bureau d’information sur le crédit (BIC) lancé depuis quelques années par les Etats de l’Uemoa, qui est encore à l’étape embryonnaire, peine à contribuer à l’amélioration de cet important indicateur de l’économie.