De 2007 à 2016, le Fonds International de Développement Agricole s’est penché sur l’évolution des transferts d’argent des expatriés vers leurs pays d’origine. Le rapport émanant de cette étude indique qu’en 2016, plus de 60 milliards de dollars ont ainsi transité vers le continent africain.
En 10 ans, le nombre de personnes résidant en-dehors de leur pays a augmenté de 28%. Dans le même temps, les montants des transferts de fonds de ces expatriés vers leur pays d’origine ont bondi de 51% − passant de 296 milliards de dollars en 2007 à 445 milliards en 2016 −, soit une hausse moyenne annuelle de 4,2%. Parmi ces 445 milliards de dollars, 13% ont été envoyés à destination de l’Afrique. Voilà quelques-unes des tendances qui ressortent du rapport publié par le Fonds International de Développement Agricole (Fida) le 14 juin.
L’Afrique a reçu 60,5 milliards de dollars en 2016 de la part de la part de ses ressortissants établis à l’étranger, contre 44,3 milliards en 2007, soit une hausse de 36%, selon le Fida. Un chiffre qui varie un peu de celui de la BAD qui estime, elle, que le total de l’argent envoyé vers l’Afrique s’lève à un peu plus de 65 milliards en 2016. Si cette évolution peut paraître importante, elle reste néanmoins faible en comparaison de la zone Asie-Pacifique où ces sommes ont grimpé de 87% sur la même période.
Le continent est troisième en terme de montant reçu, derrière l’Asie-Pacifique donc, mais aussi l’Amérique latine. En revanche, il y a en Afrique pas loin de deux fois plus de bénéficiaires de ces transferts — pour des montants unitaires plus petits — qu’en Amérique latine. Les régions du continent recevant le plus d’argent sontl’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest.
Cinq pays captent 80% de l’argent envoyé
Cinq pays africains captent 80% du total des transferts. En tête, sans surprise, le Nigeria et ses 180 millions d’habitants ont reçu 19 milliards de dollars en 2016, suivi de l’Égypte avec 16,6 milliards et du Maroc avec 7 milliards. Le Ghana et l’Algérie ferment ce peloton de tête avec 2 milliards de dollars chacun reçus en 2016.
Plus de la moitié de l’argent perçu sur le continent par les familles de migrants est destinée à la satisfaction des besoins primaires tels que l’alimentation, le logement ou l’habillement, d’après le Fida.
Avec les réseaux sociaux, les membres de la diaspora saisissent plus vite les nécessités de leurs proches restés au pays
« L’utilisation croissante des réseaux sociaux fait que les familles communiquent beaucoup plus entre elles, parfois quotidiennement. À l’étranger, les membres de la famille saisissent donc plus rapidement les nécessités de leurs proches restés au pays et sont bien plus conscient des réalités qu’auparavant. Ils envoient du coup plus d’argent. Par ailleurs, les frais d’envoi ont globalement diminué, ce qui permet d’envoyer plus pour le même prix », analyse Pedro de Vasconcelos, auteur du rapport.
Envoyer de l’argent… coûte de l’argent !
Globalement, en Afrique, comme sur le reste du globe, les frais d’envoi ont diminué au cours de ces dernières années. En 2008, ils représentaient 9,81% de la somme totale envoyée, en 2016 ce pourcentage tombe à 7,45%. Western Union et les postes des pays européens sont les deux biais les plus utilisés pour envoyer de l’argent en Afrique.
Bien qu’en baisse, les frais d’envoi restent plus importants en Afrique que dans le reste du monde puisqu’ils s’élèvent en moyenne à 10% de la somme envoyée. En Afrique australe, ce chiffre explose même et atteint 14,6%, le double de la moyenne mondiale.
Il n’existe pas de marché global intégré, alors certains compagnies en profitent
Si ces frais d’envoi sont si conséquents, c’est en grande partie dû à l’état des marchés et des infrastructures financières. « Il n’existe pas de marché global intégré, confie Pedro de Vasconcelos, mais des corridors. C’est le cas, à titre d’exemple, de Paris-Dakar ou de Londres-Abuja. Il est plus facile d’avoir le monopole dans ces corridors que dans un marché global, s’il en existait un. Alors certaines compagnies en profitent ».
Une goutte d’eau ?
À l’échelle mondiale, l’ensemble des ressortissants à l’étranger cumulent annuellement des rémunérations de 3 000 milliards de dollars : 15% sont envoyés en direction de leur pays d’origine, le reste allant dans le pays de résidence. Ces fonds qui « sortent » des pays d’accueil équivalent à 0,7% du PIB des pays occidentaux.
Une proportion qui détonne fortement avec ce que ces mêmes montants représentent pour les pays bénéficiaires. Pour 71 pays dans le monde, l’argent reçu constitue plus de 3% de leur PIB. En Afrique, 19 pays sont concernés. Pour six d’entre eux, ces transferts de fonds représentent plus de 10% de leur PIB. Pour le Liberia, ces rentrées d’argent représentent 31% de son PIB. C’est 22% pour la Gambie ; 20% pour les Comores ; 18% pour Lesotho et 14% pour le Sénégal.
Ce n’est pas une choix, c’est une nécessité
« Pour les pays du Nord c’est une aubaine, ils ont besoin de cette main d’oeuvre. Leur population est vieillissante, il leur faut des travailleurs. Par ailleurs, ils ne veulent pas réaliser les travaux effectués par les migrants. 0,7% de leur PIB c’est une goutte d’eau. En revanche pour les pays bénéficiaires ce sont des transferts extrêmement importants. Le cas de la Somalie est significatif : la reconstruction du pays est passée presque uniquement par les envois de fonds de la diaspora somalienne à l’étranger ! », confie Pedro de Vasconcelos.
Avec jeuneafrique