Se mettre à son compte en faisant profiter les autres de son expertise est une idée séduisante. Les places sont donc chères !
Comme elle, nombre de cadres, la quarantaine passée, pensent à s’installer comme consultants, par envie d’indépendance, à cause du chômage… «Mais attention, ce n’est pas un eldorado, avertit Elizabeth Vinay, consultante à l’Agence pour la création d’entreprises (APCE). Ce métier fait rêver mais on en cerne parfois mal la réalité.» Et Yves Perez, directeur de l’Institut pour le développement du conseil et de l’entreprise (IDCE), d’enfoncer le clou : «Les premiers contrats peuvent ne se conclure qu’au bout de six mois et il faut environ un an pour commencer à vivre du conseil.» Avec près de 50 000 sociétés en activité, sortir du lot n’est pas facile. Pour s’imposer, il faut respecter quelques règles d’or.
Déterminez votre expertise
L’une des clés du succès est de soigner son positionnement. «Pour vous différencier, ciblez une niche d’activité dans laquelle vous serez incontournable», recommande
Patrice Stern, professeur émérite et directeur de l’Executive Mastère Spécialisé European Business Consulting à l’ESCP Europe. Ainsi, pour ne pas être une consultante en marketing et communication parmi tant d’autres, Valérie Lebourgeois a mis à profit sa formation d’ingénieure horticole et sa passion pour les nouvelles technologies : elle conseille les acteurs du monde végétal (du fleuriste au producteur agricole en passant par des sociétés d’horticulture) dans leur utilisation des nouvelles technologies.
Pour trouver où se situe votre valeur ajoutée, rien de mieux qu’un exercice d’introspection et de consultation (auprès de vos ex-collègues, de consultants déjà installés, d’amis, de clients…). Soyez aussi à l’écoute des demandes du marché : quelles sont les filières et les entreprises les plus à même de tirer profit de vos interventions ? Sont-elles faciles à approcher ?
Votre offre définie, il vous reste à la mettre en œuvre. «Peu de candidats au métier ont conscience qu’ils vont devoir changer de posture, note Patrice Stern. Vous n’êtes plus dans le rôle du manager qui commande et décide, mais dans celui du conseiller qui guide et accompagne. Humilité et écoute deviennent vos maîtres mots.» Certains ont besoin d’aide pour ce travail de repositionnement. Des formations sont dispensées dans les écoles de commerce ou d’ingénieurs, à l’IDCE, dans les CCI ou encore à l’Afpa ou l’Apec. Autre piste : se faire encadrer par des professionnels (formateurs, coachs ou consultants) pour apprendre plus vite les bonnes pratiques.
Faites-vous connaître
«La prospection est souvent la bête noire des consultants, souligne Elizabeth Vinay. Soit ils n’aiment pas démarcher, soit ils ne savent pas le faire. C’est pourtant un passage obligé : au départ, 40% de votre temps y sera consacré ! Et ce sera encore 20% en régime de croisière. Car, même en mission, il est important de préparer l’avenir, faute de quoi vous devrez repartir de zéro à chaque fin de contrat.» Pour ceux qui n’ont pas la fibre commerciale, un stage de techniques de vente peut être judicieux.
Au fil du temps, vous vous apercevrez également que le relationnel se révèle souvent plus efficace que les démarches commerciales pures (e-mailing, télémarketing, relance téléphonique). «Utilisez vos clients pour dénicher des prospects, suggère Yves Perez. N’hésitez pas à les recontacter pour savoir comment se porte leur activité et profitez-en pour leur demander s’ils ne connaissent pas une autre entreprise que vous pourriez conseiller. Ne négligez pas les prescripteurs : syndicats et associations professionnels, CCI et chambres de métiers et de l’artisanat. Les réseaux d’anciens collègues et d’alumni peuvent aussi vous aider.»
Plus vous serez reconnu comme un expert dans votre domaine et plus le bouche-à-oreille fonctionnera. Alors, rendez-vous visible ! Oubliez les plaquettes et misez sur le Web. Valérie Lebourgeois tient à la fois un site et un blog. Ce dernier lui permet d’être en interaction permanente avec ses clients. En tant que spécialiste des nouvelles technologies, elle est également très active sur Twitter, avec des dizaines de messages chaque jour, suivis par plus de 500 followers. Pour accroître sa visibilité, la consultante collabore également à des revues spécialisées en horticulture. «C’est une bonne stratégie, selon Elizabeth Vinay. Cela prend moins de temps que d’écrire un livre et le lectorat est plus ciblé. En outre, les personnes rencontrées pour rédiger ces articles peuvent devenir de futurs clients, ou au moins des prescripteurs.» Luc Rafflin, ancien DRH d’Yves Saint Laurent devenu consultant en management spécialisé dans les métiers de la mode, mise sur les formations qu’il anime et les colloques dans lesquels il intervient pour accroître sa notoriété et remplir son carnet d’adresses.
Autre possibilité : le travail en réseau avec d’autres consultants. «Je me charge d’élaborer la stratégie Web du client, de gérer le contenu éditorial et le référencement, raconte Valérie Lebourgeois. Je coordonne ensuite la réalisation avec un webmaster et un graphiste. Chacun profite du réseau de l’autre et notre offre plus large séduit davantage de clients.»
Choisissez le statut ad hoc
Ceux qui veulent se ménager une période d’essai ont recours à l’autoentreprenariat ou au portage salarial. Avantages du premier statut : des modalités d’enregistrement rapides et des charges sociales allégées, voire nulles (en cas d’absence de chiffre d’affaires). En revanche, l’autoentrepreneur ne bénéficie d’aucun droit au chômage et son chiffre d’affaires est plafonné à 32 600 euros – chiffre qui pourrait être revu à la baisse. Valérie Lebourgeois a du coup opté pour le portage salarial, qui lui permet de conserver son statut de salariée, avec la protection qui y est attachée, et lui évite les démarches de création d’entreprise. La société de portage facture ses clients et lui reverse les honoraires perçus sous forme de salaire, déductions faites d’une commission (entre 6 et 15%) et des charges sociales, soit environ 50% du montant généré par la mission.
Mais les consultants choisissent généralement le statut assez souple de l’entreprise individuelle (EI). Attention, la couverture maladie et sociale est limitée et votre responsabilité engagée : vos biens peuvent être saisis en cas de dettes. Pensez donc à effectuer une déclaration d’insaisissabilité chez un notaire. Si votre activité croît nettement, mieux vaut créer votre société. Fort de son réseau et de son expérience, Luc Rafflin, l’ex-DRH d’Yves Saint Laurent, a fondé une SARL : «Ce statut vous rend crédible auprès des clients et des banques, surtout si le montant de votre capital est élevé.»
Evaluez votre tarif journalier
Selon les estimations de l’APCE, un consultant facture en général entre 100 et 120 journées par an, sur la base de 800 à 2 200 euros HT par jour. Pour établir des prix avantageux, sans pour autant brader vos prestations et égratigner votre crédibilité, une première méthode de calcul consiste à déterminer votre CA prévisionnel. Ainsi, si vous souhaitez disposer d’un revenu annuel de 40 000 euros et prévoyez de facturer 100 jours par an, votre prix sera de 1 000 euros HT (une fois les charges et les frais enlevés, il vous restera 400 euros). L’idéal, cependant, est d’étudier les tarifs de vos concurrents, aussi bien les indépendants que les petits et gros cabinets. Demandez-vous aussi si votre spécialité est particulièrement recherchéee et tenez compte de votre lieu d’implantation (les tarifs sont plus élevés en région parisienne).
Dans la pratique, les prix varient aussi selon les clients. «Je m’adapte à leurs capacités financières, confie Luc Rafflin. Les plus gros contrats (plus de 1 500 euros la journée) signés dans le secteur du luxe me permettent d’en accepter de plus maigres (moins de 1.000 euros) dans le secteur associatif ou humanitaire. Je module également mes tarifs en fonction de la charge de travail estimée : la réactualisation d’une enquête salariale nécessite moins de travail que sa mise en place la première année.»
Gare à ne pas sous-estimer les frais de déplacement, comme ce fut le cas pour Muriel Jorigny. «Dès les premiers mois, j’ai élargi ma zone d’intervention : j’ai signé des contrats avec des clients bretons alors que je suis installée à Tours, j’ai remporté des appels d’offres qui m’intéressaient, mais dans d’autres régions. Résultat, au lieu de 300 euros de frais de déplacement prévus par mois, j’ai dépensé le double.» Pour ne pas grever votre budget, pensez à les inclure dans vos tarifs, surtout si vous êtes en province.
Adoptez la bonne facturation
Régie, forfait ou intéressement au résultats, les trois formules sont possibles. La régie, ce sont les honoraires facturés selon le temps passé : ceux-ci sont donc établis a posteriori. Idéal pour une longue mission, mais les clients veulent souvent connaître à l’avance le montant du contrat et préfèrent le forfait. Dans ce cas, le prix est convenu dès le départ. A vous de respecter les délais ! Plus rarement, la facturation peut être effectuée en fonction des résultats (réduction des délais, du taux de rebut ou d’absentéisme, etc.). Une part de la rémunération sera alors fixe, l’autre variable.
Vous devez encore déterminer quand vous souhaitez être payé : au début de la mission avec un acompte, en plusieurs fois au fil d’échéances ou uniquement à la fin ? Contrairement à d’autres, Patrick Chauvel, consultant RH, ne demande jamais d’acompte, même à ses nouveaux clients. «Pour les missions de plusieurs mois, je fixe des échéances pour le versement de la rémunération totale par parts, explique cet ancien chef du service des sports au conseil général d’Ille-et-Vilaine. Pour les formations et les séminaires, le paiement se fait au coup par coup, une fois la prestation terminée. Et pour le coaching, où les rendez-vous sont réguliers, mes clients me règlent au mois ou au trimestre.» Tout cela lui permet de lisser ses revenus.
Gérez au mieux votre temps
Véritable piège pour le consultant : la gestion du temps. Travailler chez soi, seul, implique discipline et organisation car il faut éviter que les missions ne se télescopent. Muriel Jorigny a failli l’apprendre à ses dépens : «Si certaines de mes premières missions n’avaient pas été reportées, j’aurais été débordée ! Depuis, je répartis mieux mon temps de prospection pour que les contrats ne démarrent pas en même temps et j’ai appris à dupliquer les outils et les méthodes d’une mission à une autre.» Pour panacher missions courtes et longues, Patrick Chauvel passe la moitié de son temps à diriger des formations et des séminaires : «Les dates sont fixées bien en amont, avec une fréquence régulière, c’est un plus pour l’organisation de mon activité et une sécurité au niveau financier.»
Enfin, n’oubliez pas la paperasse ! Certains y consacrent une journée par semaine ou une plage horaire chaque jour. D’autres se libèrent de cette contrainte en faisant appel à un expert-comptable. A vous de voir si le prix (jusqu’à 3.000 euros par an) en vaut la chandelle.
Exemple : le budget de Luc Rafflin, ex-DRH d’Yves Saint-Laurent, qui a investi 8.100 euros pour s’installer comme consultant
> Coûts d’établissement
Capital de la SARL : 5 000 €
Frais de dépôt des statuts, enregistrement et publication officielle : 100 €
Installation informatique : 120 €
Investissement bureautique : 1.500 €
Matériel de bureau, papier à en-tête, logo, cartes de visite, etc. : 350 €
Carte bancaire professionnelle : 30 €
Téléphone portable : 500 €
Conseil juridique à l’installation : 500 €
Total : 100 €
Frais de fonctionnement
Location exceptionnelle de locaux : 500 €/an
Maintenance informatique : 100 €/an
Abonnements téléphoniques (fixe et mobile) : 1.800 €/an
Frais divers (invitations au restaurant…) : 3.600 €/an
Frais de déplacements (non refacturés aux clients) 2.400 €/an
Frais comptables : 1. 000 €/an
Abonnements professionnels divers 500 €/an
Total : 9.900 €/an
Avec capital