“CELUI QUI CONTRÔLE LA NOURRITURE CONTRÔLE LE MONDE…”
Vous connaissez cette phrase sans doute.
Et sans doute aussi comprenez-vous sa portée.
Cuba consacre 2000 millions de dollars en importation de nourriture.
Ce qui veut dire que cet argent qui part à l’étranger serait mieux employé à développer l’agriculture locale.
Ce qui veut dire aussi – et ceci est primordial- que cette dépendance peut devenir un facteur de déstabilisation du gouvernement.
L’exemple du Venezuela, qui a vécu de la rente du pétrole et a négligé de développer son agriculture et ses industries de transformation des produits agricoles et ipso facto s’est retrouvé à dépendre totalement des importateurs – lesquels hostiles au gouvernemment et liés aux USA, peuvent organiser une pénurie afin de faire monter les tensions et l’insatisfaction populaire.
C’est du déjà vu. Notamment au Chili pour faire tomber le gouvernement socialiste d’Allende et le remplacer par une dictature.
Fort de cet enseignement, le gouvernement cubain a investi dans la production de semences locales. C’est-à-dire, à partir de l’étude du climat et des sols, créer des variétés susceptibles de donner les meilleurs rendements.
Les carottes que vous voyez dans la photo appartiennent à la variété NK-6 et les semences ont été créées dans l’Institut Nacional de Recherches Fondamentales en Agriculture Tropicale (Inifat) de La Havane.
L’agriculture est un point important dans le programme lancé par Raul Castro à partir de 2011, afin d’actualiser le modèle socialiste cubain et réorganiser le secteur agricole dans le but d’augmenter la production d’aliments.
Je ne sais pas si vous avez remarqué à quel point ce contrôle de la nourriture joue un rôle essentiel dans le contrôle des populations.
Pour synthétiser : afin de contrôler la politique d’un pays et sa population, les capitalistes ont trois instruments ( mis à part guerres, coups d’Etat, génocides)
1- “Tuer” l’agriculture locale et favoriser l’importation des aliments, qui va jusqu’à tranformer les goûts – via la publicité – en entrainant les consommateurs à trouver meilleur le produit étranger que celui local.
2 – “Tuer” le paysannat en lui imposant des semences organiquement modifiées (OGM) qui demandent un protocole que ces paysans sont dans l’incapacité de suivre. Sans tenir compte que ces OGM, comme le montre ” Le monde selon Monsanto”, le film de Mme Robin, sont à la fois peste et choléra pour la santé. On parle souvent de Monsanto sans vraiment comprendre leur fonctionnement, le film de Mme Robin fournit des informations essentielles.
3- L’aide alimentaire. On vient d’en avoir un exemple avec les pistaches (arachides) que les USA voulaient donner à Haïti, pour se débarasser d’un trop plein de leurs récoltes. En ce faisant, les capitalistes US savent parfaitement qu’ils risquent de ruiner la production locale de pistaches, une filière qui marche bien. Mais ils s’en foutent toalement, comme Clinton avec son riz pour aider, comme il le disait “ mes fermiers d’Arkansas”. Il est clair que si vous déversez des tonnes d’arachides sur le marché haïtien, vendues à vil prix parce que la production est subventionnée par l’Etat US, vous aurez comme conséquences la “tuerie” de la production locale, la ruine des paysans, une crise alimentaire. Et, par conséquent, la nécessité d’envoyer de l’aide pour donner à manger à “ces pauvres haïtiens” incapables de produire.
Résultat :
A partir des trois points sus-mentionnés, le capitaliste est gagnant. Il transforme les goûts en provoquant une “addiction” aux produits étrangers. Il pousse les paysans à la ruine et à la vente de leurs terres. Il génère un sentiment d’infériorisation en déversant son “aide” et une propension, notamment chez les classes moyennes, à intérioriser l’impuissance et à encenser le savoir faire du “blan civiliZé”. Classes moyennes qui, en réalité, “l’ont dans l’os” – excusez l’expression vulgaire, mais elle dit bien ce qu’elle veut dire.
Quand les capitalistes ne tuent pas carrément une production locale – comme Clinton avec la fillière rizicole de l’Artibonite – ils amarrent les paysans avec le contrat OGM comme Monsanto le fait un peu partout dans le monde, les obligeant à acheter chaque année leurs semences et les produits qui vont avec.
On se doute bien qu’un petit paysan des pays du sud – qui n’a ni assurances, ni subventions – se retrouvant face à des accidents climatiques : sécheresse, inondations, sa production ruinée, ne pourra faire face à l’achat de nouvelles semences pour l’année suivante.
C’est ainsi que nous avons des milliers de paysans indiens qui se suicident. Ne pouvant pas ni rembourser le crédit octroyé pour l’achat des semences OGM, ni en acheter de nouvelles, ils sont faits comme des rats et ne trouvent d’autres solutions que de se donner la mort.
Pas seulement à cause du système d’accroche, une sorte de crédit revolving, mis au point par Monsanto mais par les rapaces locaux, l’Inde n’en manquant pas.
Quand les paysans ne peuvent rembourser leurs dettes, leurs terres sont saisies, vendues et rachetées par ces gwo zouzoun qui les attendaient au passage. Sachant parfaitement que le système est vicié et qu’il suffit d’attendre pour faire de bonnes affaires. De sorte qu’il y a comme une sorte d’alliance entre Monsanto et les prédateurs locaux.
C’est ce système que Jonas Gué, ex-Ministre de l’agriculture voulait introduire en Haïti, après le séisme suite à une offre de “dons” de Monsanto de semences OGM qu’il avait approuvée. A cette occasion, un des employés de Monsanto avait déclaré que ” c’était le plus beau cadeau de Pâques (nous étions en avril) que Le Ministre Jonas Gué pouvait leur offrir”. Ce qui veut tout dire.
La mobilisation des paysans haïtiens et celle de l’International a freiné ce projet.
Mais gageons que Monsanto reviendra à la charge, le capitalisme étant insatiable, ayant besoin sans arrêt de nouvelles proies pour s’alimenter.
D’où l’importance de comprendre comment ça se passe et quelles sont les implications pour les paysans haïtiens et en général pour l’économie du pays.
En Haïti, nous avons de gros problèmes de “ressources humaines” fiables. Beaucoup trop d’économistes à la Laleau et d’agronomes à la Jonas Gué.
Et une “minorité zwit” de progressistes capables de réfléchir, d’analyser et de proposer mais dans l’incapacité de se battre pour que leurs idées soient mises en pratique.
On attend d’eux, le peule haïtien attend, qu’ils appliquent le slogan qu’ils répètent a satiété:” l’Union fait la force”.
Et qu’ils se réunissent pour, ensemble, influer sur la politique agricole du gouvernement.
Dénoncer c’est parfait. La seconde étape étant d’agir.
Sinon, on risque fort de se retrouver, quelle que soit l’appartenance politique de l’élu(e) avec un président(e), clone de Martelly, subordonné(e) comme lui au diktat des USA et de leurs alliés locaux.
avec elsie-news