Dès qu’il est question d’un terroir de l’entrepreneuriat au Québec, l’image de la Beauce s’impose presque sur-le-champ.
«Oui, on peut dire que c’est dans nos gènes», dit Claude Morin, maire de Saint-Georges depuis 2013. Sa ville abrite l’École d’entrepreneurship de Beauce, le tout premier institut totalement privé du genre, qui s’impose depuis sa création en 2010 comme une référence au Québec. Ce n’est pas un hasard. Le terroir est inspirant.
Mais peut-on aussi parler de Thetford Mines, qui recueille également l’attention dans cette région vigoureuse qu’est celle de Chaudière-Appalaches ? L’image populaire, alimentée par les grands médias, projette souvent celle d’une collectivité en déclin liée à celle des mines d’amiante qui avaient fait sa fortune à l’époque.
Les mines ont fermé. Thetford Mines devrait donc être à l’agonie, non ? Faux. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) l’a reconnu, elle qui a placé la ville au sommet des municipalités entrepreneuriales du Québec dans son palmarès 2014. Elle se maintient depuis dans le peloton de tête. De plus, elle se retrouve dans le top 10 des villes canadiennes qui comptent le plus de PME par 1 000 habitants, selon une analyse récente de la BMO.
Réplique entrepreneuriale
Comment expliquer ce redressement pour cette ville autrefois mono-industrielle ? «Il y a plein de gens de métier ici, dit-il. Quand les mines ont faibli, plusieurs se sont lancés en affaires. Il fallait bien passer à travers… Et ça a donné naissance à bien des PME», explique Marc-Alexandre Brousseau, maire de Thetford Mines.
Question développement économique, il s’y connaît, lui qui était autrefois commissaire industriel de la MRC des Appalaches.
Avec un bémol : dans ces années difficiles, plusieurs jeunes familles sont parties pour tenter leur chance ailleurs. Les travailleurs plus âgés, bien installés à Thetford Mines, sont restés. Ce sont souvent eux qui ont aidé à relancer l’économie. Il faut aujourd’hui penser à leur trouver une relève. C’est un des défis auxquels la Ville doit s’attaquer. Elle peut cependant s’appuyer sur un véritable renouveau industriel. Pour le maire Brousseau, la transition dont il est souvent question pour Thetford Mines n’est plus un enjeu incertain. À ses yeux, elle relève maintenant d’un fait accompli.
Il donne comme exemple les percées d’Industries Canatal, une entreprise fondée en 1999 qui se spécialise dans les structures de métal et qui exporte beaucoup aux États-Unis.
Les mesures restrictives que l’administration Trump décrète en série pourraient devenir une cause de soucis, mais pour l’instant, dans l’ensemble, l’humeur est à l’optimisme dans la ville.
Et de nouveaux investissements aident à l’élan, notamment l’arrivée de l’entreprise Biodélices, de la famille française Michaud, qui va accélérer la distribution en Europe des produits de l’érable.
Faire des envieux
Les ambitions renouvelées de Thetford Mines ne passent pas inaperçues, notamment du côté de la Beauce, plus à l’est.
Lors du panel organisé par Les Affaires, en juin, on a eu droit à une passe d’armes, inoffensive mais révélatrice, entre le maire Brousseau et son collègue de Saint-Georges, M. Morin. Les deux étaient présents à l’événement et à un moment, ils se sont – bien gentiment – nargués. Le dernier soulignait qu’il aurait bien aimé, lui aussi, profiter des subventions que les gouvernements ont allouées par dizaines de millions de dollars à Thetford Mines pour l’aider dans sa transformation. Et son vis-à-vis de rétorquer qu’il échangerait volontiers une bonne partie de cette manne pour une belle autoroute, toute neuve, comme celle qui se rend maintenant à Saint-Georges. Et qui lui sera certainement profitable.
À cet égard, il faut le préciser, Thetford Mines se trouve dans une situation peu enviable. Elle est la seule ville de sa taille (25 000 habitants) dans le Québec méridional qui ne soit reliée à aucune autoroute. Pire, la desserte par transport en commun, par autocar, ne cesse de diminuer. Il y a toujours un projet de réhabilitation de la voie ferrée pour le transport commercial, mais rien n’est réglé.
Des gens engagés
À côté, la Beauce continue d’être citée en modèle. Elle semble flotter sur un nuage, celui de l’entrepreneuriat local. Le fait que Saint-Georges abrite aujourd’hui l’École d’entrepreneurship de Beauce contribue à cimenter sa réputation.
En passant, il convient de rappeler que l’École est née sous l’impulsion de Marc Dutil, président d’une des plus grandes entreprises québécoises, Canam, précisément issue du terroir beauceron.
«On nous demande souvent ce qui explique notre essor entrepreneurial, raconte M. Morin. Je pense qu’elle relève en bonne partie de l’histoire des grandes familles d’affaires locales. Il n’y a pas de grosses multinationales étrangères ici. Il y a, d’abord et avant tout, des gens engagés dans leur milieu. Ce sont eux qui ont donné l’exemple.»
Les noms font, ou feront partie de la légende : Lacroix, Dutil, Pomerleau. D’autres suivent, comme les Gendreau, de Garaga. La voie est tracée.
Si seulement elle pouvait l’être pour la fameuse autoroute ! Pour l’instant, elle déverse son flot de véhicules dans Saint-Georges, qui plaide pour une voie de contournement, surtout qu’une partie du trafic se dirige vers les États-Unis, quelques dizaines de kilomètres au sud…
Ce sera la prochaine étape, et le maire Morin, lui-même ancien député de l’ADQ, entend exiger des engagements lors de la campagne électorale en cours.
Avec ou sans autoroute, Thetford Mines se veut sur une lancée. On vient d’y accueillir les Jeux du Québec, populaires au point où la capacité d’hébergement de la ville a été largement débordée. Au moins, la ville a maintenant droit à un véritable centre de congrès, avec hôtel. Il s’appelle La cache du Domaine, en lien avec l’entreprise qui l’a mis sur pied, La cache à Maxime… de Scott, en Beauce.
Avec lesaffaires