En utilisant une nouvelle méthode d’analyse comparant les génomes des populations humaines modernes à celui des Dénisoviens aujourd’hui disparus, des scientifiques américains ont été surpris de découvrir deux épisodes distincts de croisement génétique entre les deux espèces.
Un texte d’Alain Labelle
Les humains (Homo sapiens) ont coexisté avec les hommes de Néandertal et de Denisova, et avec une autre espèce inconnue à ce jour. Dans les trois cas, il y aurait eu des croisements et des échanges génétiques entre ces espèces du genre Homo.
Deux fois plutôt qu’une
Des chercheurs de l’Université de Washington à Seattle ont déterminé que les génomes de deux groupes d’humains modernes provenant d’Océanie et d’Asie de l’Est sont uniques en leur genre, ce qui laisse croire qu’il y a eu deux épisodes distincts d’hybridation avec les Dénisoviens.
Ces travaux publiés dans la revue Cell suggèrent donc une histoire génétique plus diversifiée qu’on ne le pensait auparavant entre les Dénisoviens et l’Homo sapiens.
Ce que l’on savait déjà, c’est que les Océaniens, notamment les Papous, ont des quantités importantes d’ascendance des Dénisoviens.
En fait, le génome des Papous d’aujourd’hui provient à 5 % de celui de l’homme de Denisova.
Il était aussi connu que celui des Asiatiques en général possédait la trace, à un degré moindre, du même croisement avec les Dénisoviens.
L’hypothèse des scientifiques était que l’ascendance asiatique provenait de la migration de populations océaniennes.
Or, les présents travaux, réalisés auprès de populations humaines d’Asie de l’Est, montrent l’existence d’une deuxième période de croisement avec les Dénisoviens, distincte de celles observées chez les Asiatiques du Sud et les Papous.
Cette ascendance des hommes de Denisova chez les Asiatiques de l’Est semble être un phénomène distinct.
Mme Browning et ses collègues en viennent à cette conclusion après avoir analysé plus de 5600 génomes provenant d’individus d’Europe, d’Asie, d’Amérique et d’Océanie et les avoir comparés à celui des Dénisoviens.
Ce travail a ainsi permis de déterminer que le génome de l’homme de Denisova est plus étroitement lié à la population d’humains modernes de l’Asie de l’Est qu’aux Papous actuels.
« Lorsque nous avons comparé l’ADN des Papous au génome des Dénisoviens, de nombreuses séquences étaient similaires », explique Sharon Browning.
Toutefois, certaines des séquences d’ADN retrouvées chez les Asiatiques de l’Est, notamment les Chinois Han, les Chinois Dai et les Japonais, étaient beaucoup plus proches des Dénisoviens.
Notre connaissance du génome de ces hommes provient de restes fossilisés d’un individu découverts dans les montagnes de l’Altaï en Sibérie. Son génome a été publié en 2010, et d’autres chercheurs ont rapidement identifié des segments de son ADN dans plusieurs populations modernes d’Asie et d’Océanie.
« L’hypothèse est que le mélange avec des Dénisoviens s’est produit assez rapidement après que les humains modernes eurent quitté l’Afrique, il y a environ 50 000 ans, mais nous ne connaissons pas l’endroit exact », affirme Mme Browning.
Dans le futur, les chercheurs prévoient étudier davantage de populations asiatiques et d’autres dans le monde entier, y compris les Amérindiens et les Africains, afin de trouver des preuves de croisement avec d’autres humains archaïques.
L’année dernière, des anthropologues allemands avaient montré l’existence d’un croisement entre les premiers humains et une espèce « fantôme » qui aurait contribué au matériel génétique des ancêtres des personnes d’origine subsaharienne.
Avec radiocanada