La chancelière allemande Angela Merkel inaugurait au siège de l’Union africaine à Addis Abeba mardi le bâtiment Julius Nyerere pour la paix et la sécurité financé à hauteur de 27 millions d’euros par l’Allemagne. Si l’économie ne figurait pas au menu de la tournée de trois jours, les intérêts économiques allemands ne sont pas minimes et veulent s’accroître dans les machines-outils, l’énergie, la consommation ou l’agriculture. Décryptage.
Au cabinet de la chancelière allemande Angela Merkel, le sujet de sa tournée africaine de dimanche à mardi — la première depuis sa précédente tournée en Afrique anglophone en 2011 (Kenya, Angola et Nigeria) — ne souffre aucune ambiguïté : mettre l’accent sur les sources de l’émigration sur le continent dont l’Allemagne est le principal pays hôte au sein de l’Union européenne.
D’où les tête-à-tête que la chancelière a eus avec le président malien Ibrahim Boubacar Keïta et son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, à qui elle a promis des moyens supplémentaires pour juguler la migration. Une rencontre avec le Premier ministre éthiopien Haile Mariam Desalegn était prévue mardi matin. Une semaine africaine qui se poursuivra à Berlin puisqu’Angela Merkel recevra mercredi, à la chancellerie cette fois-ci, le président tchadien Idriss Déby Itno, puis le Nigérian Muhammadu Buhari, vendredi.
« L’économie est une des données de l’équation »
Dans ce contexte, « l’économie est une des données de l’équation », indique un de ses porte-parole à Berlin. Car si aucun chef d’entreprise allemand n’avait été convié dans la délégation, la chancelière allemande avait bien pris soin de rappeler avant son départ, dans une vidéo publiée sur le site de la chancellerie, qu’ »il est dans l’intérêt de l’Allemagne d’accompagner un développement positif de l’Afrique. L’aide publique au développement n’y suffira pas. Les conditions de l’investissement privé doivent s’améliorer ».
Car s’ils y sont plutôt discrets et moins connus que leurs homologues francophones, les groupes privés allemands ont une présence très significative. « Les énergéticiens EON mais aussi RWE au Sénégal, Siemens à Alger, le groupe de commerces de détails Edeka en Namibie, Fraport dans la gestion aéroportuaire en Égypte [et aussi au Sénégal] », liste Souleymane Sokome, consultant sénégalais installé à Berlin.
« Ces entreprises s’ajoutent aux Daimler et Volkswagen qui étaient historiquement présents », déclare-t-il, notant de nouvelles arrivées comme Sota Domus, une entreprise allemande spécialisée dans les habitats écologiques qui s’est installée à Diamniadio en banlieue de Dakar.
« Les Allemands privilégient la rigueur et la maîtrise des langues étrangères, et s’appuient beaucoup sur les diasporas présentes en Allemagne, comme les Camerounais à Francfort, Munich et Cologne. Ce qui élargit progressivement un prisme très anglophone, vers le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Maroc », dit encore Souleymane Sokome.
Au total 800 entreprises allemandes employant 200 000 personnes sur le continent ont fait croître leurs investissement de 13,1% en 2014 pour atteindre 9,7 milliards d’euros, plus du double des 4,2 milliards d’euros recensés en 2002 par Afrika-Verein, l’association de promotion des relations économiques entre les pays africains et l’Allemagne.
« Une présence renforcée des entreprises allemandes est nécessaire dans notre propre intérêt, et ce parce que les marchés africains ne vont cesser de croître », a plaidé dans la presse allemande Christoph Kannengießer, le patron de l’Afrika-Verein, en écho au déplacement d’Angela Merkel.
Diversifier les relations sur le continent
« Pour l’Allemagne, il est important de mener un équilibre dans des relations entre des pays les plus économiquement dynamiques et émergents en Afrique comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie ou l’Égypte et d’autres pays politiquement stables tels que le Ghana ou le Sénégal mais aussi avec des pays en crise comme le Mali, analyse pour Jeune Afrique Karamba Diaby.
Cet Allemand né au Sénégal devenu le premier député d’origine africaine au Parlement allemand. « Nous préconisons le développement d’une approche coopérative envers ces pays. L’Allemagne a étendu son réseau de chambres de commerce étrangères au Kenya, Ghana et en Angola est une épreuve pour ceci », ajoute-t-il.
Celui qui est aussi député SPD (Parti social-démocrate) appelle également à ne pas cloisonner l’économie d’autres « défis mondiaux tels que les réfugiés, la migration et la croissance démographique, les crises, le terrorisme et le changement climatique ». « La politique allemande en Afrique signifie aussi la justice dans la mondialisation et le commerce mondial », plaide-t-il.