Chez les Chimani, une ethnie vivant dans les plaines de Bolivie, les femmes voient leur fertilité favorisée par certains parasites. En revanche, d’autres ont un effet négatif sur leur fécondité.
Les helminthes, une classe de vers intestinaux parasites, peuvent avoir une influence directe sur la fécondité des femmes : c’est la conclusion étonnante d’une étude menée par des anthropologues de l’Université de Santa Barbara (États-Unis) et publiée dans la revueScience*. Pour établir ce constat, les chercheurs ont, durant neuf ans, étudié les données de femmes Chimani (aussi nommées “Tsimane”), une ethnie vivant dans les plaines de Bolivie. Au sein de cette population, le taux moyen de natalité est de 9 enfants par femme.
Les vers modifient l’intervalle entre 2 naissances
Les anthropologues se sont plus particulièrement intéressés aux trois vers parasites causant le plus souvent des infections intestinales en Bolivie : les espèces Necator americanus, Ancylostoma duodenale et l’Ascaris (Ascaris lumbricoides). Celles-ci ont, de manière surprenante, des effets positifs ou négatifs sur la fécondité ! Ainsi, les femmes Chimani, à plusieurs reprises infectées par les espèces Necator americanus et Ancylostoma duodenale,étaient susceptibles d’avoir jusqu’à trois enfants de moins que celles non infectées. “En effet, cette infection parasitaire retarde la première grossesse et rallonge les intervalles entre deux naissances. Au contraire, les femmes ayant été infectées par Ascaris avaient plus d’enfants que les autres – deux supplémentaires en moyenne -, car l’infection à ce parasite diminuerait notamment l’intervalle entre deux grossesses”, explique dans un communiqué Aaron Blackwell, principal auteur de l’étude.
La cause à ces effets adverses se trouve dans le système immunitaire. “Les infections à helminthes affectent le système immunitaire, ce qui à son tour affaiblit la probabilité de conception”, a déclaré Aaron Blackwell. À noter que, si les helminthes sont généralement associés à un risque accru d’anémie, voire de décès, ce n’était pas le cas chez les Chimani : l’infection était fréquemment asymptomatique et les patientes elles-mêmes ne savaient souvent pas qu’elles l’avaient contractée. Seul indice : les femmes infectées présentaient un taux extrêmement élevé d’immunoglobuline E, une classe d’anticorps.
Pour Aaron Blackwell, les infections à helminthes risquent d’avoir des répercussions majeures sur les modèles démographiques dans les populations en développement. “En outre, ces résultats peuvent également expliquer des problèmes de fertilité reliés à des troubles du système immunitaire dans les pays développés”, ajoute l’auteur de l’étude.Ils ouvriraient donc la voie à de nouveaux traitements liés à l’infertilité d’origine auto-immune.
avec scienceetavenir