Selon deux sites anglais, seize joueurs de tennis du top 50 mondial sont soupçonnés d’avoir truqué des matches en lien avec des paris frauduleux au cours des dix dernières années. Accusée de passivité, l’ATP a démenti toute tentative d’escamotage. S’ils ne nient pas tous le problème, les joueurs demeurent dubitatifs.
Après l’athlétisme et le football, c’est le tennis qui se trouve au centre d’une controverse après des accusations de matchs truqués émanant du site internet de la BBC et de la version anglaise du site d’information BuzzFeed. Ces accusations visent seize joueurs du top 50 mondial, dont des vainqueurs en Grand Chelem et huit joueurs présents au 1er tour de l’Open d’Australie qui se déroule actuellement à Melbourne.
D’après la BBC et BuzzFeed, seize joueurs du Top 50 mondial auraient été signalés au comité d’éthique du tennis lors de la décennie écoulée, à propos de soupçons de matches truqués. Tous ces joueurs, parmi lesquels des vainqueurs de Grand Chelem, auraient malgré tout été autorisés à poursuivre leur carrière. Si la BBC, pas plus que BuzzFeed, ne citent des noms de joueurs, ils affirment avoir eu accès à des preuves de corruption à grande échelle contenues dans des archives secrètes.
50 000 dollars pour truquer un match
Ces documents sont liés notamment à une enquête menée en 2007, par l’ATP, l’instance dirigeante du circuit professionnel. Ils montreraient que des groupes de parieurs en Italie et en Russie auraient misé des centaines de milliers de dollars sur des matches truqués, dont trois de Wimbledon. « Le rapport confidentiel des enquêteurs destiné au comité d’éthique, qui date de 2008, suggérait que des investigations soient menées sur vingt-huit joueurs, mais cela n’a jamais été suivi d’effet », affirme la BBC.
Selon ces médias, huit des joueurs signalés au comité d’éthique sont inscrits à l’Open d’Australie. D’après l’un des enquêteurs, Mark Phillips, interrogé par la BBC, « un groupe d’environ dix joueurs était le plus souvent mis en cause et se trouvait à la racine du problème ». Selon BuzzFeed, les représentants des groupes de parieurs clandestins contactaient les joueurs dans leurs chambres d’hôtel lors de grands tournois et leur promettaient 50 000 dollars ou plus pour truquer leur match.
À Melbourne, le président de l’ATP Chris Kermode a cependant démenti toute tentative d’escamotage. « Les autorités du tennis rejettent toute allégation selon laquelle des preuves de trucage de matches auraient été cachées ou ne feraient pas l’objet d’une enquête approfondie », a-t-il déclaré. « Notre approche, c’est la tolérance zéro envers toute forme de corruption. Nous ne sommes pas complaisants, nous sommes vigilants », a-t-il ajouté.
À propos de l’enquête de 2007, il a affirmé que les investigations sur un match douteux entre le Russe Nikolay Davydenko et l’Argentin Martin Vassallo Arguello n’avaient pas apporté d’indices suffisants. « Il nous faut des preuves et non des soupçons ou des ouï-dire », a-t-il ajouté, soulignant que dix-huit sanctions pour corruption avaient été prononcées, dont six suspensions à vie. En 2009, l’ATP a introduit des règles anticorruption mais celles-ci ne sont pas rétroactives.
Les révélations n’ont pas tardé à faire réagir les joueurs, au premier rang desquels le n°1 mondial Novak Djokovic. Preuve que les accusations ne sont pas sans fondement, le Serbea reconnu avoir lui-même été approché lors du tournoi de Saint Pétersbourg. « J’ai été approché indirectement, a précisé le n°1 mondial, par l’intermédiaire de gens qui travaillaient avec moi à l’époque. Évidemment, nous avons immédiatement dit non. La personne qui essayait de me contacter n’est même pas arrivée jusqu’à moi ».
Des noms, des noms !
« Les gens essaient de deviner de qui il s’agit. Mais il n’y a pas de preuve concernant des joueurs en activité. Tant que cela reste comme ça, ce ne sont que des spéculations », a-t-il poursuivi après sa victoire au premier tour de l’Open d’Australie face au le Sud-Coréen Chung Hyeon. Le Français Gilles Simon estime pour sa part que les révélations de la BBC et de BuzzFeed sont surtout destinées « à faire le buzz ». « S’il y a des noms, qu’on les donne, nous serons ravis de les mettre dehors. Nous avons créé le comité d’éthique du tennis pour cela » a dit Simon, 15e mondial, après sa victoire sur le Canadien Vasek Pospisil au premier tour.
« On a l’impression que quelqu’un veut faire du mal à notre sport, sans raison. Je trouve ça choquant », a ajouté le Français, précisant qu’il n’avait jamais fait l’objet lui-même d’une tentative de corruption. Le recordman des titres en Grand Chelem (17) Roger Federer a eu sensiblement la même réaction que Gilles Simon. « Je ne sais pas exactement ce qu’il y a de nouveau. J’entends qu’on lance de vieux noms. Cette affaire a été traitée », a déclaré le Suisse, sans préciser à quelle affaire il faisait référence, après sa victoire au premier tour de l’Open d’Australie.
Relancé par un journaliste à propos de la présence de vainqueurs de tournoi du Grand Chelem parmi les joueurs soupçonnés, Federer a répondu: « Qui ? Quoi ? C’est jeté comme ça. C’est facile de faire ça. J’aimerais entendre des noms. Au moins ce serait concret et on pourrait en débattre. Cela n’a aucun sens de donner une réponse qui serait pure spéculation ». Federer a toutefois affirmé que le problème devrait être pris très au sérieux. « Il faut être très agressif, comme avec le dopage. Le tennis est intéressant pour les fans si on ne connaît pas le résultat. Dans le cas contraire, pas la peine de venir au stade », a-t-il conclu.
(Avec AFP)