Deux avocats, Michel Janvier Voukeng et Guy-Alain Tougoua, ont déposé une requête, le 4 octobre 2018, aux fins d’être autorisés à assigner en référé d’heure à heure, les dirigeants de la Bicec, Bpce, la CMF et la COBAC.
Quinze minutes. C’est le temps qu’a duré la première audience de l’affaire des avocats Camerounais opposés au rachat de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec), filiale camerounaise de Banque populaire Caisse d’épargne (Bpce), contre les Marocains de Banque centrale populaire (BCP). L’audience a eu lieu au tribunal de première instance de Bonanjo, à Douala, le 12 octobre. Elle a été renvoyée au 17 octobre à 13h, parce que le juge unique, président de céans, attend la « conclusion et réplique » de la Bpce, de la Bicec et de la Commission des marchés financiers (CMF). La seule partie absente était la Commission bancaire des Etats d’Afrique centrale (Cobac).
En effet, les deux avocats au barreau du Cameroun qui s’opposent au rachat de la Bicec par BCP s’appellent Michel Janvier Voukeng et Guy-Alain Tougoua. Ils ont déposé une requête, le 4 octobre 2018, aux fins d’être autorisés à assigner en référé d’heure à heure, les dirigeants de la Bicec, Bpce, la Commission des marchés financiers et la Commission bancaire des Etats d’Afrique centrale.
Dans leur exposé des motifs, ces avocats reprochent à Bpce l’entrée en « négociations exclusives », avec le groupe marocain en vue du projet de cession de ses participations en Afrique. Me Michel Janvier Voukeng et Guy-Alain Tougoua pensent que la Bicec étant l’un des fleurons de l’industrie bancaire du Cameroun, « l’exclusion des nationaux tant personnes physiques que morales du processus de sa cession est une violation grave de principes constitutionnels et de droit public et privé en vigueur au Cameroun ». Ils ajoutent : « Cet ostracisme est particulièrement proscrit par les règles de droit applicables aux multinationales.»
Les requérants sollicitent la réforme du processus initié par le groupe Bpce, du moins en ce qui concerne la Bicec, voire la suspension de celui-ci. En outre, en vue des actions futures en annulation, les plaignants entendent formaliser juridiquement leur opposition à la cession en cours devant le juge de référé, juge de la conservation des preuves. Pour ce faire, une autorisation est requise par l’article 182 du code de procédure civile et commerciale.
Concurrence fermée
En dehors de la procédure judiciaire Voukeng et Tougoua ont aussi saisi la Commission nationale de la concurrence sous le couvert du ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana. A cet instance, les requérants demandent l’interdiction, sinon l’ouverture des négociations à toutes les parties intéressées. Ce qui permettra aux citoyens d’accéder à la richesse nationale pour améliorer leurs conditions de vie.
« Il importe de constater que le Cameroun dispose d’une bourse des valeurs mobilières au sein de laquelle les entreprises à la recherche de capitaux peuvent en lever de façon illimitée autant qu’elles soient crédibles aux yeux des investisseurs », martèlent les avocats. Selon eux, au cas où Bpce refuse d’ouvrir la transaction, qu’il soit intimé à sa cocontractante de se départir d’un certain nombre d’actions au profit des ressortissants camerounais.
Pour les avocats, « toutes les autorités de contrôle de concurrence, y compris la juridiction de céans ont été royalement méconnues par les parties cocontractantes ». Bien plus, le Groupe Bpce est actionnaire de BPC. La Bicec étant l’une des plus importantes banques du paysage financier camerounais en termes de volume de dépôts clientèle, les requérants constatent qu’il y a péril grave pour l’ordre public économique à ce que tant d’intérêts vitaux soient détenus par les capitaux d’un même pays, le Maroc. Dans cette veine, les avocats rappellent qu’une autre banque de premier rang de droit camerounais [Scb] est déjà sous l’escarcelle des capitaux marocains et que la cession de la Bicec en ferait la deuxième sur les cinq premières banques du Cameroun.
La stratégie de Bpce pour vendre la Bicec
Ce projet de cessions de participations bancaires en Afrique au groupe marocain BCP s’inscrit dans la stratégie du Groupe BPCE de recentrage dans les secteurs et zones prioritaires de développement des métiers du groupe, dans la continuité de la cession de la Banque des Mascareignes au groupe BCP, annoncée en février dernier.
Au Cameroun, le groupe français détient 68,5% dans la Bicec. A Madagascar c’est 71% dans la Banque Malgache de l’Océan Indien (BMOI). En République du Congo c’est 100% dans la Banque Commerciale Internationale (BCI). Et en Tunisie, Bpce détient 60% dans la Banque Tuniso-Koweitienne (BTK).
« Ce projet permettrait aux banques concernées de s’adosser à un partenaire financier et industriel disposant d’une solide expérience dans le domaine bancaire, et en mesure de développer davantage leur activité en Afrique.», avait indiqué Banque populaire Caisse d’épargne.
Bpce et BCP se connaissent bien. Le premier est actionnaire du second à hauteur de 4,5%. Il lui a déjà cédé ses filiales mauriciennes et malgaches, Banque des Mascareignes. Ce qui laisse penser que le deal entre les parties va certainement déboucher sur un accord.
Ce projet sera présenté prochainement, lors d’une information-consultation, aux instances représentatives du personnel de BPCE International. Le projet d’accord sera également soumis aux conditions suspensives usuelles pour ce type d’opération, et notamment à l’accord des autorités réglementaires au Maroc et dans les différentes géographies concernées.
Le Groupe BPCE, deuxième groupe bancaire en France, s’appuie sur deux réseaux de banques commerciales coopératives, autonomes et complémentaires : celui des 14 Banques Populaires et celui des 15 Caisses d’Epargne. Dans le domaine du financement de l’immobilier, il s’appuie également sur le Crédit Foncier.
Il est un acteur majeur de la gestion d’actifs et de l’assurance, de la banque de grande clientèle, et des services financiers spécialisés avec Natixis. Le Groupe BPCE compte 31 millions de clients et 106 500 collaborateurs ; il bénéficie d’une large présence en France avec 7 800 agences et 9 millions de sociétaires. La dette senior préférée à long terme du groupe est notée par quatre agences de notation financières, Moody’s (A1, perspective stable), S&P (A, perspective positive), Fitch (A, perspective positive) et R&I (A, perspective stable).
Une banque qui pèse 765 milliards de total bilan en 2017
La Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec), filiale du français BPCE, a présenté lors de l’assemblée générale du 23 mars, à Douala, la capitale économique camerounaise, ses résultats financiers de l’exercice 2017. La Bicec note que son volume d’activités ne cesse de croître avec un total bilan de 765 milliards FCFA en 2017 contre 690 milliards en 2016, en hausse de 11%. Toujours selon la banque, de nombreux indicateurs viennent confirmer cette rentabilité à travers, par exemple, le produit net bancaire qui s’élève à 59,6 milliards FCFA au cours de la période sous revue, en hausse de 17%.
Le résultat brut d’exploitation, lui aussi, a progressé de 39% par rapport à l’exercice précédent, pour se situer à 28 milliards FCFA. Le résultat net de la Banque affiche un montant de 9,5 milliards FCFA. La filiale camerounaise estime qu’elle a la confiance de ses clients, car ceux-ci lui ont confié des dépôts ayant franchi le cap de 600 milliards FCFA. Soit une hausse de 10%. En outre, la Bicec se présente comme un établissement financier citoyen qui revendique, dans l’économie camerounaise, des investissements de 548 milliards FCFA, au 31 décembre 2017. Soit une hausse de 11 milliards, par rapport à la même période en 2016.
Réorganisation
La Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec), a vu la promotion de son secrétaire général Rémy Raffi, au poste de directeur général adjoint (DG-A) à l’issue d’un conseil d’administration qui s’est tenu depuis en septembre dernier à Paris, en France. Rémy Raffi a désormais en charge à la Bicec non seulement les entités du Secrétariat général, mais également la direction d’organisation, qualité et système d’information, la direction du recouvrement amiable et du contentieux ainsi que le département juridique.
Ce nouveau DG-A est nommé aux côtés de la camerounaise Isabelle Kondo, et conserve la responsabilité de l’ensemble du pôle « Réseau ». Mme Kondo, elle, a été nommée, le 2 août 2016, en remplacement d’un autre Camerounais, Innocent Ondoa Nkou, actuellement en prison pour une affaire présumée de détournement de deniers publics.
Le 4 juillet à Yaoundé, au cours de la cérémonie d’au revoir d’Alain Ripert, directeur général de la Bicec, promu aux postes d’administrateur de la filiale camerounaise du Groupe Bpce et membre du directoire de la Caisse d’épargne Cepac, en charge du Pôle Outre-Mer, que l’on a appris que Sylvain Faure, son remplaçant désigné le 23 mars 2018, ne viendra plus au Cameroun.
C’est finalement Philippe Wattecamps, DG de la Banque des Mascareignes, filiale de Bpce en île Maurice, qui sera à la tête de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec). La filiale n’a pas donné d’explications quant à ce changement qui prévoyait l’arrivée de Sylvain Faure, l’actuel directeur du Pôle Développement de Bpce International. L’on sait néanmoins que M. Wattecamps prendra officiellement fonction dans quelques mois.
Avec 237 online