« Une rencontre qui fera date pour l’entrepreneuriat féminin en Afrique. » C’était l’ambition, ce jeudi 12 avril, du forum Women In Africa (WIA), créé en 2017 par Aude de Thuin qui a rassemblé près de 200 femmes d’influence – et quelques hommes – de tout le continent Africain, d’Europe ou encore d’Amérique du Sud. Le pinacle des femmes entrepreneures du continent s’est fait passer le micro dans le cadre enchanteur de l’École des sables de Toubab Dialao, au sud de Dakar. L’école de danse a été fondée en 1998 par la chorégraphe bénino-sénégalaise Germaine Acogny, qui, en plus d’être une danseuse d’envergure mondiale, jouit d’une expérience entrepreneuriale et artistique atypique.
On pouvait ainsi partager la success-story de Fatoumata Ba, fondatrice et directrice de Jumia, première « licorne » africaine valorisée à plus d’un milliard d’euros. Ou encore s’inspirer de la ténacité de Ndèye Thiaw, seule femme directrice associée du fonds d’investissement Brightmore Capital, pour se faire une place dans le secteur bancaire : « En Afrique, le milieu financier est particulièrement déséquilibré et difficile d’accès pour une femme. »
Améliorer les politiques publiques en faveur de entrepreneures
Leur expérience des enjeux de l’entrepreneuriat des femmes en Afrique trouvait l’écho des analyses du professeur Fatou Sow Sarr, directrice du laboratoire genre de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar et présidente du Réseau africain pour le soutien à l’entrepreneuriat féminin (Rasef). « Depuis l’Apix, les démarches pour la création d’entreprises sont facilitées. Mais pour les femmes, les contraintes familiales restent un frein. Les politiques publiques ne favorisent pas les femmes entrepreneures et ne prennent notamment pas en compte leur environnement familial. » Et de rappeler le besoin de changer de modèle de société pour aboutir à de meilleures politiques publiques. « Notre modèle économique est à l’image du modèle politique et social : dominé par des hommes. Sans changer de modèle de société, nous ne changerons pas de politiques publiques », martelait une cheffe d’entreprise présente dans l’audience.
Le besoin d’encourager davantage la formation des jeunes filles était également au cœur des discussions. Rappelant que le premier fossé entre les hommes et les femmes concernait l’éducation. Les jeunes Africaines étant encore trop souvent écartées du chemin de l’école, principalement à partir du secondaire, pour des raisons économiques ou du fait d’un mariage précoce.
Les femmes, indispensables aux économies africaines
Célébrant les succès d’entrepreneures africaines dans le digital, l’agroalimentaire ou encore les médias étaient à l’honneur, le forum a mis à l’honneur le rôle des femmes dans les économies africaines. « En Afrique de l’Ouest, ce sont les femmes qui portent l’économie », a martelé Fatoumata Ba. Et les panélistes n’ont pas manqué de rappeler l’optimisme que suscite leur place grandissante dans l’entrepreneuriat : « Les PME constituent l’essentiel des économies de nos pays, et l’entrepreneuriat des femmes domine au sein des PME, sans être visible à sa juste valeur », a rappelé la directrice du Groupe Nexus au Sénégal, Sophie Ly Sow. Un constat d’autant plus vrai dans le domaine du digital, encore souvent considéré comme un pré-carré masculin. « Aujourd’hui, la technologie au Sénégal est dirigée, animée et inspirée par des femmes, témoigne Tidjane Deme, à la tête du Fonds Partech Africa. Et on retrouve des femmes à la tête de tous les incubateurs technologiques sénégalais. »
Le Projet 54, pour soutenir les entreprises créées par des femmes
Pour répondre aux difficultés d’accès aux financements pour les entrepreneures, le Forum a également été l’occasion du lancement officiel du Projet 54, porté par la Fondation WIA Philanthropy. Un appel à candidatures pour des femmes originaires des 54 États africains et désireuses de faire évoluer leur entreprise, avec la promesse de financements atteignant 5 millions d’euros. Le début d’une longue route, celle d’un entrepreunariat responsable et sans complexe aucun.