Selon le commentateur financier Bruno Bertez, il y a certitude sur le fait qu’une crise de grande ampleur va éclater. Ce que les autorités ignorent, c’est quand elle se produira et quel sera son facteur déclenchant.
Je le crois d’autant plus que, sans cette menace, l’Union Européenne n’aurait jamais forcé les États à adopter la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD) à la fin de l’année 2016 pour les plus grands retardataires.
Pour ceux qui n’en auraient pas souvenir, cette directive institutionnalise une pratique initiée à Chypre en 2013 et qui avait permis au système bancaire de se maintenir à flot en ponctionnant sur les comptes dont le montant était supérieur à 100 000 euros.
Les banquiers qui ont institué ou fait instituer cette directive se sont donc donnés, croient-ils, les moyens de contenir une crise dès son déclenchement : en prélevant directement dans les poches des actionnaires, en faisant payer les créanciers et, là réside la nouveauté, en ponctionnant les économies de leurs clients (bail in). L’Allemagne cherche même, selon Bruno Bertez, à faire disparaître la franchise de 100 000 euros, ce qui permettrait aux banquiers coupables de pomper dans les comptes de tout le monde.
Quand on lit que les concepteurs de la BRRD ont pensé cette mesure pour éviter de faire financer la crise par les contribuables (bail out), on est pris d’un fou rire assez malsain puisque les contribuables ont, comme par hasard, un compte en banque. D’autre part, les concepteurs de la BRRD veulent éviter le bail out dans la mesure du possible mais pas à tout prix. Car en dernier ressort, il faudra bien le déclencher y compris jusque dans sa variante abominable qu’est la nationalisation temporaire, l’Etat se chargeant de remettre à flot le vaisseau sabordé en attendant de le restituer aux pirates qui auront gagné beaucoup d’argent à le démolir et qui, pour cette raison, le démoliront à nouveau.
La prochaine crise sera bien entendu, comme celle de 2008, une crise de cessation de paiement des dettes entre acteurs financiers. Quand l’un d’eux fera faillite, il entraînera les autres par effet domino puisque tous sont endettés… pour jouer sur les marchés financiers.
On se rappelle l’effondrement de AIG Financial Products (AIGFP) dirigée par Joseph Cassano. L’effondrement avait été la conséquence d’un cumul de Credit Default Swaps (CDS) assurant les placements risqués de ses clients alors que dans le même temps AIGFP ne disposait pas suffisamment de fonds propres pour venir à leur secours en cas de défauts surnuméraires.
Joseph Cassano est l’un de ceux qui illustrent le mieux le précepte The Best Way to Rob a Bank is to Own One (la meilleure façon de voler une banque est d’en posséder une) inventé par William K. Black pour intituler un de ses ouvrages. Non content d’être débarqué de la direction de la société sans avoir rien eu à restituer du bonus de 35 millions de dollars qu’il avait reçu alors même qu’il avait fourni la preuve de son incompétence (volontaire), Joseph Cassano était revenu par la petite porte comme consultant en échange d’un modeste million de dollars par an. Evidemment, lorsque le Sénat américain l’avait appris, le brave monsieur Joseph avait abandonné le job pour se faire plus discret.
On se souvient aussi que contrairement à Lehman Brothers, AIG avait été sauvée parce que la survie de tout le système bancaire – en particulier de Goldman Sachs – en dépendait.
Les banques d’aujourd’hui ont réussi – croient-elles – à se mettre à l’abri de faillites tonitruantes comme celle de la Barings Brothers au XIXème siècle en envahissant les institutions publiques, en pratiquant le lobbying à tous les étages – l’Union européenne est à ce titre une colonie des banques, Raoul-Marc Jennar et Eric Toussaint l’ont suffisamment prouvé – et en allant jusqu’à forcer les gouvernements à adopter une mesure comme la BRRD ou à modifier la Constitution des États (sous le socialiste Zapatero, l’Espagne a modifié sa constitution en vue de garantir le remboursement de sa dette vis-à-vis des banques allemandes). Ne parlons pas de la Grèce directement gérée par les missi dominici du système financier.
La prochaine crise devrait être – mais ne sera pas, parce que pour cela, il faudrait un coup de force – l’occasion de nationaliser les banques non pas temporairement mais définitivement, de dépouiller leurs responsables de tous leurs avoirs, en particulier ceux cachés dans les paradis fiscaux – qui échappent, comme par miracle, aux confiscations imposées par la BRRD -, de leur faire enfiler des godillots et des pyjamas rayés et de les envoyer casser des cailloux au bagne ad vitam eternam, eux et leurs relais de la haute administration, eux et les pantouflards sursavonnés qui leur servent la soupe contre quelques poignées de dollars avec lesquels ils se payent des costards et étouffent leurs consciences dans le moelleux trompeur des beaux quartiers.
Voilà ce qu’il faudrait faire mais qui ne sera pas fait : les emprisonner et réformer le système bancaire en imposant une série de décrets.
Ce ne sera pas fait parce nous vivons en dictature et que ces gens sont précisément les administrateurs de cette dictature.