Ils veulent faire des affaires, mais pas à n’importe quel prix. On les appelle les entrepreneurs sociaux. Cette génération d’ambitieux conscientisés crée des entreprises conciliant profits économiques et mission sociale, une tendance qui suit l’évolution de la société. Même si l’Observatoire de la Consommation Responsable de Montréal estime que 66 % des citoyens souhaitent consommer de façon plus responsable, on peut se demander si ces entreprises nouveau genre ont vraiment un impact.
LOOP, DES JUS VITAMINÉS CONTRE LE GASPILLAGE DE FRUITS ET LÉGUMES
En février 2016, Julie Poitras-Saulnier et son compagnon David Côté, fondateur des restaurants Crudessence, ont imaginé un modèle d’affaires qui réglerait de manière durable le problème du gaspillage alimentaire. En s’associant au grossiste de fruits et légumes Courchesne Larose, qui leur offre ses invendus à très bas coût au lieu de les jeter, ils créent Loop. Les fruits et légumes sont pressés en jus et conditionnés dans des bouteilles recyclables, puis la pulpe résiduelle est transformée en gâteries pour chiens.
Loop a ainsi sauvé plus de 309 000 kgs de fruits et légumes de la poubelle, permettant du même coup d’économiser environ 203 millions de litres d’eau qui auraient autrement été utilisés pour produire d’autres aliments. « Le concept même de Loop est intriguant et les consommateurs adhèrent vite au produit quand ils connaissent notre mission », dit Julie Poitras-Saulnier.
UN MOUVEMENT ÉCONOMIQUE EN MARCHE
Les entrepreneurs responsables sont encore minoritaires, mais leur impact est loin d’être négligeable. « Ils influencent les grands groupes économiques qui cherchent de plus en plus à les imiter, bien conscients qu’ils traduisent une réelle évolution de la demande des consommateurs », dit Mickaël Carlier, directeur de Novae, un média québécois spécialisé dans l’information et la promotion des pratiques d’affaires responsables. Professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal, Franck Barès constate chez ses étudiants une forte volonté d’aller vers une économie responsable, éthique et collaborative. L’accès facile à l’information de la jeune génération expliquent en partie cette évolution.
DES ENJEUX D’AFFAIRES À SURMONTER
« Il faut se méfier de l’effet marketing, dit cependant Emmanuel-Benoit Raufflet, professeur titulaire au Département de management à HEC Montréal. C’est devenu très payant de mettre en avant ses bonnes actions, et parfois la communication prend le pas sur la réalité ». Thierry Pauchant, également professeur titulaire au Département de management à HEC Montréal, ajoute que tous les modèles d’affaires qui appellent un renouveau fonctionnent encore trop en silo. « Ils devront unir leurs forces pour avoir un réel impact à long terme et survivre à l’effet de mode », dit-il. De nombreuses organisations à travers le monde tentent déjà d’inventer une théorie unificatrice à l’entrepreneuriat social. Certaines de ces organisations sont mises de l’avant dans le livre Atlas de la planète positive d’Isabelle Lefort et Alain Thuleau et le film Demain de Cyril Dion.
VOUS AVEZ UNE IDÉE ET AIMERIEZ CRÉER VOTRE ENTREPRISE RESPONSABLE ?VOICI QUELQUES CONSEILS D’EXPERTS.
- « Suivez des cours en développement durable et en éthique et étudiez les pratiques de gestion pour apprendre à distinguer celles qui sont à la mode de celles qui sont vraiment efficaces. » Thierry Pauchant
- « Lancez-vous, sans hésiter ! Mais quelle que soit votre mission, le produit que vous offrez doit être sans compromis pour le consommateur. Vous pouvez trouver des conseils auprès de ressources comme PME MTL ou la Fondation Mtl Inc. » Julie Poitras-Saulnier
- « Profitez des ressources qui s’offrent à vous. L’incubateur Esplanade et le concours Mouvement de Novae, par exemple, mettent en lumières de jeunes entrepreneurs et proposent de l’accompagnement et des bourses de financement. » Mickaël Carlier
- « Faites preuve d’humilité et de capacités d’apprentissage. Créer un modèle d’affaires responsable, c’est une aventure passionnante. Mais comme dans toute entreprise, il faut être patient et conscient des limites. » Emmanuel Raufflet
Avec revuegestion