L’organisation du plus grand événement sportif au monde permet à la Russie d’être au cœur de l’actualité et présente une occasion pour le Kremlin de revaloriser l’image du pays et de le présenter comme un pays moderne, accueillant et sûr. Mais c’est également l’occasion de légitimer sa position sur la scène internationale.
À l’occasion de la Coupe du Monde de football qui se tient jusqu’au 15 juillet en Russie, l’Observatoire franco-russe a publié un rapport, rédigé par Régis Genté, spécialiste de l’espace postsoviétique, sur l’Histoire géopolitique du football russe.
Selon l’auteur du rapport, la Coupe du Monde de football est l’occasion pour le gouvernement russe de présenter son pays comme une grande puissance sportive, mais pas uniquement. En termes d’image également, le football est un outil important pour Moscou depuis les années 1930.
Introduit par les Anglais à la fin du XIXe siècle, le football a très rapidement été utilisé par le régime communiste pour affronter l’Occident sur un terrain autre que purement politique et démontrer par l’intermédiaire du sport la supériorité de son projet de société. Mais l’avènement du football-business a renforcé l’importance du sport. L’organisation de l’événement sportif le plus suivi au monde permet de véhiculer une image: c’est le principe de soft Power, le pouvoir de l’influence. Et le Kremlin l’a bien compris.
«Vladimir Poutine n’a pas hésité à mettre le football au service de sa politique, celui-ci étant extraordinairement populaire et pouvant par conséquent se révéler être un outil politique potentiellement puissant.», écrivait Régis Genté dans sa note intitulée Futbol vs. Politika: une Histoire géopolitique du football en Russie.
En effet, dans un contexte de relations tendues avec l’Occident, l’organisation de la Coupe du Monde permet à la Russie de court-circuiter les réseaux traditionnels d’information, en grande majorité extrêmement critiques à l’égard de Moscou, et de mettre en valeur la capacité de la Russie à organiser un événement mondial.
Car l’idée est bien, au-delà de l’aspect économique, de donner, en Occident principalement, l’image d’un pays moderne en termes d’infrastructures et de mentalité, de contrecarrer les stéréotypes diffusés en Europe selon lesquels la Russie serait un pays raciste et homophobe. À cet effet, le Kremlin a mené une politique extrêmement dure contre les hooligans, d’habitude tolérés, afin qu’aucun incident n’ait lieu. Et il faut avouer que c’est, jusque là, une réussite. Le seul incident à déplorer à ce jour est le fait de supporters argentins.
La Russie veut aussi projeter l’image d’un pays sûr. Dans un contexte tendu suite aux campagnes menaçantes de plusieurs groupes terroristes présents en Syrie, le Kremlin a mis en place un dispositif de sécurité impressionnant pour qu’aucun attentat n’ait lieu: la présence policière et militaire accrue ainsi que l’installation de portiques de sécurité dans les lieux les plus propices à de larges rassemblements fonctionnent et rassurent les supporters.
Enfin, l’organisation de la Coupe du Monde de football en Russie après l’Afrique du Sud en 2010 et le Brésil en 2014 vient consacrer, sur la scène internationale, l’avènement des BRICS et démontre la pertinence du multilatéralisme auquel Moscou est particulièrement attachée.
«Le Kremlin attend beaucoup de cette Coupe du Monde. […] Il est avant tout question de l’acceptation sur la scène internationale de son modèle politique, autoritaire et conservateur, donc de sa puissance future.»
Avec la Coupe du monde, le gouvernement russe assoit sa légitimité internationale, et par conséquent, celle de ses valeurs et sa vision du monde.
«La Russie se perçoit aujourd’hui dans un monde multipolaire que Vladimir Poutine travaille à faire émerger depuis son arrivée au pouvoir, il y a dix-huit ans», concluait l’auteur du rapport de l’Observatoire franco-russe.
Avec sputnik