À moins d’un mois des élections devant mettre fin au régime de transition, des militaires du régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont arrêté mercredi le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida, plongeant le Burkina Faso dans la crainte d’une tentative de coup d’État.
Ce qui ressemblait d’abord à un nouveau mouvement d’humeur du régiment de sécurité présidentielle (RSP) a pris les contours d’une tentative de coup d’État. Depuis mercredi 16 septembre au soir, la ville de Ouagadougou est plongée dans une situation confuse et tendue, près d’un an après la chute de Blaise Compaoré et moins d’un mois avant les élections présidentielle et législatives devant tourner la page du régime de transition.
Tout a commencé avec la séquestration du président Michel Kafando, du Premier ministre Isaac Zida, et de deux ministres (de la Fonction publique, Augustin Loada, et del’Urbanisme, René Bagoro) par des membres de l’ancienne garde prétorienne de Compaoré, vers 14h30 (locales et GMT), en plein Conseil des ministres au palais de Kosyam. Selon une source à la présidence, des « négociations tendues » ont alors débuté entre les militaires du RSP et les membres du pouvoir exécutif, sans qu’aucune information supplémentaire ne filtre sur leurs revendications des mutins. Pendant ce temps, la haute hiérarchie militaire tentait une réunion de médiation pour essayer de trouver une solution à cette grave crise politico-militaire.
Léonce Koné, vice-président du directoire de l’ancien parti au pouvoir, s’est refusé à « condamner » le coup de force
Le CDP ne condamne pas le coup de force
Selon plusieurs sources concordantes, certains cadres de ce régiment d’élite de l’armée burkinabè, menacé de dissolution et en guerre ouverte avec Isaac Zida depuis des mois, seraient passés à l’action pour protester contre l’exclusion des membres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), de Blaise Compaoré, des futures élections. Sur France 24, mercredi soir, Léonce Koné, vice-président du directoire de l’ancien parti au pouvoir, s’est d’ailleurs refusé à « condamner » le coup de force, jugeant que les prochains scrutins ne seraient « pas démocratiques ». « Quand on [le régime de la transition, NDLR] se comporte de cette manière-là, ces choses arrivent », a-t-il estimé.
Cette « prise d’otages » du binôme exécutif de la transition, à laquelle ses auteurs n’avaient toujours pas donné d’explications jeudi matin, a rapidement mis le feu aux poudres. Dénonçant un nouveau coup de force du RSP, les organisations de la société civile ont appelé les Burkinabè à descendre dans la rue pour marcher vers le palais de Kosyam. De son côté, Chérif Sy, le président du Conseil national de transition (CNT) et troisième personnalité du régime transitoire, a appelé ses compatriotes à se mobiliser « pour faire échec à cette opération » et pour obtenir « la libération immédiate du chef de l’État, du Premier ministre et des ministres arrêtés ».
Patrouilles du RSP à Ouagadougou
Alors qu’ils se dirigeaient vers la présidence en début de soirée, vers 19h, des centaines de manifestants ont été dispersés par des tirs de sommation d’éléments du RSP. Aucun bilan n’était disponible dans l’immédiat. Toute la nuit, des tirs sporadiques ont été audibles dans plusieurs quartiers de Ouagadougou, alors que le siège du CDP dans la capitale était saccagé, selon l’AFP.
Les émetteurs de plusieurs radios, en particulier ceux de Radio Omega (dont plusieurs motos, devant le siège, ont été incendiées) et RFI, ont été coupés et des blindés ont pris positions devant les locaux de la chaîne de télévision nationale (qui a diffusé ses programmes habituels), tandis que des soldats du RSP patrouillaient en pick-up ou à moto pour décourager de nouvelles mobilisations. Des mouvements de troupes qui se poursuivaient jeudi matin à Ouagadougou, alors que le mouvement « Balai citoyen », qui avait été en pointe dans la contestation contre l’ex-président Compaoré, a appelé sur les réseaux sociaux à un nouveau rassemblement dans la matinée pour « dire non au coup d’État en cours ».
De leurs côtés, les partenaires régionaux et internationaux ont rapidement condamné ce coup de force en cours à Ouagadougou. L’ONU, l’Union africaine (UA), la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et la France ont exigé mercredi 16 septembre au soir la libération immédiate de Michel Kafando et de Yacouba Isaac Zida. Jeudi matin, le président et le Premier ministre étaient toujours retenus de force par les militaires du RSP.
Avec JeuneAfrique