Les chercheurs du Centre national de recherche agronomique(CNRA) de Côte d’Ivoire ont mis au point des variétés de cacaoyers plus résistantes au virus de la pousse de cacao gonflée ou CSSV (abréviation de Cacao swollen-shoot virus).
Il s’agit d’une maladie virale très contagieuse qui se manifeste par le gonflement des rameaux et des racines du cacaoyer, le jaunissement des feuilles et la déformation d’organes, affectant sévèrement le rendement des plantes touchées, avant de les tuer au bout de trois à cinq ans.
“Après avoir évalué certaines de nos variétés, il est ressorti que nous avons des variétés prometteuses face au CSSV. Ces variétés sont considérées comme tolérantes à cette maladie qui se propage rapidement, et que nous continuons d’observer”, a expliqué Désiré Pokou, chercheur au Centre national de recherche agronomique, dans une interview à SciDev.Net.
“Cette maladie dévastait leurs plantations sans qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit. On a procédé à l’arrachage de ces parcelles et on a replanté des semences améliorées.”
Anselme Kan
ANADER
Pour l’heure, aucune dénomination n’a été attribuée à ces variétés, mais selon Désiré Pokou, elles seraient issues de la famille du “Cacao Mercedes“, une variété de semences améliorées mises au point par des chercheurs du CNRA, avec une croissance précoce et un rendement élevé.
Les semences précédentes étaient dans des cabosses et il fallait un maximum de 48 ou 72 heures pour les mettre en sachet.
Passé ce délai, leur faculté germinative baissait. Mais les semences améliorées sont enrobées, ce qui augmente leur temps de conservation de sept jours au moins, avant que leur faculté germinative ne soit affectée.
Avec leur distribution aux producteurs, la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, avec une production de 1,7 millions de tonnes pour la saison 2016-2017, entend estomper la progression destructrice du CSSV, avant de le faire disparaître définitivement.
Arrachage-replantation
De façon pratique, le procédé de lutte consiste en une technique dite d’arrachage-replantation des cacaoyers malades dans les zones affectées et à leur remplacement par des plants obtenus avec les semences améliorées.
Ainsi, depuis le début de l’année, un programme d’intensification des campagnes d’arrachage-replantation des vergers infectés par le CSSV est en cours dans presque toutes les zones de production cacaoyère du pays.
Ce projet, initié par le Conseil du café-cacao (CCC) et mis en œuvre par l’Agence nationale de développement rural (ANADER), en partenariat avec le CNRA et le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricole (FIRCA), vise, au bout de cinq ans, le renouvellement de près de 100.000 hectares de vergers affectés sur la période 2017-2022, pour un coût de 34,5 milliards de francs CFA (environ 63 millions de dollars).
“Le CNRA travaille à générer les connaissances, l’ANADER travaille à les porter au maximum auprès des paysans ; il s’agit d’une approche très stratégique qui consiste à proposer ces variétés dans les zones les plus infectées et continuer parallèlement de développer des variétés avec des niveaux de résistance beaucoup plus élevés contre le CSSV”, souligne Désiré Pokou.
Selon Anselme Kan, technicien spécialiste en cultures pérennes à l’ANADER, en poste à Alépé (Sud), des planteurs qui avaient été gagnés par le découragement, à cause du CSSV, ont commencé à reprendre espoir avec les premiers résultats de cette technique.
“Cette maladie dévastait leurs plantations sans qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit. On a procédé à l’arrachage de ces parcelles et on a replanté des semences améliorées. Je peux dire que l’expérience est assez satisfaisante pour nous et pour les planteurs”, se réjouit-il.
Depuis 2014 à ce jour, plus de 130 hectares de cacaoyers ont été arrachés et replantés dans la seule zone d’Alépé, aux dires d’Anselme Kan.
“La maladie a complètement disparu de ces parcelles. Quand on utilise de manière effective ces semences qui sont mises à disposition par le CNRA, la maladie ne revient plus.”
Pourtant, la phase pilote d’expérimentation de cette découverte, en 2013-2014, n’a pas été des plus aisées, tant elle a été confrontée à des réticences chez les planteurs, à l’image de Béda Kouassi, un exploitant agricole du département d’Adzopé (Sud), rencontré par SciDev.Net.
“Ça n’a pas été facile pour moi d’accepter qu’on vienne arracher mes cacaoyers. Les agents de l’ANADER ont mis du temps à me convaincre”, témoigne Béda Kouassi, qui exploite huit hectares de cacaoyers.
Au départ, quatre hectares ont été arrachés et replantés dans son champ.
“Mais aujourd’hui, avec les premières plantes qui poussent sans maladie, j’ai accepté de renouveler tout le champ avec des variétés améliorées. En attendant les premières récoltes, avec les conseils des techniciens, j’ai planté des bananes et du maïs que je vends pour survivre”, dit-il.
“L’avantage avec ces semences, poursuit-il, c’est que non seulement elles sont vraiment résistantes contre la maladie du CSSV, mais aussi, elles sont plus faciles à transporter. Avec deux sachets de semences, on peut produire un hectare.”
Préalables
Toutefois, la réussite de cette technique d’arrachage-replantation doit obéir à certains préalables.
D’abord, précise Désiré Pokou, il faut que les planteurs respectent à la lettre les consignes sur la fiche technique fournie par le CNRA et mise à leur disposition, pour leur permettre de reconnaître la maladie et ses symptômes.
Ils doivent aussi créer une délimitation, “c’est-à-dire une zone barrière entre la zone de production des variétés améliorées et les zones affectées, en plantant des plantes barrières comme l’hévéa, le palmier, l’anacardier, le café, etc.”, précise pour sa part Anselme Kan Anselme, de l’ANADER.
Pour le planteur Béda Kouassi, le CCC doit maximiser les actions d’arrachage en s’attaquant aux grands arbres, “car il y a de vieux vergers avec des symptômes du CSSV sous certains arbres.
“Il se trouve qu’il y a beaucoup d’arbres dans certaines plantations. Il faut réduire ces arbres à une densité normale et cela a un coût que nous autres planteurs n’avons pas les moyens de supporter”, déplore-t-il.
“Certains producteurs sont déjà opposés à ce qu’on arrache leurs plantes. Quand on leur demande de financer encore l’arrachage des arbres, ils refusent catégoriquement, ce qui peut compromettre l’opération.”
Mais au-delà de ces difficultés, il est aussi conseillé aux planteurs d’appliquer de bonnes pratiques culturales, mais aussi d’inspecter régulièrement leurs cacaoyères pour détecter de nouveaux foyers de la maladie.
“Récemment, des rats palmistes ont mangé une cabosse de cacao d’une plante infectée et sont allés déféquer dans le creux d’un arbre. Une fève qui est tombée de leurs excréments sur le sol a germé, et la plantule née de cette fève présentait déjà des gonflements”, raconte Anselme Kan.
“C’est dire à quel point cette maladie résiste et se propage rapidement, et cela nécessite beaucoup de vigilance.”
C’est pourquoi, l’ANADER souhaite le plus tôt possible étendre cette campagne à toutes les zones cacaoyères du pays, de sorte qu’au bout de cinq ans, l’on soit à mesure de dire que le CSSV a disparu des vergers cacaoyers de Côte d’Ivoire. “C’est notre objectif !”, clame Anselme Kan.
D’ici là, le CNRA aussi, de son côté, entend continuer parallèlement de travailler sur la maladie, notamment sur son mode d’action, ses différentes souches virales, mais aussi les meilleures pratiques pour pouvoir la contenir.