Quatre grands groupes dévoilaient leur vision R&D, le 25 avril, à la suite de l’AG du pôle Images & Réseaux. Au menu, tous les grands thèmes d’actualité : nouveaux formats vidéo, 5G, IoT, cybersécurité, virtualisation… Et du haut-vol technologique comme le fog computing, la blockchain ou encore le deep learning.
Sur scène, tour à tour, quatre pointures : Cristina Gomila, qui dirige la recherche et l’innovation du groupe Technicolor, Emmanuel Dotaro, directeur des études amont Sécurité et Résilience à Thales Communications et Sécurité, Jean-Luc Beylat, directeur des Bell Labs France du groupe Nokia, et Vincent Marcatté, Vice-président Open Innovation d’Orange Labs. Tous quatre intervenaient devant la communauté Images & Réseaux qui s’était réunie pour son assemblée générale, le 25 avril, à Pleumeur-Bodou, près de Lannion.
Ces visions sur la R&D présente et à venir sont des indicateurs sur les sujets prioritaires à traiter et les opportunités de projets collaboratifs. Chacun des groupes s’est dit sensible à l’open innovation d’autant que, pour Emmanuel Dotaro, « un opérateur qui maîtrise l’ensemble des technologies n’existe pas. » L’air du temps est aux systèmes interconnectés et interopérables, ainsi qu’à une mise en œuvre « tenant compte des marchés verticaux, ce qui impose de travailler avec le monde extérieur », observe pour sa part Jean-Luc Beylat.
Technicolor : la convergence Entertainment / jeu vidéo
Technicolor fête cette année 100 ans d’existence, un long bail au cours duquel l’entreprise a connu de nombreuses transformations. « Le groupe s’est réinventé plusieurs fois », résume Cristina Gomila. L’objectif d’aujourd’hui est de marier au mieux créativité et technologie « pour faire rêver ». L’entreprise est positionnée sur trois axes : les services DVD, les décodeurs et routeurs de la maison, et la post production avec notamment les effets spéciaux, les VFX étant un secteur « qui n’arrête pas de grandir ».
Le contexte est celui d’une convergence entre Entertainment et jeu vidéo, avec une demande grandissante pour des contenus interactifs. D’où « un clash de culture » entre deux secteurs qui avaient tendance à s’ignorer. La R&D se focalise sur les axes qui permettent de « bâtir une différenciation » dans un paysage très mouvant où « la compétition peut arriver d’entreprises que je ne connais pas encore », remarque Cristina Gomila.
Les priorités de Technicolor à court et moyen termes sont l’évolution des formats vidéo (4K, HDR), les contenus immersifs et augmentés, l’internet des objets et la virtualisation. À plus long terme on trouve notamment « tout ce qui permettra d’améliorer l’image », les capteurs qui permettront d’améliorer le service tout en étant « non invasifs pour la maison », la réalité augmentée pour améliorer l’expérience utilisateur, et de nouveaux moyens d’archivage qui permettront de « conserver des films pendant des centaines d’années ».
Thales : la sécurité doit s’adapter
À suivre, Emmanuel Dotaro, Thales, dresse un panorama complet et très dense de la sécurité dans le contexte de la 5G. Une nouvelle génération mobile qui s’apparente davantage à une rupture qu’à une évolution : « ce n’est pas simplement la 4G + 1 ». Selon lui, il faudra que la sécurité s’adapte à une série d’évolutions technologiques majeures : la softwarisation des réseaux qui fournit une vue centralisée et dynamique du réseau et des ressources, la virtualisation des fonctions et des services, le Multi-RAT pour unifier la gestion des ressources radio, l’insertion automatique dans un réseau en Plug & Play, et la gestion automatique des services.
La réponse est dans le software-defined security (SDS), afin d’offrir « la bonne fonction de sécurité, au bon endroit, au bon moment, et au bon coût ». Parmi les technologies évoquées, la blockchain qui sécurise en distribuant le contrôle des transactions, ou encore la contextualisation qui permet de détecter une attaque par croisement de sources d’informations : « Est-ce que le monsieur qui demande le service n’est pas en vacances ? »
Emmanuel Dotaro termine par quelques idées en direction des startups. Par exemple, « un outil capable de radiographier un système pour voir s’il se comporte comme prévu ». Également des applications de Security as a Service (SECaaS) car « tout le monde ne pourra pas se permettre d’avoir un expert de la sécurité ».
Nokia : l’ère de l’automation
« Le problème n’est pas d’aller deux fois plus vite, c’est d’aller dix fois plus vite ! » C’est ainsi que Jean-Luc Beylat décrit sa vision des Bell Labs, désormais l’une des entités de recherche du groupe Nokia. Un groupe qui a la volonté de travailler avec d’autres acteurs parce que « personne n’a jamais la totalité du système ». Selon le directeur des Bell Labs en France, « on arrive à une deuxième ère », celle de l’automation layer : les couches logicielles qui apportent de la simplification.
Parmi les priorités pour la 5G : la latence, un enjeu crucial pour certaines applications, la scalabilité, car il faut pouvoir « passer à l’échelle », l’efficacité énergétique, sans doute le plus grand défi à relever : « Un jour, nous serons limités en nombre de mails », prophétise Jean-Luc Beylat. Pour lui, la transformation numérique de la société doit répondre à deux exigences, « créer du temps et de la confiance« , le tout étant « assis sur les infrastructures à développer ».
Orange : l’internet ambiant dans un monde cyberphysique
Vincent Marcatté, Orange, commence par quelques observations. Robotique, électronique flexible, impression 4D… « Il se passe quelque chose dans le monde du hardware. » Côté logiciel, l’intelligence artificielle refait surface avec le deep learning. Il donne l’exemple d’une application de reconnaissance faciale, basée sur l’apprentissage profond et développée en 6 mois, qui s’avère plus performante qu’une application classique équivalente fruit de 10 ans de développement : « les réseaux de neurones, l’apprentissage profond, c’est une révolution ».
Pour la 5G, Orange a défini des priorités « parce qu’on ne peut pas s’atteler à tout ». Notamment : 100 Mbits partout, une homogénéité de la qualité d’expérience, des performance accrues à consommation d’énergie constante… L’enjeu, c’est la connectivité ambiante avec des terminaux de plus en plus intelligents, capables de « sélectionner la meilleure connectivité ». Du point de vue du réseau, « nous allons migrer du cloud computing au fog computing ». Autrement dit, le stockage des données va progressivement descendre au plus près des utilisateurs. Et pour faciliter la gestion des ressources et des services, la tendance est à « l’environnement virtualisé unifié ».
À propos de l’internet des objets, Orange préfère parler de « WebIoT », donc un environnement qui simplifie l’interconnexion : « l’html des objets pour qu’ils communiquent entre eux », avec des objets capables « d’exposer leurs fonctions ». La vision à terme est celle d’un « vaste système cyberphysique intelligent », qualifié « d’internet ambiant ». Pour le construire, quatre axes de travail : big data, IoT, cloud et réseaux. Auxquels s’ajoute une priorité, « des interfaces simples utilisant réalité virtuelle et réalité augmentée pour interagir de manière naturelle ».
Du grain à moudre pour le territoire
Au passage, les intervenants situaient le lien entre les efforts de R&D et notre territoire. Ainsi, Cristina Gomila constate que trois des quatre laboratoires de recherche de Technicolor sont à Rennes. Vincent Marcatté, pour Orange Labs, parle de campus adaptés aux nouveaux enjeux à Rennes et Lannion. Plus attendu sur ce terrain suite à l’absorption d’Alcatel-Lucent par Nokia et les restructurations en cours, Jean-Luc Beylat fait savoir que le nouvel ensemble a « beaucoup d’ambition pour Lannion ». Un site Bell Labs sera monté à Lannion, sur deux thèmes de recherche : la cybersécurité et les enjeux de la virtualisation.
Avec lemag-numerique.com