C’est dans cette perspective que, comme par anticipation, j’ai proposé, dans ces mêmes colonnes, une contribution qui a souligné le fait que, pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, nous n’avons pas toujours supposer les bonnes questions qui s’imposent à l’occasion des grands rendez-vous historiques de l’évolution de notre pays.
Préserver la dignité et l’honneur du Président de la République
L’objet de cette contribution est de montrer et de témoigner de ce que le respect de la dignité et de l’honneur du Président de la République de la Côte d’Ivoire est un principe qui compte au nombre des valeurs qui emportent naturellement l’adhésion des Ivoiriens de toutes les tendances: la droite, la gauche, le pouvoir et l’opposition, la société civile… Il y a plus d’une raison à cela. Cela va sans dire, le Président de la République de notre pays est l’incarnation de la Côte d’Ivoire.
Il faut donc préserver sa dignité et son honneur. Parce qu’en le faisant, on préserve tout simplement la dignité et l’honneur de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens. Ce n’est pas seulement une question d’éthique. À ce niveau de responsabilité, ces valeurs deviennent aussi instrumentales. Qu’est-ce à dire ? La dignité et l’honneur du Président de la République participent de sa crédibilité.
Et c’est lui qui porte la voix et la signature de notre pays. La crédibilité du Président de la République au plan national et international est donc déterminante pour la crédibilité et partant la réputation de notre pays. Or la crédibilité du pays est l’un des principaux leviers qui sont utilisés par le gouvernement pour défendre les intérêts de la Côte d’Ivoire : assurer la sécurité de notre pays, poursuivre son développement économique et sociale, améliorer les conditions de vie des Ivoiriens: santé, logement, éducation, transport…
Je n’ai pas besoin de souligner le fait que la crédibilité d’un pays et la confiance qu’on lui reconnaît le rendent attractif. Il attire, par conséquent, les investisseurs. Ensuite, les taux d’intérêt qui ont une relation négative avec les investissements baissent. Ce qui accroît le niveau de l’investissement. Lequel investissement est le principal déterminant de la croissance économique et de la transformation structurelle d’un pays. En conséquence, la dignité et l’honneur du président de la République recouvrent des enjeux stratégiques majeurs pour l’avenir de notre pays. C’est donc un capital au sens économique du terme pour la Côte d’Ivoire. Il faut donc, comme tout capital, l’entretenir. Il faut que je sois bien entendu. La politique mise en œuvre par le gouvernement pour le développement du pays sous l’autorité du Président de la République peut être critiquée, voire remise en cause.
Il est même recommandé de le faire parce qu’il est constructif de montrer au gouvernement les limites de sa politique et de lui faire des propositions alternatives. En revanche, il faut se détourner des propos, des écrits ou de tout autre acte qui s’attaque à la personne du Président de la République. Il convient de s’arrêter sur le sujet parce qu’il apparaît que l’on saisit le prétexte de l’élection présidentielle programmée le 25 octobre 2015 pour déroger à cette règle morale et républicaine. Ce qui peut être dangereux pour la cohésion nationale si rien n’est fait pour appeler à la raison et à la retenue.
C’est dans cette perspective que, comme par anticipation, j’ai proposé, dans ces mêmes colonnes, une contribution qui a souligné le fait que, pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, nous n’avons pas toujours supposer les bonnes questions qui s’imposent à l’occasion des grands rendez-vous historiques de l’évolution de notre pays. C’est une faute qui a été préjudiciable à la Côte d’Ivoire au point de la défigurer et de la faire reculer : le pays a connu des conflits destructeurs qui se sont soldés par des milliers de morts, des veuves, des orphelins… Ceci étant, le moins que l’on puisse demander aux Ivoiriens, c’est de tirer les leçons des conséquences de cette faute pour aborder l’élection présidentielle avec une nouvelle disposition d’esprit.
Celle-ci doit amener à soulever des questions constructives pendant toute la période électorale. À cet effet, j’avais soumis aux Ivoiriens à travers Fraternité Matinquelques questions qui me semblent d’une importance stratégique pour le pays si l’on veut tirer profit de l’opportunité qu’offre cette période, pour poser et traiter les vrais problèmes de la Côte d’Ivoire de manière à la faire progresser.
Apparemment, je peux considérer que je n’ai pas encore été entendu. Ceci m’amène donc à revenir sur la nécessité de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises questions dans le débat qui est censé éclairer les enjeux de l’élection présidentielle annoncée. Mais cette fois-ci, j’adopte une démarche concurrente qui consiste à donner en exemple le type de mauvaises questions dont on doit faire l’économie. C’est-à-dire des questions dont les réponses ne permettent pas de faire avancer notre pays.
Au nombre de celles-ci, la question de savoir si le Président de la République est éligible ou non à sa propre succession. En dépit du fait qu’aujourd’hui, la valeur ajoutée de cette question est nulle dans la quête des solutions au développement de la Côte d’Ivoire, elle consomme beaucoup d’énergie. C’est ainsi qu’à son sujet, les juristes se livrent à une démonstration de force. Dans le Patriote du 3 août et le Nouveau réveildu 6 août 2015, Me Mamadou Diané évoque un défi lancé par Me Faustin Kouamé sur l’inéligibilité du Président de la République.
Pour relever ce défi concernant l’article 35 de la Constitution, Me Diané expose une abondante jurisprudence non susceptible de recours. Une jurisprudence qui montre que le Président de la République est bien éligible. Alors qu’il pensait avoir ainsi clos le débat définitivement, le Grapa Pdci s’efforce de réfuter son analyse. Il montre les limites de l’argumentaire de Me Diané dans l’Interdu 5 août 2015 et soutient que le Président de la République n’est pas éligible. Comme il apparaît, ce débat est surréaliste.
Les uns et les autres oublient que ce qui compte ici, c’est le bon sens. Ce qui importe ici, c’est la vie et le bien-être de nos compatriotes. Comment comprendre que ce sujet qui nous a fait tant de mal à nous tous soit ramené à l’ordre du jour au moment où l’occasion nous est donnée de persévérer dans la quête de la réconciliation nationale pour que les Ivoiriens se reconstruisent ? On ne devrait pas oublier que ce sujet a profondément divisé la Côte d’Ivoire et fait de notre pays la risée de la communauté internationale, comme le soutient Me Diané. Va-t-on indéfiniment jouer avec l’avenir des Ivoiriens ? Ce n’est pas la première fois que dans l’histoire de notre pays, l’on perd de vue les intérêts de la Côte d’Ivoire pour mettre en avant d’autres considérations pour traiter d’une question qui engage le destin de notre pays.
L’exemple qui me vient en tête ici est celui de la carte de séjour. Si je ne m’abuse, le gouvernement du Premier ministre, Alassane Ouattara, avait inauguré une politique d’immigration, comme il en existe dans tous les pays du monde. Et l’un des instruments de cette politique était la carte de séjour. Au lieu de le soutenir parce qu’il défendait l’intérêt national, on le lui a reproché en soutenant que c’était une mauvaise mesure. Résultat, la carte de séjour a été supprimée. On a donc jeté le bébé avec l’eau du bain.
En conséquence, à ma connaissance, sauf erreur de ma part, notre pays se retrouve aujourd’hui sans une véritable politique d’immigration. Ce qui pose le problème de la maîtrise du taux de croissance de la population et, en conséquence, celui de la planification du développement. Aujourd’hui encore, le Président de la République laisse apparaître qu’il ne se sent pas concerné par l’article 35 de la Constitution.
On peut le comprendre d’autant plus qu’il est le Président en exercice de la Côte d’Ivoire. C’est-à-dire que c’est lui qui est en première ligne dans la défense des intérêts de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens dans tous les domaines. Il est aujourd’hui le premier destinataire et partant le principal détenteur des secrets d’Etat. Il est, depuis plusieurs années, le chef suprême des armées de Côte d’Ivoire. Il n’est pas raisonnable de remettre en cause son éligibilité si ce n’est pour entacher sa dignité et son honneur.
L’élection présidentielle du 25 octobre 2015 nous donne une opportunité d’aborder les problèmes stratégiques de la Côte d’Ivoire. Il faut les décrypter et les traiter, tout en préservant la dignité et l’honneur de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, si nous voulons faire de la Côte d’Ivoire une nation forte et respectée : le pays de la vraie fraternité.
Par le Pr TCHETCHE N’GUESSAN
Directeur honoraire du centre ivoirien de recherches économiques et sociales (Cires)
Président de l’association des économistes et financiers de Côte d’Ivoire